DavidJe serre les dents, le souffle court, le cœur battant à l’unisson avec cette arène invisible où nous venons de pénétrer. La Troisième Porte derrière nous n’est plus qu’un souvenir gravé dans la pierre, une frontière brisée, un seuil dépassé qui nous projette dans un monde réinventé sous un ciel d’ombres mouvantes et d’éclats incertains. Chaque pas que je fais ici semble creuser plus profondément dans un abîme d’inconnu, dans un chaos prêt à nous engloutir sans pitié. Une sensation oppressante me serre la poitrine, mais aussi un feu brûlant d’une détermination farouche.Autour de moi, les autres avancent, leurs visages tirés par la fatigue, la peur, l’appréhension mais aussi par cette flamme inextinguible, ce refus d’abandonner malgré tout. Esteban, les traits marqués par la tension, Kael au regard perçant, Joren, dont la concentration palpable semble repousser l’angoisse, et Alma, la clé vibrante en elle, fragile et puissante à la fois. Nous ne sommes plus simplement des compagn
BriggsJe les observe à travers le voile d’ombre, là où la lumière peine à pénétrer. Leur passage à travers la faille a tout bouleversé, comme une secousse tellurique dans l’ordre immuable du monde. Leurs âmes vibrent d’une énergie nouvelle, dangereuse, imprévisible. Cette énergie pourrait tout ravager… ou tout recréer.La Deuxième Porte n’était qu’un seuil, un écho lointain du véritable défi. La Troisième Porte est la vraie épreuve. Celle qu’aucun ne franchit sans payer le prix ultime.Un sacrifice.Pas un sacrifice banal, mais une offrande totale : de chair, d’esprit, et de ce qui nous rend humains — cette étincelle fragile qu’on appelle l’âme.Je tends la main vers le cercle gravé dans la pierre froide sous mes pieds. Les symboles s’éveillent, s’illuminent d’une lueur pourpre et incandescente, résonnant d’un écho ancien, enfoui au plus profond de mes veines. Le temps devient fluide, oscillant entre accélération et suspension. Tout converge vers ce moment unique.Ma décision doit êt
AlmaJe sens le changement avant même de reprendre conscience.Un souffle différent, une gravité qui s’inverse, comme si le monde lui-même retenait son souffle. Quand j’ouvre les yeux, la lumière n’est plus la même. Elle est plus dense. Plus ancienne. Et tout est silencieux. Pas le silence des forêts ou des tombes. Un silence cosmique. Le genre de vide qui hurle sans bruit.Je suis seule.Pas un seul des garçons. Ni Joren, ni Kael, ni Esteban, ni David. Mon cœur se contracte, prêt à paniquer. Mais je me retiens. Parce qu’au fond… je sens leur présence. Faiblement. Comme un fil invisible qui me relie à eux. Ils sont là. Juste ailleurs. De l’autre côté.Je me relève. Autour de moi, le paysage a changé. Ce n’est plus la forêt. Plus vraiment. Les arbres sont immobiles, figés dans un entre-deux, leurs troncs fendus laissent s’échapper une lumière bleue, comme si chaque arbre était un portail inactif. Le sol est craquelé, et sous les crevasses brillent des symboles mouvants, écrits dans une
EstebanLa roche s’ouvre.Littéralement. Sous nos pieds, dans un fracas à peine contenu, une crevasse s’élargit comme une bouche oubliée du monde, un puits noir dans lequel même la lumière hésite à descendre. Kael n’a pas eu besoin d’insister. Nous savions. Depuis toujours, peut-être. Depuis cette première nuit où le feu a vacillé différemment, où nos ombres se sont allongées plus que nature.Je regarde les autres. David, tendu comme une corde prête à se rompre. Joren, le front marqué d’une sueur froide, tenant sa paume comme s’il essayait d’endiguer la Marque. Kael, calme. Trop calme. Il ne tremble pas. Il ne cligne même pas des yeux. Il écoute quelque chose que nous n’entendons pas encore. Mais nous finirons par l’entendre, nous aussi.J’ignore combien de temps nous descendons. Les parois se referment, l’air se densifie. Le silence devient lourd, presque vivant. Il nous absorbe. Chaque pas est une offrande. Chaque souffle, une tentative de rester soi-même dans l’obscurité.Et puis n
EstebanJe ne dors pas.Pas parce que j’ai peur. Pas parce que je veille.Je ne dors pas parce que quelque chose m’attend.Le feu que nous avons allumé a faibli, ses flammes mortes laissant place à une mer de braises qui craquent par instants, comme un souffle mourant. La lumière vacille et danse sur les visages endormis autour de moi. David est toujours éveillé, dos droit, regard tourné vers l’obscurité, les sens en alerte. Kael repose sous sa cape, immobile, trop immobile. Et Joren parle dans son sommeil, mais ce ne sont plus ses mots. Des syllabes anciennes, des fragments de langues que personne n’a le droit de prononcer à haute voix.Et sous nos corps… je le sens.Le sol. Il vibre.Très légèrement. À peine plus qu’un frisson. Mais ce n’est pas naturel. Ce n’est pas un mouvement sismique, ni même la résonance d’un animal qui passerait non loin. C’est un battement. Lointain, profond. Un cœur géant. Un pouls archaïque qui tape contre les fondations du monde. Et je sens, avec une cert
DavidNous avons marché jusqu’à la lisière de la clairière, là où l’odeur de la terre calcinée se mêle encore aux relents de magie. Chaque pas est une victoire contre la douleur. Chaque inspiration, un rappel que nous avons survécu mais à quoi, exactement ? La brûlure dans ma poitrine n’est pas que physique. C’est le poids de tout ce que nous avons déclenché, de tout ce que nous avons perdu, et surtout, de ce que nous ne savons pas encore.Le ciel s’est assombri, non d’orages, mais d’un voile qui flotte sans poids, comme un linceul tissé par des mains anciennes, et le vent semble murmurer des secrets oubliés. Joren chancelle à côté de moi, les veines de ses bras encore parcourues de lueurs bleutées, vestiges de l’énergie que nous avons déchaînée. Esteban est silencieux, tendu. Il garde sa main sur mon dos, comme s’il avait peur que je tombe, ou que je disparaisse à nouveau. Je sens sa présence comme un ancrage, fragile mais réel.Kael nous suit. Il ne parle pas, ne menace pas. Il n’es