SébastienJe bus avec avidité, comme si mes lèvres n’avaient pas touché l’eau depuis des jours — ce qui était sans doute le cas. Quelques minutes plus tard, la jolie dragonne revint, portant à la fois de quoi étancher ma soif et un bol de bouillon fumant. Je ne fus pas mécontent de pouvoir enfin avaler quelque chose, surtout après avoir respiré la bonne odeur du gibier et des épices qui mijotaient encore.Mon corps, encore engourdi par plusieurs jours d'inconscience, peinait à se mouvoir. Vénizia, attentive, se proposa de m’aider à manger. La scène avait quelque chose d’étrangement intime, mais ma faim prit le dessus sur ma gêne, et je me laissai faire. À chaque cuillerée qu’elle portait à mes lèvres, nos regards se croisaient en silence, lourds de sens. Alors, quand la voix de Roman interrompit notre échange muet, je lui en fus presque reconnaissant."Je n’voulais pas le croire tant que je ne l’avais pas vu de mes yeux ! Tu es bien réveillé…""Est-ce que je t’ai manqué ?" répliquai-j
SébastienLe noir. Tout autour de moi était plongé dans le noir. Je ne savais pas où j'étais, dans quel état, ni même ce que je faisais là. Aucun bruit ni aucune lumière ne m'entourait. J'étais plongé dans l'obscurité la plus totale. Est-ce que j'avais toujours ressenti ce silence ? Peut-être étais-je endormi ? Ou ...mort ?La dernière chose dont je me souvienne est la chute de l'assassin de mon frère dans le précipice... Et après, trou noir ! Peut-être qu'il fallait que j'ouvre les yeux et que je me lève pour pouvoir appercevoir la lumière à nouveau. Je ne savais même pas si j'étais allongé ou debout ! Mes yeux semblaient cligner malgré l'obscurité, ils étaient donc ouverts... Où étais-je ? Qu'est-ce que je faisais ici ?Soudain, un son léger, aigu, résonna dans l’immensité silencieuse, qui me fit me redresser aussitôt. Je suppose que je devais être assis maintenant. Une pointe de crainte m’envahit, vite remplacée par la curiosité. Après quelques secondes, le bruit revint, plus disti
Ella"Aaargh" "Ça va aller, mordez-ça !" ordonnai-je doucement à l'un des bléssés, dont une partie du dos avait été arrachée, laissant la peau déchirée et pendante. J’avais commencé à recoudre un côté après l’avoir repositionné, mais la plaie était si vaste que chaque point prenait de longues minutes, et son agonie semblait interminable. Je lui avais fait inhaler un anesthésiant, mais son effet était insuffisant face à l’ampleur de sa blessure.Je savais qu’un sédatif plus puissant aurait pu l’envelopper dans un sommeil artificiel, l’arrachant à sa douleur. Mais ces remèdes précieux devaient être réservés aux cas les plus désespérés : lorsque le corps devait être ouvert ou qu’un membre devait être amputé. Nous n’en possédions pas assez pour offrir ce répit à tous nos blessés.Une vingtaine de minutes plus tard, mes mains engourdies cessèrent enfin leurs gestes mécaniques. Le souffle court, je laissai tomber l’aiguille et le fil dans la bassine rougie par le sang."C’est terminé…" sou
EllaDes heures et des heures s'étaient écoulées depuis la terrible nouvelle qui m'avait brisée de l'intérieur. Je n'avais plus la notion du temps : nuit et jour se confondaient et filaient trop vite, beaucoup trop vite pour mon esprit engourdi. Je n'avais pas la force de me lever pour aider sur le camp, ni même pour manger. Il fallait pourtant que je me ressaisisse : les bruits qui venaient de l'extérieur indiquaient que les blessés n'en finissaient pas. La guerre avec le Zangar avait bel et bien commencé, et moi, je restais là, immobile, inutile.J'avais tant pleuré que je me sentais vidée. Je ne savais plus qui j'étais maintenant qu'une part de mon cœur avait disparu avec l'amour de ma vie. Mon âme semblait vide, elle-aussi ; j'errais dans un corps hanté par le souvenir de Sébastien. J'avais besoin d'avancer, mais j'ignorais comment rallumer la flamme qui s'éteignait peu à peu en moi.Était-il possible de se relever de cette douleur ? D'autres avant moi étaient passés par là, j'en
Rose-Anna(Flashback) "Où est-il... le messager ?" je demandai à Ytéris, les yeux fixés sur le visage endormi de ma meilleure amie."Il était avec Féras avant qu'Ella ne perde conscience. Il doit être dans une des tentes maintenant..." Je hochai la tête, en me redressant doucement."Reste auprès d'elle jusqu'à ce que je revienne. S'il te plaît.""Compte sur moi!" me dit mon ami, avant que je ne me précipite à l'extérieur, prête à interroger l'homme dragon sans attendre.J’aperçus Féras devant la tente secondaire et me précipitai vers lui :"Où est le messager ?""Dans cette tente, mais Rose…"Je m’étais déjà dirigée vers l’entrée lorsqu’il m’interpella, le regard grave. Je le fixai, silencieuse, attendant qu’il termine sa phrase."Il est dans un sale état. Quoi que tu veuilles lui demander, fais vite, et laisse-le se reposer."Ytéris n’était pas du genre à donner des ordres. Toujours souriant, prêt à charmer ou à plaisanter, il était rarement sérieux, sauf quand la situation l'exigea
Ella"Il faut manger Liam, où vous ne pourrez pas vous rétablir !" j'implorai le jeune guerrier, qui se força à sourire pour ne pas me peiner."J'ai perdu un bras Ella, je ne pourrai jamais retrouver la force que j'avais..." murmura-t-il, une pointe d’amertume dans la voix. Je comprenais sa désillusion et son aigreur. À sa place, je serais dévastée. Je savais combien sa vie allait changer, surtout lorsqu’il tenterait de se transformer."Liam-""Ella, s'il vous plaît, n'insistez pas." J'expirai dramatiquement, partagé entre respecter sa demande et le pousser dans ses retranchements. Je misai sur le premier et décidai de le laisser se reposer.Liam était un veuf de vingt-sept ans, ayant perdu sa compagne et sa petite fille dans un accident quelques années plus tôt. Ces quelques jours passés à soigner ses blessures nous avaient permis de discuter et de nous découvrir peu à peu. C’était un homme d’une gentillesse rare et d’un respect remarquable pour son âge. Comme Lucas, il faisait parti