CHAPITRE 1: COMMENT VAIS-JE M'EN REMETTRE?

J'ai l'impression de me trouver dans un cauchemar, j'ai essayé de me pincer et c'est bien réel. Le spécialiste est bien devant moi et il m'annonce que ma mère a un cancer en stade final. Une chimiothérapie ou une radiothérapie pourrait la maintenir en vie pendant quelques temps encore mais son départ serait inévitable. Mes larmes coulent sans arrêt et je demande au médecin:

« Combien de temps lui reste-t-il? »

Ne voulant pas donner un délai précis, il me répond calmement:

« Je ne peux pas te le dire mais sois juste prête et essaie de la rendre heureuse pour le peu de temps qu’il lui reste »

J'avais les jambes lourdes quand je sortais du bureau du médecin. J'ai presque oublié que j'avais de la compagnie. Ma cousine, comme moi, était abasourdie après avoir entendu la nouvelle. Elle était restée silencieuse tout au long de la conversation avec le médecin. Elle me tenait juste la main et essayait de me réconforter.

Une fois sorties de l'enceinte de l'hôpital, elle me demande avec une voix douce et très calme:

« Où allons-nous maintenant? »

Ma voix tremble encore mais je dois quand même répondre:

« Nous allons à cet autre hôpital recommandé par le médecin afin de prendre un rendez-vous avec un urologue et un néphrologue »

Elle acquiesce et me suit sans dire un mot.

Après avoir pris le rendez-vous avec l'urologue, nous marchons le long couloir pour nous rendre au service néphrologie. Je sens des frissons sur mon corps en lisant ce qui est écrit sur chaque porte. Il y a des mots d'espoir de guérison d'un côté mais en même temps il y a des mots qui préparent déjà les malades et ceux qui les accompagnent à s'attendre au pire. Après une cinquantaine de mètres de marche, nous arrivons enfin au bureau où on demande à avoir un rendez-vous. La secrétaire qui nous prend en charge a un regard froid et on arrive à peine à entendre ses paroles pour la confirmation du rendez-vous.

Après avoir quitté l'enceinte de l'hôpital, ma cousine me demande :

« Comment te sens-tu ? »

Je lui réponds:

« Je me sens mal. S'il te plaît, allons quelque part avant de rentrer à la maison. Je ne suis pas encore en mesure d'affronter le regard de ma mère me demandant les résultats de la biopsie, du scanner et des analyses que nous avons effectués »

On a pris un bus en direction de l’endroit où je travaille. Je voudrais raconter ce qui m’arrive à Annie. Elle est la seule personne proche de moi au travail. Je parle avec tout le monde mais je n’ai qu’une seule confidente. Annie est beaucoup plus âgée que moi et elle est la directrice des ressources humaines. Sa maison se situe dans la même commune que la mienne donc nous nous trouvons dans le même car quand on fait le trajet pour aller au boulot et pour rentrer. Elle était un peu réservée au départ mais à force de parler de tout et de rien dans le car, nous sommes devenues amies. Certaines collègues sont devenues jalouses en me voyant parler et être en bon terme avec elle. Mais je ne m’en souciais pas trop.

En arrivant dans l’enceinte de la société où je travaille, Ella, ma cousine me dit qu’elle va m’attendre à l’accueil le temps que je parle avec Annie. Dès que je suis entrée dans son bureau, mes larmes coulent sur mon visage et je puise toutes mes forces pour lui dire :

« Elle va mourir Annie, ma mère va mourir. Le médecin dit qu’elle est en stade final pour son cancer et qu’on ne peut plus rien faire »

Annie se tait pendant quelques minutes avant de me dire :

« Alya, tu sais j’ai perdu ma mère quand j’avais onze ans. Elle était partie un matin pour mettre au monde mon petit frère et à la fin de la journée, mon père revenait à la maison pour nous dire à moi, ma sœur ainée et mes deux autres petits frères de nous préparer pour accueillir ma mère car elle nous a quitté . Je comprends ce que tu ressens et je te demande d’être forte ma chérie »

Elle me prend par la suite dans ses bras et efface mes larmes.

J’ai pris un peu de temps pour me ressaisir avant de quitter le bureau d’Annie pour aller affronter ma réalité. Celle de dire à ma mère à quel stade se trouve-t-elle pour son cancer.

Je retrouve Ella à l'accueil et je lui propose d’aller déjeuner avant de rentrer à la maison. Cette petite a sûrement faim mais elle n’ose pas me le dire. Arrivées dans un petit resto pour manger, mon téléphone sonne, c’est mon père qui m’appelle.

« Allo, Alya, où êtes-vous ? Qu’est-ce que le médecin vous a dit ? »

« Papa, le médecin a dit qu’elle est actuellement en stade final pour son cancer et qu’il n’y a plus d’autres moyens pour la guérir. Papa, elle va mourir »

Je n'arrive pas à retenir mes larmes. Mon père a raccroché le téléphone.

Nos commandes sont arrivées, ni Ella ni moi n’arrivons à parler. Nous avons mangé silencieusement et quand nous avons terminé nous avons pris le chemin du retour à la maison, toujours dans le silence absolu.

Quand nous sommes arrivées devant ma maison, Ella me demande :

« Ça va aller pour toi ? »

"Je ne sais pas Ella, je ne sais pas comment je vais faire pour lui annoncer la nouvelle"

Mon père est arrivé dans notre direction et il nous dit directement :

"On ne va pas lui dire qu'il n'y a aucun traitement qui pourrait la guérir"

J'ai acquiescé et je prenais directement la direction de la chambre où elle se trouve.

Elle est réveillée et elle me demande directement:

"Qu'est-ce que le médecin t'a dit?"

J'ai pris place à côté d'elle et je lui dis doucement :

"Maman, le médecin dit que t'es à un stade avancé pour ton cancer. Il nous propose soit la chimiothérapie, soit la radiothérapie pour ton traitement"

"Non, Alya, je suis déjà très faible, je ne supporterai plus ce genre de traitement, ça va me tuer directement. Et en plus, nous n'avons pas les moyens pour ça"

"Maman, nous allons vendre tes terrains pour avoir l'argent nécessaire. Il faut vraiment que tu suives un traitement. S'il te plaît"

"Non, nous n'allons pas toucher à ton héritage. Je ne vais faire ni la chimiothérapie, ni la radiothérapie. Fin de la discussion !"

Je sors de la pièce rapidement pour cacher mes larmes. Dans la cour, je retrouve mon oncle, le père d'Ella, il me dit:

"Alya, ne montre pas à ta mère que tu es dévastée sinon elle comprendra directement".

Je voulais lui dire qu'elle savait déjà qu'elle allait mourir même si je ne le lui ai pas dit. Elle le savait. C'est pour ça qu'elle a refusé de suivre le traitement que je lui ai proposé. Mais je n'ai rien dit. Je suis restée silencieuse et je rentre dans la maison.

La nuit tombée, je n'arrive pas à dormir, mes larmes coulent sans cesse et une question ne cesse de me perturber.

"Comment vais-je vivre sans ma mère ?"