Chapitre 5 : L’ombre du palais
Le vent soufflait fort ce matin-là. Comme un avertissement. Le village de Kéran se réveillait lentement, mais une tension invisible flottait dans l’air. Le messager du roi, resté pour se reposer, avait apporté avec lui plus que des nouvelles : il avait ramené le poids d’un monde qu’Adama avait tenté de fuir. Celui du palais, de la royauté, des obligations qu’on n’abandonne jamais vraiment. Adama, lui, marchait seul dans la brousse. Il avait besoin de silence. De réfléchir. Sa cachette était menacée. Sa paix, fragile. Et son amour naissant pour Awa semblait plus en danger que jamais. Que ferait-elle si son père décidait de le reprendre de force ? Que penserait-elle si le village le rejetait à cause de ses origines ? Il s’assit sur une pierre, face à un petit ruisseau. L’eau coulait doucement, sans jamais revenir en arrière. Comme lui, peut-être. Trop loin de son passé pour y retourner, mais encore trop proche pour l’oublier. Des pas derrière lui. C’était Awa. — On t’a cherché partout, dit-elle doucement. — J’avais besoin d’air. Elle s’assit à côté de lui, sans parler tout de suite. Puis elle demanda : — Tu vas repartir ? — Je ne sais pas. Le messager ne m’a pas encore reconnu, mais ça ne durera pas. Et s’il parle de moi dans un autre village, d’autres viendront. Plus insistants. Plus dangereux. Awa soupira. — Je ne veux pas que tu partes. Adama la regarda. — Et si je restais… et que ton peuple me rejetait ? — Alors je me tiendrai à tes côtés. Tu crois que c’est facile pour moi non plus ? J’ai toujours suivi mes règles. Et voilà que je tombe amoureuse d’un prince fugitif. Il la fixa, surpris. — Tu m’aimes ? Elle détourna le regard, gênée. — Je n’aime pas dire les choses. Je préfère les vivre. Il lui prit la main. — Moi aussi. --- Au village, les anciens se réunirent en cercle, sous le grand arbre de la place. Le vieux Tierno prit la parole. — Mes frères, mes sœurs… le vent de la royauté souffle sur notre paix. Le fils du roi Demba est parmi nous. Il vit sous le nom d’Ibrahim. Et il a appris à être des nôtres. Un murmure parcourut l’assemblée. Certains étaient choqués, d’autres pas surpris. — Il a travaillé, il a souffert, il a partagé notre quotidien. Il aime une fille du village. Il a mangé notre mil, bu notre eau. Est-ce que nous devons le chasser pour ce qu’il a fui ? Ou l’accepter pour ce qu’il est devenu ? Une vieille femme, Maïmouna, se leva. — Moi, je dis qu’un homme qui fuit l’or pour la terre mérite notre respect. Il a choisi l’humilité. Un autre ajouta : — Tant qu’il ne cherche pas à nous imposer ses lois, il est des nôtres. Tierno hocha la tête. — Alors nous le protégerons. Mais s’il met notre paix en danger… il devra partir de lui-même. --- Quand Adama revint au village, Awa lui raconta tout. Le conseil. Le soutien. Mais aussi l’avertissement. — Ils t’aiment, mais ils ont peur. Ils ne veulent pas que la guerre vienne ici. — Et moi non plus. Le soir même, il alla voir Tierno. — Père, si ma présence devient un danger, je partirai. Je ne veux pas être la cause de la souffrance de ce peuple. Le vieux le regarda longtemps, puis lui dit : — Tu n’es plus un enfant. Tu es un homme. Et les vrais hommes ne fuient pas tout le temps. Parfois, ils se battent pour ce qu’ils aiment. Adama baissa la tête, ému. — Alors je resterai. Jusqu’à ce que le destin en décide autrement. Tierno sourit. — Que les esprits t’entendent. --- Mais loin de Kéran, dans la grande cour de Sogoya, le roi Demba, vieillissant, regardait le portrait de son fils avec nostalgie et colère mêlées. — Préparez mes cavaliers, dit-il à son conseiller. Je veux qu’on retrouve Adama. Où qu’il soit. Le palais venait de se mettre en marche. Et l’ombre du trône s’approchait dangereusement du petit village.Les cœurs séparésUn roman de ATECOSSI MChapitre 15 : L’ombre du douteLe vent soufflait fort sur le palais ce matin-là. Il portait avec lui une tension étrange, presque palpable. Les gardes étaient plus nerveux que d’habitude, les couloirs plus silencieux. Quelque chose flottait dans l’air, un pressentiment que tout allait bientôt changer.Dans sa chambre, le roi Demba se réveilla plus tôt que prévu. Sa toux le secouait avec violence. Il avait perdu du poids, sa peau était pâle, ses gestes plus lents. Les guérisseurs faisaient de leur mieux, mais tous savaient qu’il ne restait plus beaucoup de temps. Lui aussi le sentait.— Où est Adama ? demanda-t-il faiblement à son serviteur.— Il est encore en tournée, Sire. Dans les villages du sud cette semaine.Le roi ferma les yeux. Une douleur sourde lui traversa la poitrine, mais ce n’était pas seulement physique. C’était cette inquiétude qui grandissait en lui depuis des jours, nourrie par les paroles insidieuses de Kouréma et de certains
Les cœurs séparésUn roman de ATECOSSI MChapitre 14 : Le souffle du peupleLe soleil n’était pas encore levé que déjà, le village de Kouni s’éveillait à une activité inhabituelle. On parlait avec agitation dans les ruelles, les anciens sortaient leurs tabourets, les femmes interrompaient la préparation du petit-déjeuner pour tendre l’oreille, et les enfants couraient en annonçant la nouvelle. Adama, le fils du roi, venait en personne.Cela faisait longtemps qu’aucun membre de la famille royale n’avait mis les pieds ici. Le palais s’était peu à peu éloigné de la réalité du peuple, enfermé dans ses murs, ses traditions figées et ses intérêts personnels. Mais aujourd’hui, le prince en chair et en os avait décidé de venir écouter. Pas pour donner des ordres. Pas pour juger. Mais pour entendre.Lorsqu’Adama et son petit groupe entrèrent dans le village, un silence curieux s’installa. Il portait une tunique simple, les couleurs du royaume discrètes sur ses épaules. Pas de carrosse, pas de
Les cœurs séparésUn roman de ATECOSSI MChapitre 13 : Alliances en secretLe jour se leva doucement sur le royaume, apportant avec lui une brise légère qui semblait vouloir calmer les esprits. Mais dans le cœur d’Adama, il n’y avait ni calme, ni repos. Il savait que les prochains jours allaient être décisifs. La tension montait, comme une corde qu’on tirait trop fort. Et tôt ou tard, elle allait casser.Après la réunion secrète tenue avec ses proches alliés, Adama savait qu’il ne pouvait plus se contenter de discours. Il fallait passer à l’action. Mais dans l’ombre, ses ennemis aussi se mettaient en mouvement. Le conseiller Kouréma ne perdait pas de temps. Il avait déjà envoyé des messagers discrets aux chefs de village, aux gardiens des traditions, aux anciens influents qui voyaient en Adama une menace pour l’ordre établi.— Il faut briser le lien entre le peuple et lui, disait-il à voix basse à ses complices. Si nous coupons ses racines, il tombera comme un arbre mort.De son côté,
Les cœurs séparésUn roman de ATECOSSI MChapitre 12 : Le piège du pouvoirAdama savait que la guerre silencieuse avait commencé. Après son discours devant le peuple, les murs du palais se refermaient autour de lui, et la pression montait chaque jour un peu plus. Les conseillers de son père avaient l’air d’avoir oublié leur rôle de conseillers pour devenir des ennemis silencieux. Ils étaient là, dans l’ombre, attendant le moment propice pour le réduire au silence. Il n’était pas naïf. Il savait que ses paroles avaient jeté une pierre dans un lac calme, et que les vagues allaient finir par le submerger.Le prince s’était isolé dans ses appartements, l’esprit tourmenté. Il était fatigué, non seulement de la maladie qui l'affaiblissait, mais aussi des pensées incessantes qui l’assaillaient. Son rêve d’un royaume plus juste semblait de plus en plus irréalisable à mesure que les jours passaient. Ses ennemis, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du palais, se préparaient à le faire tom
Les cœurs séparésUn roman de ATECOSSI MChapitre 11 : Les Ombres du PalaisLe lendemain, après le discours d’Adama sur la place du village, un silence étrange régna sur le palais. L’effet de ses paroles continuait de se faire sentir, comme une onde qui se propage lentement, mais de manière irréversible. Le vent du changement soufflait fort, et même les murs de marbre du palais semblaient vibrer sous son souffle. Mais dans les coulisses, le poids de l’autorité royale, la vieille garde et les conseillers du roi se resserraient autour du jeune prince.Kouréma, le plus fidèle des conseillers du roi, se rendit directement dans les appartements privés du roi Demba, le visage marqué par l’inquiétude.— Sire, vous avez vu ce qu’il a fait, dit Kouréma d’une voix grave. Le prince Adama a défié le royaume. Il a mis la royauté en question devant le peuple. C’est une insulte, pas seulement pour vous, mais pour l’héritage de ce royaume !Le roi, allongé dans son grand lit, leva lentement la tête.
Les cœurs séparésUn roman de ATECOSSI MChapitre 10 : Le poids du trôneLe lendemain de la conversation avec son père, Adama se retrouva à nouveau dans le grand hall du palais. Le sentiment d’étouffement qui l’avait envahi en écoutant les mots de son père ne s’était pas dissipé. Le roi Demba, bien que malade, ne semblait pas avoir perdu sa capacité à imposer son autorité, ni à se montrer inflexible dans ses convictions. Mais Adama savait, au fond de lui, que ce n’était pas ce qu’il voulait. Pas ce qu’il recherchait pour son peuple, ni pour lui-même.Il se rendit à l’extérieur, dans les jardins du palais, où il espérait trouver un peu de tranquillité. L’air était lourd, chargé de chaleur, et les oiseaux ne chantaient plus comme avant. Le jardin, autrefois un havre de paix, semblait désormais être un lieu de réflexion douloureuse. Il s’assit sur un banc, son esprit en tourmente, quand une voix familière se fit entendre derrière lui.— Adama.Il tourna la tête pour voir Awa s’approcher,
Les cœurs séparésUn roman de ATECOSSI MChapitre 9 : L’épreuve du pouvoirLe matin se leva sur un royaume encore ébranlé par le retour du prince Adama. Le palais, habituellement si silencieux, semblait vibrer d’une tension nouvelle. Les anciens se murmuraient des propos inquiétants dans les couloirs, les gardes se faisaient plus nerveux, et même les serviteurs semblaient plus pressés. Tout le monde savait que quelque chose d’important allait se passer. Le prince était revenu, mais il n'était pas seul.Adama avait pris la décision de ne pas se laisser dominer par les conventions du palais. Ce matin-là, il choisit d’aller à la rencontre du peuple, sans escorte, sans cérémonie. Il voulait voir de ses propres yeux comment le royaume réagissait à son retour. Il laissa Awa dans le palais, consciente de l’importance de ce geste.Il marcha seul dans les rues pavées de la capitale, observant les visages des habitants. Certains le saluaient chaleureusement, d’autres détournaient le regard, mai
Les cœurs séparésUn roman de ATECOSSI MChapitre 8 : L’étrangère au palaisLe retour d’Adama au palais n’était pas passé inaperçu. Dès l’aube, la nouvelle s’était répandue comme un feu sur de l’herbe sèche : le prince disparu était revenu. Certains en étaient soulagés, d’autres, beaucoup moins. Car avec lui, il n’était pas revenu seul.Awa marchait timidement dans les couloirs de marbre, les pieds nus sur des tapis moelleux qu’elle n’osait fouler. Son regard se posait partout, émerveillé, un peu inquiet. Les colonnes, les dorures, les fontaines… ce monde était loin de Kéran. Trop loin. Elle n’y comprenait rien. Elle ne savait pas comment s’y tenir, ni quoi dire, ni à qui parler.Les regards la suivaient. Certains curieux, d’autres froids, méprisants. Les femmes du palais, élégantes et hautaines, chuchotaient sur son passage. Elle n’était pas des leurs. Ça se voyait. Ça se sentait. Une simple villageoise n’avait pas sa place ici.Adama l’avait conduite à une chambre, simple malgré le
Les cœurs séparésUn roman de ATECOSSI MChapitre 7 : Entre deux mondesLes deux jours demandés par Adama s’écoulèrent trop vite. Chaque heure semblait filer comme le sable entre les doigts, et chaque minute apportait son lot de doutes. Depuis l’arrivée des cavaliers, tout le village vivait dans une tension sourde. On ne disait rien, mais tout le monde savait. Le prince devait choisir entre rester ou repartir. Entre l’amour et le devoir. Entre un présent fragile et un passé lourd.Awa était restée près de lui, sans le forcer, sans l’influencer. Elle savait que la décision devait venir de lui. Mais dans son cœur, une peur grandissait : celle de le perdre.Assis au bord du ruisseau, Adama repensait à tout. À son enfance dans le palais, aux grandes salles froides, aux discours des anciens, à l’absence de sa mère, morte trop tôt. Il repensait à son père, le roi Demba, sévère, distant, mais fier. Et puis il revoyait Kéran, ce village où il avait enfin appris à vivre. Où il avait ri. Travai