CassandraLe silence qui suit notre étreinte est lourd, presque assourdissant. La neige continue de tomber à gros flocons derrière la vitre, recouvrant le monde d’un voile immaculé, mais à l’intérieur, tout brûle, se consume en moi comme un feu que je ne peux éteindre. Ezra est là, à mes côtés, mais l’image de Noah, ce regard glacé et cette enveloppe fatale, ne cesse de tourner dans ma tête, me déchirant de l’intérieur.Je me relève, le souffle court, incapable de rester figée dans cette pièce où chaque objet semble désormais chargé de menaces invisibles. Mes mains tremblent encore, serrant l’enveloppe comme un dernier lien fragile avec la réalité.— Il faut que je sache, murmuré-je à peine, presque pour moi-même. Pourquoi est-il venu maintenant ? Pourquoi aujourd’hui ?Ezra reste silencieux, son regard fixé sur moi, profond, intense. Ce poids dans ses yeux, je le connais bien. Il porte lui aussi les cicatrices d’un passé qu’il voudrait effacer.— Parce que le passé ne meurt jamais vr
CassandraLa lumière du matin filtre à peine à travers les volets clos. La pièce est encore enveloppée de cette douce torpeur qui succède aux rêves, où tout semble suspendu, fragile, comme un souffle à ne pas briser. Je reste allongée, les paupières mi-closes, tentant de m’accrocher à cette bulle de calme, mais un bruit sourd venant du rez-de-chaussée vient rompre cette fragile paix. Quelque chose d’inhabituel, comme un écho étrange et lourd qui résonne dans la maison.Je tends l’oreille, mais la maison semble retenue, comme si chacun de ses murs retenait sa respiration. Pas un souffle, pas un craquement — rien. Cette absence même de vie ajoute à l’étrangeté. Je me redresse lentement, déposant un baiser sur la joue d’Ezra. Il dort encore, paisible, ses traits détendus comme jamais. Je l’envie, cette tranquillité. Moi, je sens l’orage qui gronde, tapi quelque part, sourd, menaçant.Je m’habille sans bruit, enfile un pull épais et descends les escaliers à pas feutrés, mon cœur battant à
CassandraLe matin est venu sans fracas.Pas de hurlements, pas de battements de cœur affolés, pas de sueurs froides.Seulement le craquement du bois dans le poêle et les oiseaux, dehors, qui s’essaient à chanter malgré le froid.Je me réveille seule, dans ce lit que j’ai appris à partager sans me perdre.Les draps sont encore chauds de sa présence. Une tasse fume sur la table de chevet, posée là avec soin. Du café. Sucré comme j’aime. Il y a quelque chose de si simple dans ce geste que j’en ai les larmes aux yeux.Il m’observe depuis la fenêtre, dos à moi, silhouette massive mais calme, les mains dans les poches. Ezra. Présent sans m’enfermer. Fort sans m’écraser.Je me lève doucement, emmitouflée dans son pull trop grand. Il sent le cèdre et l’orage. Il me va. Il m’appartient, un peu, dans ce recoin du monde que personne ne voit.— Tu dors debout ? je murmure en approchant.Il tourne légèrement la tête, un sourire aux coins des lèvres.— Je t’attendais.Je viens me glisser contre lu
CassandraJe n’ai jamais su à quoi ressemblait une vraie liberté.Pas la liberté d’ouvrir une porte. Ni celle de changer de ville, de prénom, de vêtement.Mais la liberté de marcher sans regarder derrière soi. De rire sans s’excuser. De respirer sans se demander combien de temps il nous reste avant que tout redevienne noir.Et aujourd’hui, je commence à l’effleurer.Le marché du village est petit, bordé de chalets en bois aux balcons fleuris. Les odeurs de pain chaud et de pommes mûres flottent dans l’air. Les voix sont douces, bavardes, sans violence. Je regarde les étals. Je tends la main. Je souris à une vieille dame qui me rend la monnaie.Et je ne tremble pas.Pas encore.Mais je sais que ça viendra.Chaque instant de paix est un fil tendu. Un équilibre fragile. Une victoire volée au gouffre.Ezra ne dit rien, mais je sens sa présence. Toujours à une distance juste. Jamais collé à moi comme une prison, mais jamais trop loin. Il me laisse avancer, mais il est là, si je tombe.Et c
CassandraLe septième jour, je me réveille sans sursaut.Il fait encore nuit. Mais ce n’est pas une nuit menaçante. C’est une nuit calme, bleue, silencieuse. La maison dort. Mon corps aussi. Pour la première fois depuis si longtemps, je ne sens pas le poids du vide.Ezra dort à mes côtés. Une main posée sur ma hanche, son souffle tranquille contre ma nuque. Il ne serre pas. Il ne retient pas. Il est juste là. Présent. Et cette présence suffit à recoller quelque chose en moi.Je reste allongée un moment, sans bouger. À écouter. À respirer.À ressentir.Je me rends compte que je n’ai pas honte. Pas peur. Je ne regrette rien. Il n’y a pas de panique qui revient, pas d’ombre dans ma gorge. Juste cette chaleur diffuse sous ma peau, cette impression d’avoir replanté quelque chose dans une terre brûlée.Je finis par me lever. Lentement. En silence. Je laisse Ezra dormir. Il a veillé sur moi, il peut dormir maintenant.Je sors du chalet.Le ciel est pâle, sur le point de s’éclaircir. L’air es
CassandraLe sixième jour, je me réveille plus tôt.Je ne sais pas ce qui m’a tirée du sommeil. Ce n’est pas une douleur, pas un cri, pas un cauchemar. Juste… l’absence.Il n’est pas là.La couverture est encore chaude à ma gauche, mais Ezra n’y est plus.Je tends la main, touche le tissu. Vide.Et alors, contre ma volonté, un nom me traverse.Noha.Où est-il ?Je me redresse, presque trop vite. Mon cœur s’emballe, une panique ancienne resurgit, irrépressible. Est-ce qu’il a disparu ? Est-ce qu’il est reparti là-bas ? Est-ce qu’il est mort, lui aussi ?Je me bats contre l’élan de peur. Je respire. Je me lève. Et je sors.Ezra est là. Juste là. À quelques mètres, en train de remplir un seau d’eau près du puits. Il se redresse en m’entendant approcher. Il me sourit, mais je reste figée.Je crois que je tremble.— Tu croyais que j’étais parti ? demande-t-il, sans me juger.Je ne réponds pas.Il s’avance. Pose le seau à terre. Ses mains sont mouillées, ruisselantes, mais il les tend vers