Cassandra
Mon souffle est court. Mon cœur bat à un rythme effréné, tambourinant contre ma poitrine comme un oiseau piégé. Adrien conduit sans un mot, son profil dur, sa mâchoire contractée.
Je ne peux pas laisser ça arriver.
Chaque minute qui passe me rapproche d’une cage dont je ne pourrais plus m’échapper. Mon regard glisse vers la porte de la voiture. Trop risqué. Mais je ne peux pas rester là, à attendre mon destin.
« Adrien… »
Il ne répond pas, fixant la route devant lui.
« Tu crois vraiment que me forcer à t’épouser te rendra heureux ? »
Un rictus amer déforme sa bouche.
« Le bonheur n’a rien à voir avec ça. »
« Alors quoi ? Le contrôle ? »
Cette fois, il tourne la tête vers moi, et ce que je vois dans son regard me glace.
« La certitude. »
Je serre les poings. Il ne doute pas une seule seconde de ce qu’il fait. Il a décidé et, à ses yeux, il n’y a pas d’alternative. Mais moi, j’en vois une.
« Tu fais une erreur. »
Il rit doucement.
« L’erreur, Cassandra, c’est de croire que tu peux m’échapper. »
J’inspire profondément, cherchant une échappatoire. Je dois trouver Ezra. Il est ma seule chance. Mais comment ?
Ezra
La cigarette se consume entre mes doigts, envoyant des volutes de fumée dans l’air frais du matin. Adossé contre ma voiture, je fixe l’entrée du manoir Morel.
Elle est encore là ?
Je n’ai pas dormi. La conversation avec Cassandra me hante encore. J’ai vu la peur dans ses yeux hier soir. Et ça, c’est un problème.
Un problème qui porte le nom d’Adrien Morel.
Mon téléphone vibre dans ma poche. Je décroche sans même regarder l’écran.
« Quoi ? »
« Ezra. Elle n’est plus au manoir. »
Je me redresse aussitôt.
« Où ? »
« Avec Adrien. Dans la voiture. »
Mon cœur rate un battement.
« Où est-ce qu’il l’emmène ? »
Silence. Puis une voix grave, hésitante :
« À la mairie. »
Un frisson me parcourt l’échine.
Putain.
« Envoie-moi leur position. Maintenant. »
Je claque mon téléphone et monte dans la voiture.
Si Adrien pense qu’il peut la posséder comme une chose… il va apprendre que certaines choses ne se laissent pas dompter.
Cassandra
L’adrénaline pulse dans mes veines.
Si je ne fais rien maintenant, c’est terminé.
Le véhicule ralentit à un feu rouge. C’est ma chance.
Sans réfléchir, j’ouvre brusquement la portière et me jette dehors.
Un cri, des klaxons.
Je cours. Je ne sais pas où, mais je cours.
Derrière moi, j’entends Adrien jurer, son pas rapide sur le bitume.
Cours, Cassandra.
Une ruelle, des voitures, des passants. Je me faufile, mon souffle court, mon cœur enragé.
Puis, un bruit de moteur. Une voiture qui s’arrête brusquement à ma hauteur.
Une porte qui s’ouvre.
Une main qui m’attrape.
Ezra.
« Monte. »
Pas le temps de réfléchir. Je me jette à l’intérieur et la voiture démarre en trombe.
À travers la vitre, je vois Adrien s’arrêter en pleine rue, furieux, ses yeux brûlant de rage.
Je viens de signer ma propre guerre.
Adrien
La voiture d’Ezra disparaît au coin de la rue, me laissant seul au milieu du chaos.
Une colère glaciale monte en moi.
Il m’a pris ce qui est à moi.
Lentement, je passe une main sur mon visage, inspirant profondément.
Très bien.
Ezra veut jouer ?
Alors il va comprendre ce que signifie me défier.
Cassandra
L’air est glacé contre ma peau brûlante. Ma respiration est hachée, mon cœur bat contre mes côtes comme un tambour de guerre. La voiture file à toute vitesse dans les rues de la ville, et je ne sais pas si c’est le soulagement ou la peur qui domine en moi.
« Tu es folle, tu le sais ? »
Ezra, au volant, ne me regarde même pas. Il garde son regard fixé sur la route, ses mains crispées sur le volant.
« Il allait me forcer à l’épouser. Tu voulais que je fasse quoi ? »
Il serre la mâchoire.
« Je sais. »
Silence. Seul le rugissement du moteur remplit l’espace.
« Où est-ce qu’on va ? »
« Chez moi. »
Mon cœur rate un battement.
« Non. Il va venir me chercher. Il va envoyer ses hommes. »
Ezra sourit, un sourire sans joie.
« Je compte sur lui pour essayer. »
Il accélère encore, et je me rends compte d’une chose : ce n’est pas seulement pour me protéger qu’il m’a prise avec lui. C’est aussi pour provoquer Adrien.
Une guerre vient de commencer.
Adrien
Mes doigts se crispent sur le téléphone.
« Je veux que toutes les issues de la ville soient surveillées. Pas une voiture ne sort sans être fouillée. »
« Compris, patron. »
Je raccroche et me tourne vers Victor Morel, qui me regarde avec une expression indéchiffrable.
« Il l’a prise. »
Mon père croise les mains devant lui.
« Je t’avais prévenu qu’il poserait problème. »
« Ce n’est pas un problème. »
Ma voix est froide, tranchante.
« C’est une erreur. Et Ezra va payer pour ça. »
Victor hoche lentement la tête.
« Ne perds pas de vue l’essentiel, Adrien. Ce n’est pas une simple femme. C’est un symbole. Si tu la laisses filer, si tu perds la main sur cette situation, c’est ta crédibilité qui s’effondre. »
Je le sais.
Je passe une main dans mes cheveux, inspirant lentement.
« Je vais la récupérer. »
Victor se lève, son regard perçant.
« Fais vite. Chaque
heure qui passe, elle s’éloigne de toi. Et plus elle reste avec lui… »
Il n’a pas besoin de finir sa phrase.
Je me tourne vers l’homme à ma droite.
« Prépare une équipe. On frappe ce soir. »
CASSANDRALa lumière dorée du matin glisse lentement sur les meubles d’acajou, caresse les larges baies vitrées donnant sur la ville qui s’éveille dans un murmure feutré. Chaque détail du penthouse respire la réussite, le luxe maîtrisé, mais ce n’est pas ce faste qui me captive. C’est la vie qui pulse, à l’intérieur.Dans la pièce voisine, Ilan éclate de rire, sa voix cristalline emplit l’espace, déchirant le silence pesant qui jadis m’enchaînait. Je le sens, ce bonheur fragile, cette victoire arrachée à coups d’espoir et de sacrifices.Je suis debout, droite, dans ma robe de soie ivoire, tenant le dossier stratégique d’une de nos sociétés. Ce n’est plus seulement une femme à la tête d’un empire financier : je suis une mère qui protège son fils, une guerrière qui gouverne son royaume, une femme qui a repris sa place et son pouvoir.Le combat pour la garde d’Ilan a été rude, une guerre d’usure dans les couloirs feutrés des tribunaux, où chaque mot, chaque document, pesait plus que du p
ADRIENLa vaste salle de réception, aux murs ornés de panneaux d’ébène et d’or, baigne dans la lumière tamisée des lustres en cristal, qui diffusent leur éclat glacé sur les visages figés des convives.Le parquet poli reflète chaque pas, chaque souffle, chaque tension.Devant nous, une assemblée de puissants héritiers de fortunes colossales, capitaines d’industrie, courtisans aux sourires tranchants, et ennemis tapis sous leurs masques d’élégance.Leurs regards sont des jugements silencieux, des menaces déguisées, autant de lames invisibles prêtes à nous trancher.Je sens la main de Cassandra dans la mienne, ferme, brûlante malgré le luxe qui nous entoure.Cette poigne est une ancre dans ce tumulte, un défi lancé à ce monde d’apparences où tout s’achète, sauf la loyauté véritable.Son parfum, mélange subtil de jasmin et de cuir, me traverse, ravivant le feu qui couve entre nous.Je capte le reflet de son visage dans les miroirs qui ornent la pièce ses traits sont tendus, déterminés, c
NOAHL’obscurité est ma seule alliée, une couverture protectrice qui me permet d’observer sans être vu, d’approcher sans me révéler, d’aimer sans pouvoir toucher.Je les regarde, eux deux, enlacés dans cette intimité douloureuse et fragile, un moment volé au chaos qui nous entoure. Adrien, sûr de son pouvoir, sûr de son droit sur elle, et Cassandra, cette flamme indomptable qui refuse de se laisser enfermer, même dans les bras d’un homme qui prétend la sauver.Je sens la brûlure au creux de ma poitrine, une douleur sourde et aiguisée, qui s’enfonce un peu plus chaque seconde. Une rage, mêlée à un désir qui me dévore de l’intérieur, me laissant nu, vulnérable, incapable de fuir cette tempête que je suis pourtant prêt à déclencher.Comment peut-il penser qu’il la comprend ? Que ses promesses, ses serments, peuvent réparer ce qui a été brisé, ce qui saigne encore sous la peau ?Je serre les poings, sentant la colère monter, le feu noir qui s’éveille, prêt à ravager tout sur son passage.
ADRIENL’aube se glisse à travers les lourds rideaux, une lumière blafarde, froide, presque indifférente à la chaleur encore brûlante de la nuit qui nous a unis. Allongé contre elle, je sens ses doigts trembler, ce frisson fragile que je reconnais, ce tumulte silencieux qui l’habite, cette tempête intérieure qu’elle tente de cacher derrière ses paupières closes.Le silence entre nous est pesant, presque insoutenable, chargé des cendres de nos doutes, des restes de nos douleurs passées. La nuit n’a pas seulement consumé nos corps, elle a gratté à même nos âmes, ravivant des blessures à vif.Je voudrais briser ce mutisme, lui dire que je suis là, que rien n’a changé, que je suis prêt à tout affronter avec elle, mais les mots restent enchaînés dans ma gorge, étouffés par les fantômes du passé qui rôdent encore.Dans l’ombre du salon, je sens la présence de Noah. Il est là, silencieux et invisible, tapi dans l’attente, le cœur battant au rythme d’un désir inavoué, un désir qui menace de t
Adrien La lumière blafarde de la lune s’infiltre à travers les rideaux entrouverts, dessinant sur sa peau nue des ombres dansantes, des arabesques d’éclats fragiles qui viennent graver au plus profond de moi cette nuit incandescente, cette nuit où tout se consume et se recrée.Je sens son souffle chaud contre ma peau, le rythme chaotique de son corps vibrant sous mes doigts qui parcourent sa peau comme une caresse hésitante et affamée, mêlant douceur et urgence, comme si chaque contact pouvait être le dernier, comme si chaque frisson portait le poids d’une promesse irréversible.Ses mains s’accrochent à moi, cherchent mon visage, mes épaules, glissent dans mes cheveux avec cette tendresse fébrile qui me fait chanceler, qui m’ouvre aux failles que je croyais ensevelies, enfouies sous des murailles de colère et de silence.Les battements de nos cœurs résonnent à l’unisson, un rythme primal et sauvage, doux et violent, une symphonie secrète que seuls nous pouvons entendre, que seuls nos
Adrien Je reste là, face à elle, le souffle court, le regard plongé dans le sien, ce mélange complexe de douleur et de défiance. Le silence qui nous entoure est lourd, presque palpable, comme un poids que personne ne veut soulever, une cage invisible faite d’attentes brisées et de mots tus.— Pourquoi tu es partie ? Je demande enfin, la voix rauque, brisée par des mois d’attente et d’absences, comme si ces quelques syllabes contenaient toutes les tempêtes non exprimées.Elle détourne les yeux, serre les lèvres, comme pour contenir un torrent d’émotions qu’elle refuse de libérer, ses mains tremblent imperceptiblement, trahissant une lutte intérieure féroce.— Tu ne veux pas savoir la vérité, murmure-t-elle, presque à elle-même, une douleur ancienne brûlant sous sa peau, un secret trop lourd pour être partagé sans douleur.Je m’avance d’un pas, la tension entre nous se fait brûlante, électrique, chaque fibre de mon corps tendue à l’extrême.— Alors dis-moi. Dis-moi tout. Je suis prêt.