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Chapitre 4 : Les lettres de la grand-mère

last update Huling Na-update: 2025-05-25 15:30:42

L’aube se levait à peine sur le village d’Héméra. Un voile de brume pâle rampait sur le sol détrempé, comme si la terre elle-même voulait effacer les traces de la nuit. La maison aux volets fermés, ébranlée par l’attaque des chasseurs, tenait encore debout, fière et mystérieuse. Un silence étrange régnait dans ses murs, mêlé de cendres, de sueur, et de secrets à peine dévoilés.

Alma était assise dans la grande salle, près de l’âtre encore tiède. Liora avait pansé la coupure à son bras, Marcus avait disparu sans un mot, parti "vérifier les alentours" disait-il. Mais Alma savait qu’il avait besoin de solitude, comme elle-même avait besoin de réponses.

Elle sentait encore dans ses veines la brûlure du pouvoir qu’elle avait libéré malgré elle — ce cri animal, ce frisson dans la nuque, ce moment où le monde avait ralenti autour d’elle alors que ses sens s’aiguisaient. Elle avait vu, senti, anticipé. Une force ancienne, brutale et

Lettre après lettre, Iseult dépeignait un monde souterrain, invisible aux simples humains, régi par les cycles lunaires, les pactes de sang, les trahisons sacrées. Elle parlait d’alliés cachés, de lignées effacées des livres d’histoire, de sorcières devenues gardiennes des forêts pour fuir la souillure des hommes. À travers ses mots, une carte se dessinait — une cartographie oubliée d’un monde magique, violent, et profondément enraciné dans la mémoire du vivant.

Mais ce ne fut qu’à la neuvième lettre qu’Alma découvrit une vérité qui fit chanceler son cœur.

Lettre 9 :

Ma chère enfant,

Si je t’ai tant protégée, c’est aussi parce que ton sang n’est pas uniquement le fruit de notre lignée… Il y a en toi quelque chose d’ancien, d’interdit. Ton père n’était pas un simple homme. Il appartenait au sang du Clan des Déchus.

Ils ne t’ont jamais trouvée parce que j’ai dissimulé ton nom lors du rituel de la pleine lune. J’ai effacé ton empreinte du cercle des descendants. Mais désormais, tu es visible pour eux. Ton éveil a brisé les sceaux. Et ils viendront.

Ezral est encore vivant. Il règne dans les terres mortes, là où la forêt se fane. Et il cherche “la progéniture du croisement” — celle qui peut ouvrir le Cœur de la Lune.

Ce Cœur… est une relique. Une pierre de sang que j’ai volée, jadis, et cachée dans les fondations de la maison. Elle te reconnaîtra. Et elle te mettra à l’épreuve.

Mais souviens-toi, Alma. Si tu cèdes à la colère, si tu laisses la bête régner sans ton cœur, tu ne seras plus jamais toi-même. Tu deviendras leur arme. Leur reine. Leur perte…

Alma relut la lettre une deuxième fois. Une troisième. Le cœur de la lune. Le croisement. Un père qu’elle n’avait jamais connu, et qui portait le sang d’un ennemi ancestral. Un poison dans ses veines ? Ou une force inédite ?

Elle sentit le goût amer de la peur, mais aussi une énergie nouvelle, froide et vibrante, naître dans son ventre.

Elle se leva, rassembla les lettres et chercha dans les fondations comme l’indiquait Iseult. Sous une dalle légèrement fissurée, elle trouva une pierre lisse et noire, à peine plus grande qu’un galet. Mais en la touchant, elle recula brusquement.

La pierre saignait.

Une fine ligne rouge s’en échappait, comme si elle pleurait un sang ancien. Et Alma entendit. Pas avec ses oreilles, mais dans sa tête, dans son âme.

Tu es née de la rupture. Tu es le choix. Tu es le feu et la cendre. Sers-toi de moi. Ou détruis-moi.

Elle recula, les yeux embués. Liora entra au même moment, alertée par le silence chargé.

— Tu l’as trouvée, dit-elle simplement.

— Elle est vivante, Liora. Elle me parle.

— Ce n’est pas une pierre. C’est un cœur ancien. Un fragment d’un ancien esprit-loup. La Lune ne nous donne pas que sa lumière, Alma. Elle nous laisse aussi ses juges.

Alma tomba à genoux, bouleversée.

— Et si je n’étais pas celle qu’il fallait ? Et si je finissais comme les Déchus ?

Liora s’approcha et posa sa main sur l’épaule de la jeune femme.

— Tu n’es pas seule. Et la vérité, c’est que tu n’as jamais été destinée à obéir à un destin écrit. Tu es ici pour écrire le tien.

Le soir venu, Alma enterra les lettres près de l’arbre du cercle rituel. Elle ne voulait pas qu’elles tombent entre de mauvaises mains. Mais elle en conserva une, celle où sa grand-mère la décrivait comme "le carrefour de deux mondes".

Cette nuit-là, elle rêva.

Elle se vit au sommet d’une falaise, entourée de loups. Certains l’observaient avec révérence, d’autres avec méfiance. Et dans l’ombre, au loin, une silhouette fine aux yeux d’un blanc surnaturel l’attendait, un sourire cruel aux lèvres. Ezral.

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