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Chapitre 3— Le vide et la colère

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-03-25 20:36:23

Nathan

La nuit, je reste éveillé. Je repense à Sophia. À sa robe de mariée qui ne servira jamais. À ses larmes. À sa fuite.

Elle m’a abandonné.

Et je la déteste autant que je l’aime encore.

---

Je repense à ma vie d’avant. Le pouvoir. La réussite. Cette impression d’être intouchable.

Je suis devenu un fantôme.

Un roi sans royaume.

Un matin, Léa arrive. Elle s’assied, le visage fermé.

« Monsieur Levasseur… Ils veulent vous transférer en centre de rééducation. Vous devez signer. »

Je ne la regarde même pas. « Et si je refuse ? »

« Alors ils vous gardent ici, comme un légume. »

Je souris. « Parfait. »

Elle explose. Enfin.

« Putain, Nathan ! Tu crois que tu peux continuer comme ça combien de temps ? Tu crois que Sophia va revenir si tu crèves à petit feu ? Tu veux quoi, hein ? Mourir ici, seul ? »

Le silence tombe. Froid. Glacial.

Je claque d’une voix sourde : « Dégage, Léa. »

Elle reste là, les yeux pleins de larmes, avant de sortir. Pour la première fois, elle claque la porte.

Et moi, je souris. Un sourire mauvais.

Qu’ils partent tous.

Qu’ils me laissent crever.

---

Je suis Nathan Levasseur.

Et tout ce que j’ai construit est en train de brûler.

Et quelque part, ça me va.

Parce que je ne vaux plus rien.

Les jours s’enchaînent. Identiques. Écrasants.

Je ne parle plus. Je ne bouge plus. Je suis devenu un meuble dans cette chambre aseptisée. Et pourtant, elle revient.

Léa.

Toujours Léa.

---

Elle entre, aujourd’hui encore. Tailleur sobre, dossier sous le bras, visage fermé. Mais ses yeux trahissent tout. La fatigue. L’inquiétude. La peur.

Elle s’approche. Pas trop. Juste assez pour que je sente son parfum léger. Cette odeur qui m’agace parce qu’elle me rappelle que le monde continue de tourner sans moi.

« Monsieur Levasseur… Vos parts dans l’entreprise ont chuté. Adrien m’a demandé… »

Je lève la main. Un geste sec.

« J’en ai rien à foutre. »

Elle inspire, tremble à peine. Puis reprend.

« Si vous ne faites rien, vous perdrez tout. »

Je ris, un rire sans âme. « Perdre quoi ? T’as vu ma gueule ? Tu crois que je vais diriger quoi, Léa ? Une entreprise ? Un cimetière, peut-être. »

Elle serre les dents. « Vous étiez prêt à tout pour ce business. Vous vous êtes tué à la tâche pendant des années. Et là, vous lâchez ? Comme ça ? »

Je la regarde enfin. Longuement.

« Parce que tout ça n’a plus aucun sens. Sophia est partie. Je suis un putain de paralytique. La seule chose qui me reste, c’est cette chaise. »

Elle secoue la tête. « Non. Ce qu’il vous reste, c’est votre putain de cervelle. Mais vous préférez vous apitoyer. »

Je fronce les sourcils. Elle ne m’a jamais parlé comme ça. Jamais.

« Dégage, Léa. »

« Non. »

Le mot claque dans l’air. Fort. Inattendu.

Je la fixe. Elle tremble, mais elle tient bon.

« Tu veux que je te vire ? C’est ça ? »

Elle esquisse un sourire triste. « Je suis déjà partie mille fois dans ma tête, Nathan. Mais je suis encore là. Parce que je me refuse à te laisser crever comme un chien. »

Je baisse les yeux. Juste une seconde. Puis je murmure : « Fous-moi la paix. »

Elle part.

Mais je sais qu’elle reviendra.

---

Adrien passe dans la soirée. Il ne frappe même plus. Il entre, l’air sombre.

« Léa m’a tout raconté. »

Je hausse les épaules. « Et alors ? Tu veux jouer au héros, toi aussi ? »

Il s’approche, me fixe. « Tu veux mourir, Nathan ? Parce que là, c’est ce que t’es en train de faire. »

Je souris. « J’y pense, ouais. »

Il se penche. Me murmure : « Si tu continues, Léa partira. Et cette fois, elle ne reviendra pas. Elle en peut plus. Tu le vois pas ? »

Je ferme les yeux. Je le vois. Bien sûr que je le vois.

Mais je ne veux pas l’admettre.

« Elle restera. Parce qu’elle est faible. »

Adrien se redresse. Il crache, écœuré : « Non, connard. Elle est forte. Bien plus que toi. »

Il s’en va.

Je reste seul. Encore.

---

La nuit, je me réveille en sursaut. Des souvenirs me hantent. Le visage de Sophia. Son regard fuyant. Ses lèvres qui murmurent je suis désolée avant de partir.

Je serre les poings. Du moins, j’essaie.

Je sens à peine mes doigts.

Tout est mort en moi.

---

Le matin, Léa est là. Encore.

Je l’observe en silence. Elle m’ignore. Tape sur son ordinateur, répond à mes mails. Elle s’occupe de tout ce que je ne suis plus capable de faire.

Et ça me rend fou.

« Pourquoi tu restes ? »

Elle sursaute.

Elle ne pensait pas que je parlerais.

Elle me regarde, longtemps. Puis répond simplement : « Parce que vous ne méritez pas de finir comme ça. »

Je ris, un rire amer.

« Tu te trompes. C’est exactement ce que je mérite. »

Elle secoue la tête.

Et je sens que, cette fois, je ne pourrais plus la repousser longtemps.

Mais je vais essayer.

Parce que c’est tout ce qu’il me reste.

Détruire ce qui reste debout autour de moi.

---

Nathan Levasseur

Je suis en train de mourir à petit feu.

Et je n’ai jamais été aussi vivant dans ma haine.

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