Chapitre 1

Adrien croyait que je l'aimais profondément. Après m'avoir blessée à plusieurs reprises, il semblait avoir oublié que nous n'étions liés que par un simple contrat de compagnon et qu'il arrivait bientôt à son terme.

Adrien a annoncé publiquement le nouveau statut de Valérie, et celle-ci s'est immédiatement blottie contre lui, toute en pudeur.

Quand je me suis approchée, elle a passé sa main dans ses cheveux, dévoilant volontairement la bague sertie de diamants qui symbolisait le titre de Luna, avec dans le regard plein de provocation.

Par contre, je ne me suis pas fâchée. Je lui ai simplement tendu la fiche de déroulement de l'événement du jour, puis je suis repartie sans me retourner.

Après tout, Adrien et moi, nous n'étions liés que par un contrat de trois ans, et il ne restait plus que trois jours avant sa fin.

Maintenant qu'il avait trouvé quelqu'un qu'il aimait pour me remplacer, je ne ressentais qu'un grand soulagement.

De retour dans la maison que nous partagions, j'avais commencé à faire mes valises.

Trois ans s'étaient écoulés si vite. En regardant les photos qui racontaient les dix-huit événements que j'avais organisés pour la meute, je me suis sentie un instant troublée.

J'étais la compagne désignée d'Adrien, sa compagne selon le destin, mais il ne m'avait jamais vraiment acceptée.

Pour garantir la stabilité de la meute, il avait signé un contrat de trois ans avec moi.

Le jour où nous avions signé, son regard était resté longtemps posé sur moi, plein de contradictions.

Il avait parlé d'une voix plate :

« Je ne comprends pas pourquoi tu es ma compagne destinée. Ton statut n'est pas à la hauteur du mien. »

« Mais c'est la volonté de la Déesse de la Lune, et je ne peux pas aller contre. »

« Alors Claire, j'ai besoin que nous soyons liés temporairement, pour la stabilité de la meute. Dans trois ans, nous romprons ce lien. »

En tant qu'oméga, j'étais heureuse de pouvoir contribuer à la prospérité de la meute. J'avais aussitôt hoché la tête avec obéissance.

Dès ce jour, Adrien m'avait imposé un programme d'apprentissage strict. Il me guidait patiemment.

« Même si tu n'es qu'une oméga, en tant que ma compagne désignée, tu dois comprendre les affaires de la meute. »

À cette époque, il prenait chaque jour du temps pour vérifier mes progrès.

Mais à un moment donné, sans prévenir, il avait cessé de s'en préoccuper.

À cause de mon statut, Adrien refusait de m'emmener aux événements de la meute, mais il ne pouvait pas non plus ignorer complètement mon rôle.

Ainsi, l'organisation d'événements, ce qui aurait dû être un travail partagé, était devenue une tâche que j'assumais seule.

Je ne voulais pas le décevoir, et je tenais à contribuer au bien de la meute. C'est pourquoi je commençais toujours la préparation trois mois avant chaque événement, pour qu'aucun détail ne soit négligé.

Je vérifiais tout moi-même, des variétés de fleurs jusqu'au choix des matières premières pour les repas.

Sans parler de la liste des invités, du lieu, ou du programme de la soirée.

Adrien m'avait dit :

« Pour notre dernière fête avant la fin du contrat, tu peux tout organiser comme tu veux. »

Alors, pour la dix-neuvième événement de la meute, j'avais tout décoré selon mes goûts. J'avais même préparé une vidéo souvenir racontant notre histoire, pour y mettre un point final.

Mais lors que je suis arrivée sur place, tout avait changé.

Les roses blanches que j'aimais avaient été remplacées par des rouges éclatantes. Les nappes avaient été changées pour s'accorder à cette nouvelle couleur.

Et ma vidéo soigneusement montée avait été remplacée par des scènes tendres entre Adrien et Valérie.

Je croyais ne plus pouvoir être blessée car j'allais bientôt partir, après tout.

Mais en repensant à cette vidéo, les larmes me sont venues.

C'étaient les rares souvenirs que j'avais d'Adrien au cours de ces trois années :

lui m'apprenant à m'entraîner sous la lumière de la lune, nos premières chasses où il me protégeait, et la toute première fois où il m'avait offert un cadeau pour mon anniversaire…

En y repensant, et en voyant cet événement qui devait être la nôtre devenir la célébration d'un autre couple, j'avais senti une douleur sourde m'envahir.

Je me suis demandé si Adrien se souvenait que c'était ma dernière fête organisée pour la meute.

Et quand il était avec Valérie, pensait-il parfois que notre lien de compagnon serait rompu dans trois jours ?

De retour dans ma chambre, j'ai regardé les photos des dix-huit événements passés, affichées au mur. C'était mes souvenirs, la preuve de mon travail.

Je les ai arrachées une à une. Et alors que je retirais la dernière, le lien mental d'Adrien s'est activé.

Son ton était rempli de reproches :

« Claire, tu l'as fait exprès, hein ? Ce planning est trop compliqué, même moi je n'y comprends rien ! Et Valérie encore moins ! »

Je n'ai rien répondu tout de suite. Puis, calmement, j'ai proposé :

« Tu veux que je revienne pour présenter le déroulement ? »

Un long silence.

Puis il a dit :

« Laisse tomber. Mieux vaut que tu ne viennes pas. »

Ainsi s'est achevée notre conversation, sèchement.

Je n'ai pas encore fini mes bagages qu'il avait déjà claqué la porte en rentrant.

« Ne pas te nommer Luna est la meilleure décision que j'aie jamais prise ! Tu laisses ton travail à moitié fait ? Ce n'est pas digne d'une Luna ! »

Il a tiré sur sa cravate avec irritation. À ce moment-là, j'ai aperçu une marque rouge sur sa poitrine.

Valérie est entrée juste après, l'air faussement contrarié :

« Adrien, ton costume est taché. Je t'en ai apporté un autre. C'est ma faute… je ne connaissais pas bien le déroulement. »

En l'entendant, le visage d'Adrien s'est radouci, rempli de tendresse.

« Ce n'est pas ta faute. C'est celle de Claire. Elle a tout compliqué ! »

« Heureusement que tu as su gérer tous ces invités. Sans toi, je ne sais pas comment ça se serait terminé. »

Puis il s'est tourné vers moi, furieux :

« Claire, tu ne penses pas me devoir une explication ? Quoi ? Dès que ça devient difficile, tu fuis et tu laisses Valérie gérer à ta place ? »

« Heureusement qu'elle a su tenir le coup aujourd'hui. Sinon, tu imagines le chaos ? »

J'ai levé les mains légèrement, puis j'ai dit d'un ton neutre :

« Désolée. »

Adrien, qui semblait prêt à m'accabler encore, a soudain été surpris par ma réponse. Il a ouvert la bouche, mais aucun mot n'en est sorti.