Chapitre 5— Ce que je vaux
Le parking du bar était presque désert lorsque Rebecca sortit. L’air frais de la nuit gifle son visage maquillé, effaçant les dernières traces de chaleur sur ses joues. Mais à peine eut-elle atteint le trottoir qu’une voix moqueuse l’arrêta net. — Alors c’est vrai… Tu joues les femmes libérées maintenant ? Rebecca se retourne lentement. Sonya. Sa sœur, toujours tirée à quatre épingles, talons aiguilles, sac de luxe au bras, un sourire suffisant collé aux lèvres. À ses côtés, une autre femme ricanait doucement : Lorène, une ancienne camarade de lycée, issue d’une famille influente, aujourd’hui mariée à un diplomate. — Tu devrais vraiment apprendre à rester à ta place, Rebecca, reprit Sonya, la voix faussement douce. Les choses seraient tellement plus simples. Tu n’imagines pas à quel point sa mère m’apprécie. Elle dit toujours que j’aurais dû être la vraie épouse, pas la version… d’essai. Rebecca planta ses yeux dans ceux de sa sœur. Elle ne flancha pas. — C’est amusant, souffla-t-elle, parce qu’au moment où tu l’as abandonné dans son lit d’hôpital, c’est moi qui le soutenais quand il ne savait même plus marcher. Tu étais où? En train de t’amuser à Dubaï ? — Oh, ma pauvre. Tu crois que soigner un homme te donne des droits sur lui ? Ce qu’il veut, c’est une femme qui sait se tenir. Qui brille. Pas une petite épouse provinciale sans avenir. Lorène ajoute, hautaine : — Tu sais, Rebecca, ce n’est pas trop tard pour changer. Tu pourrais peut-être reprendre tes études ? Trouver un vrai travail ? Ce serait mieux que de te faire remarquer dans un bar… Ce genre d’endroit ne fait pas très bonne publicité à la famille de Gregory. Rebecca arqua un sourcil. — Intéressant. Donc, pour vous, c’est moi qui déshonore cette famille ? Un homme qui trompe sa femme avec sa belle-soeur mérite vraiment votre admiration ? Lorène ouvrit la bouche, surprise. — Tais-toi. Ce qui se passe entre nous ne te regarde pas. Ton mari ne m’a jamais aimé que moi. Tu sais très bien comment ce mariage est arrivé. À ce moment-là, Gregory apparut, entouré de deux amis : Mathis et Guillaume, deux types issus de son cercle professionnel, le regard critique déjà posé sur Rebecca. — Franchement, Greg, déclare Mathis, tu devrais vraiment mettre fin à cette mascarade.Sonya, au moins, elle a du style, de l’allure. Pas comme… enfin, tu vois quoi. — Je ne comprends même pas comment tu as pu rester marié à elle si longtemps, ajoute Guillaume, désinvolte. Elle n’a ni éducation, ni réseau. T’as toujours mérité mieux. Rebecca croise les bras, impassible. — Vous avez fini ? — Ce n’est pas une attaque, répliqua Guillaume. Juste un constat. Tu n’étais pas à la hauteur. Ce n’est pas grave, ça arrive. Avant que Rebecca ne puisse répondre, Séléna surgit, le regard brûlant. — Et vous, vous êtes quoi ? Des parasites arrogants ? Vous crachez sur Rebecca, mais sans elle, Gregory ne serait même pas debout ce soir. Vous n’étiez pas là quand il fallait le lever du lit, changer ses pansements, calmer ses crises de douleur. Elle, si. Mais bien sûr, ce n’est pas assez sexy pour vos standards, hein ? Le silence tomba. Même Gregory semblait hésiter à intervenir. Séléna reprit : — Vous êtes là à parler de “niveau”, de “réseaux”, mais vous êtes surtout une bande de riches idiots qui ne connaissent rien à la valeur d’une femme. Rebecca pose doucement la main sur le bras de Séléna. — Merci.. Elle s’avance d’un pas, se plante face à Gregory. Elle le fixe, les yeux clairs, brillants, mais secs. — Je te donne trois jours, Gregory. Après ça, je ne veux plus jamais entendre parler de toi. Et si tu ne le fais pas, je n’hésiterai pas à aller plus loin. Crois-moi.Il plante ses yeux clairs dans ceux de Jules, presque suppliants. — Sauver Rebecca… ce sera mon expiation. Toi, tu ne peux pas risquer ta vie ici. Elise a besoin de toi. Si tu tombes… tu crois que tu pourrais te le pardonner ? Le silence s’abat entre eux, oppressant. Seuls les cliquetis des mousquetons résonnent. Jules détourne le regard, le cœur serré. Les paroles de Gregory frappent juste, trop juste. Elise… son petit visage, ses yeux innocents. Elle ne pourrait pas comprendre, elle ne pourrait pas survivre sans lui. — Tu veux… y aller seul ? souffle Jules, la gorge nouée. Gregory hoche la tête, avec une détermination glaciale. — Oui. Laisse-moi ça. S’il m’arrive quelque chose, personne ne regrettera ma perte. Mais si toi tu tombes… ce serait une tragédie. Jules reste immobile, la corde tremble entre ses mains. Il sent la colère monter la colère de voir Gregory se sacrifier ainsi, de porter seul ce fardeau. Mais en même temps, une vérité implacable s’impose : il ne
Le jour se lève timidement sur le campement. Le ciel est teinté d’un bleu pâle, encore humide de rosée, et la tension flotte toujours dans l’air comme une brume persistante. Les visages sont tirés, les yeux rouges de fatigue. La nuit blanche a marqué tout le monde, mais une détermination farouche persiste : retrouver Rebecca. Les gendarmes, les sauveteurs et les volontaires se regroupent une nouvelle fois, cartes dépliées, balises à la main. Gregory est là, son regard fixe, les traits tendus. Ses yeux trahissent une angoisse qu’il peine à contenir, mais sa voix, ferme, porte avec autorité. — On reprend, dit-il en traçant une ligne sur la carte. Les signaux thermiques enregistrés hier soir indiquent une zone ici, près du versant nord. C’est là que nous devons concentrer nos efforts. Le capitaine des sauveteurs hoche la tête, mais son expression est grave. C’est une zone très instable, Monsieur. Le sol est friable, les éboulis fréquents. Une mauvaise manœuvre et on risque d’env
Mais Jules secoue violemment la tête. « Non. Vous ne comprenez pas. Elle est là. Elle m’attend. Elle a besoin de moi. Je ne peux pas dormir pendant qu’elle… pendant qu’elle souffre peut-être, seule, quelque part. » Sa voix se brise légèrement à la fin de la phrase, mais il reprend son souffle, plantant son regard dans celui du capitaine. Le silence tombe. Personne n’ose ajouter quoi que ce soit. Même les plus fatigués sentent dans les paroles de Jules une vérité brute, une douleur qu’aucun mot ne peut consoler. Le capitaine soupire lourdement. « Je comprends. Mais la procédure est la procédure. Si tu veux continuer, ce sera seul. Les équipes reprendront plus tard, quand nous aurons plus de lumière et de forces. » Jules serre les dents. Ses mains tremblent légèrement sous la colère et l’impuissance. Il détourne les yeux, fixant la montagne. Chaque fibre de son corps hurle d’y retourner. Mais une partie de lui sait que s’il se lance seul, il risque de ne jamais revenir. Il fer
Mais son cœur bat si vite qu’il cogne contre ses tempes. La douleur de la branche enfoncée dans sa chair lui arrache une sueur glaciale. Elle tente d’arracher le bois, mais à peine ses doigts l’effleurent qu’un gémissement de souffrance éclate de sa gorge. Impossible. Si elle force, elle risque d’aggraver l’hémorragie. Soudain, un bruit l’interrompt. Pas celui de l’eau qui goutte, pas le frémissement du vent au loin. Non. Un grognement grave, suivi d’un souffle rauque. Rebecca se fige, ses yeux cherchent désespérément une source de lumière, mais il n’y a que l’obscurité, dense, étouffante. Un deuxième grognement. Puis un troisième, plus proche. Son cœur s’arrête. Des loups. Leurs pas résonnent, discrets mais déterminés, griffes raclant la pierre. Rebecca plaque sa main contre sa bouche pour étouffer son souffle. Ses yeux pleins de larmes fixent le vide, cherchant à deviner les silhouettes. — Non… non, pas ça… gémit-elle intérieurement. Elle tente de reculer, mais sa jambe co
— Cette femme, dit-il en désignant Sonya, est impliquée. Interrogez-la. Sonya écarquille les yeux, sa bouche s’ouvre dans un cri muet. Ses larmes redoublent, ses mains se tendent vers lui. — Grégory ! Tu ne peux pas… tu ne peux pas me laisser tomber ainsi ! Tu sais que je t’aime ! Mais il ne bronche pas. Il ne répond même pas. Les policiers s’approchent d’elle, l’entourent, notant déjà ses propos incohérents. Pendant ce temps, Jules reste figé au bord du gouffre en regardant où Rebecca était tombé tout en , priant de toutes ses forces qu’elle respire encore. La nuit était semble suspendue au fil ténu de son souffle. Le vent souffle plus fort au sommet de la falaise, et Jules, le visage tendu, s’active comme un homme possédé par une seule pensée : sauver Rebecca., mais sa voix, ferme et autoritaire, tranche avec l’agitation qui règne autour de lui. Elise a été confiée à une voisine du camp, Sonya continue de sangloter en répétant qu’elle n’a « rien voulu faire », et Grégory
Chapitre 89 Le silence qui suit la chute de Rebecca est assourdissant. Un silence que seul le vent de la falaise vient troubler, sifflant entre les rochers. Sonya est figée, le souffle court, ses mains encore tendues vers le vide comme si elle ne réalisait pas ce qu’elle venait de faire. Ses yeux se remplissent de larmes soudaines, irréelles, presque théâtrales. Puis, dans un sanglot étranglé, elle s’écroule à genoux sur la pierre froide. — Non… non, je n’ai pas voulu… balbutie-t-elle. Ses doigts s’accrochent à la terre comme pour s’ancrer à la réalité. Elle a glissé… je vous jure, elle a glissé toute seule ! Jules, le visage blême, n’écoute pas. Il s’est déjà précipité au bord de la falaise, ses mains crispées sur les pierres rugueuses. Ses yeux fouillent l’obscurité. Tout en bas, au milieu des rochers et de la végétation, une silhouette inerte se devine. Son cœur s’arrête. Sa gorge se serre. — Rebecca ! hurle-t-il, mais aucun écho ne lui répond. Il sort son téléphone d’une