Chapitre 6– L’autre femme
— Je ne veux pas te voler à Rebecca, dit Sonya d’une voix douce. C’est ma sœur, je ne veux pas passer pour celle qui a brisé son mariage. Sonya joue distraitement avec le bord de son verre. Gregory est assis tout près, il ne la quitte pas des yeux. Il l’écoute, mais son regard glisse rapidement vers ses lèvres. — Ce mariage n’a plus de sens, répond-il calmement. Tu le sais bien. Ce n’était qu’un accident avec Rebecca. Toi, tu es différente. Sa main se pose sur sa cuisse nue. Elle frissonne mais ne le repousse pas. Il se penche lentement vers elle, leurs visages se rapprochent. — Elle est douce, oui, mais toi… c’est toi que je veux depuis le début. Il l’embrasse d’abord lentement, puis ses lèvres gagnent en intensité. Sa main remonte pour caresser la nuque de Sonya. Il la tire contre lui. Elle enroule ses bras autour de son cou sans résistance. Ils s’embrassent avec assurance, comme s’ils étaient faits pour ça. — Tu as toujours été celle que j’aimais, murmure-t-il contre ses lèvres. Rebecca ferme la vidéo d’un geste sec. Elle s’assoit sur le canapé, le téléphone toujours dans la main. L’image de Sonya et Gregory, souriants, s’imprime dans son esprit. Il y a trois ans, Gregory a eu cet accident. Il était encore avec Sonya, ils parlaient de mariage. Puis la vie a basculé. Il a perdu l’usage de ses jambes. Sonya est venue une seule fois. Elle est restée debout au pied du lit, sans dire un mot. Puis elle s’est tournée vers Rebecca, froide : — Je peux pas faire ça. Si tu veux t’en occuper, fais-le. Le lendemain, elle prenait un avion pour le Canada. Rebecca n’a rien dit. Elle est restée. Ses parents n’ont pas été surpris. — Toi, tu es plus calme, Rebecca. Tu dois aider ta sœur.Personnne sait que Rebecca aime cet homme, c'est la seule chance pour elle d'être avec lui.
Alors elle a emménagé chez Gregory. Elle le lavait, l’habillait, changeait les draps.Au début, il refusait qu’on le touche. Une fois, furieux, il a jeté son repas par terre, renversait son fauteuil roulant, criait.
Elle nettoyait sans rien dire.
Un soir, il a essayé de se lever seul, il est tombé, en sueur. Elle ne l’a pas aidé, s’est juste assise à côté de lui, attendant qu’il remonte au lit. Essoufflé, il a murmuré : — Pourquoi tu es encore là ? Elle lui a juste tendu une serviette. Un an plus tard, il a réussi à se tenir debout. Deux ans après, il conduisait, retournait au travail. Elle se souvient de la première fois où il est remonté sur scène pour parler après son accident. En coulisses, il a juste dit « merci » et est parti. Elle pensait que c’était sa façon d’être, qu’il était simplement réservé. Aujourd’hui, elle sait. Son silence n’était pas une retenue, mais un manque d’amour. Il ne l’a jamais aimée. Elle n’a jamais été un choix. Elle était juste « celle qui restait ». Elle se lève . Lentement. Les jambes encore douloureuses, les mains tremblantes. Mais elle se lève . Elle ramasse son téléphone. L’écran était fendu. Comme son cœur. Mais fonctionnel. Comme elle. Elle ouvre une nouvelle note dans son téléphone. Elle tape simplement : 1. Prendre rendez-vous chez l’avocate demain. 2. Effacer toutes les vidéos anonymes. 3. Chercher un espace pour mon atelier. 4. Me retrouver.Il plante ses yeux clairs dans ceux de Jules, presque suppliants. — Sauver Rebecca… ce sera mon expiation. Toi, tu ne peux pas risquer ta vie ici. Elise a besoin de toi. Si tu tombes… tu crois que tu pourrais te le pardonner ? Le silence s’abat entre eux, oppressant. Seuls les cliquetis des mousquetons résonnent. Jules détourne le regard, le cœur serré. Les paroles de Gregory frappent juste, trop juste. Elise… son petit visage, ses yeux innocents. Elle ne pourrait pas comprendre, elle ne pourrait pas survivre sans lui. — Tu veux… y aller seul ? souffle Jules, la gorge nouée. Gregory hoche la tête, avec une détermination glaciale. — Oui. Laisse-moi ça. S’il m’arrive quelque chose, personne ne regrettera ma perte. Mais si toi tu tombes… ce serait une tragédie. Jules reste immobile, la corde tremble entre ses mains. Il sent la colère monter la colère de voir Gregory se sacrifier ainsi, de porter seul ce fardeau. Mais en même temps, une vérité implacable s’impose : il ne
Le jour se lève timidement sur le campement. Le ciel est teinté d’un bleu pâle, encore humide de rosée, et la tension flotte toujours dans l’air comme une brume persistante. Les visages sont tirés, les yeux rouges de fatigue. La nuit blanche a marqué tout le monde, mais une détermination farouche persiste : retrouver Rebecca. Les gendarmes, les sauveteurs et les volontaires se regroupent une nouvelle fois, cartes dépliées, balises à la main. Gregory est là, son regard fixe, les traits tendus. Ses yeux trahissent une angoisse qu’il peine à contenir, mais sa voix, ferme, porte avec autorité. — On reprend, dit-il en traçant une ligne sur la carte. Les signaux thermiques enregistrés hier soir indiquent une zone ici, près du versant nord. C’est là que nous devons concentrer nos efforts. Le capitaine des sauveteurs hoche la tête, mais son expression est grave. C’est une zone très instable, Monsieur. Le sol est friable, les éboulis fréquents. Une mauvaise manœuvre et on risque d’env
Mais Jules secoue violemment la tête. « Non. Vous ne comprenez pas. Elle est là. Elle m’attend. Elle a besoin de moi. Je ne peux pas dormir pendant qu’elle… pendant qu’elle souffre peut-être, seule, quelque part. » Sa voix se brise légèrement à la fin de la phrase, mais il reprend son souffle, plantant son regard dans celui du capitaine. Le silence tombe. Personne n’ose ajouter quoi que ce soit. Même les plus fatigués sentent dans les paroles de Jules une vérité brute, une douleur qu’aucun mot ne peut consoler. Le capitaine soupire lourdement. « Je comprends. Mais la procédure est la procédure. Si tu veux continuer, ce sera seul. Les équipes reprendront plus tard, quand nous aurons plus de lumière et de forces. » Jules serre les dents. Ses mains tremblent légèrement sous la colère et l’impuissance. Il détourne les yeux, fixant la montagne. Chaque fibre de son corps hurle d’y retourner. Mais une partie de lui sait que s’il se lance seul, il risque de ne jamais revenir. Il fer
Mais son cœur bat si vite qu’il cogne contre ses tempes. La douleur de la branche enfoncée dans sa chair lui arrache une sueur glaciale. Elle tente d’arracher le bois, mais à peine ses doigts l’effleurent qu’un gémissement de souffrance éclate de sa gorge. Impossible. Si elle force, elle risque d’aggraver l’hémorragie. Soudain, un bruit l’interrompt. Pas celui de l’eau qui goutte, pas le frémissement du vent au loin. Non. Un grognement grave, suivi d’un souffle rauque. Rebecca se fige, ses yeux cherchent désespérément une source de lumière, mais il n’y a que l’obscurité, dense, étouffante. Un deuxième grognement. Puis un troisième, plus proche. Son cœur s’arrête. Des loups. Leurs pas résonnent, discrets mais déterminés, griffes raclant la pierre. Rebecca plaque sa main contre sa bouche pour étouffer son souffle. Ses yeux pleins de larmes fixent le vide, cherchant à deviner les silhouettes. — Non… non, pas ça… gémit-elle intérieurement. Elle tente de reculer, mais sa jambe co
— Cette femme, dit-il en désignant Sonya, est impliquée. Interrogez-la. Sonya écarquille les yeux, sa bouche s’ouvre dans un cri muet. Ses larmes redoublent, ses mains se tendent vers lui. — Grégory ! Tu ne peux pas… tu ne peux pas me laisser tomber ainsi ! Tu sais que je t’aime ! Mais il ne bronche pas. Il ne répond même pas. Les policiers s’approchent d’elle, l’entourent, notant déjà ses propos incohérents. Pendant ce temps, Jules reste figé au bord du gouffre en regardant où Rebecca était tombé tout en , priant de toutes ses forces qu’elle respire encore. La nuit était semble suspendue au fil ténu de son souffle. Le vent souffle plus fort au sommet de la falaise, et Jules, le visage tendu, s’active comme un homme possédé par une seule pensée : sauver Rebecca., mais sa voix, ferme et autoritaire, tranche avec l’agitation qui règne autour de lui. Elise a été confiée à une voisine du camp, Sonya continue de sangloter en répétant qu’elle n’a « rien voulu faire », et Grégory
Chapitre 89 Le silence qui suit la chute de Rebecca est assourdissant. Un silence que seul le vent de la falaise vient troubler, sifflant entre les rochers. Sonya est figée, le souffle court, ses mains encore tendues vers le vide comme si elle ne réalisait pas ce qu’elle venait de faire. Ses yeux se remplissent de larmes soudaines, irréelles, presque théâtrales. Puis, dans un sanglot étranglé, elle s’écroule à genoux sur la pierre froide. — Non… non, je n’ai pas voulu… balbutie-t-elle. Ses doigts s’accrochent à la terre comme pour s’ancrer à la réalité. Elle a glissé… je vous jure, elle a glissé toute seule ! Jules, le visage blême, n’écoute pas. Il s’est déjà précipité au bord de la falaise, ses mains crispées sur les pierres rugueuses. Ses yeux fouillent l’obscurité. Tout en bas, au milieu des rochers et de la végétation, une silhouette inerte se devine. Son cœur s’arrête. Sa gorge se serre. — Rebecca ! hurle-t-il, mais aucun écho ne lui répond. Il sort son téléphone d’une