Le président Pennet marchait d’un pas nerveux dans le bureau ovale pendant qu’il parlait au téléphone avec Karl Urban. Ce dernier écumait d’une rage froide, lançant des mots aussi tranchants à l’encontre de l’occupant de la Maison-Blanche que l’étaient les scalpels qu’il utilisait pour ses exécutions, mais ce n’était pas ce qui inquiétait le plus Pennet. Ce dernier s’arrêtait toutes les dix secondes pour regarder, par les hautes fenêtres, la scène qui se déroulait devant les grilles de la Maison-Blanche, là où une foule de plus en plus nombreuse s’agglutinait. Malgré la distance, il était clair que les barrières, sous la pression, commençaient à céder. Dans les jardins, les membres des Services Secrets couraient en tous sens mais c’est leur chef – un grand gaillard nommé Jeffrey Cooper - qui fit irruption dans son bureau. Étrangement, il était parfaitement calme.– Monsieur le Président, nous allons vous évacuer. Suivez-moi je vous prie.Le ton était posé, mais ferme. Un
Quelque part dans les Montagnes Rocheuses, un an plus tard…Il faisait nuit. Angela était dehors, sur la terrasse de leur magnifique chalet perdu en pleine montagne, à deux heures de route sinueuse de la première ville.La jeune femme était sortie pour contempler les étoiles qu’aucune pollution lumineuse ne venait troubler, de sorte que le ciel était d’une densité extraordinaire, un véritable océan d’astres sur lequel la Voie Lactée se détachait tel un ruban céleste.Par la porte coulissante laissée ouverte, elle entendait le son de la télévision que Noa regardait encore.Le flash spécial qui passait en boucle depuis des heures sur les chaines du monde entier, annonçait une nouvelle absolument unique dans l’histoire humaine : le dernier conflit de la planète venait de prendre fin.Après des millénaires de guerre et de barbarie, le monde, l’humanité, était enfin en paix.Noa éteignit la télé et sortit rejoindre sa compagn
Ciudad Juarez, État de Chihuahua, Mexique...La voix du contremaître annonçant le changement d’équipe retentit dans les haut-parleurs disséminés dans toute l’usine. Julia Ortiz posa sur son plan de travail la visseuse électrique qu’elle utilisait pour refermer le panneau arrière des téléviseurs et s’essuya les mains sur sa blouse. La jeune fille se recoiffa rapidement puis se hâta de rejoindre le flot des ouvrières se dirigeant vers la sortie. La lueur blafarde des néons fit place à celle plus crue des projecteurs au sodium éclairant l’entrée de l’usine. Il faisait nuit dehors.Julia travaillait dans la deuxième équipe ; elle commençait son travail à seize heures pour finir à minuit. Dans quelques instants, la troisième équipe arriverait, plusieurs centaines de jeunes femmes comme elle, sous-payées, exploitées, soumises à leur triste sort. L’usine ne s’arrêtait jamais de produire, faisant les trois huit, comme les mille autres de la région.Le regard
Salle de rédaction d’El Periodico, Ciudad Juarez, deux jours plus tard...– Angela, un cadavre a été trouvé dans le désert, au nord de la ville, lança Miguel Torreon après avoir raccroché son téléphone.La jeune femme à qui le journaliste s’adressait travaillait à quelques mètres de lui. Penchée sur son ordinateur portable, elle tapait un article sur les meurtres de Juarez dont elle avait fait son cheval de bataille depuis son arrivée ici, trois mois plus tôt. Elle était américaine, probablement promise à un bel avenir si l’on considérait ses compétences professionnelles...et sa beauté, mais elle avait choisi de venir s’enterrer ici, chose que Miguel avait beaucoup de mal à comprendre.– C’est une fille. Elle a été débitée en petits morceaux, ajouta-t-il.– Oh mon Dieu !Angela de la Vega saisit ses clés de voiture posées sur son bureau, son téléphone portable et sortit précipitamment de la salle de rédaction climat
Darfour, camp de réfugiés de Zalingei…Les tentes de fortune s’étalaient à perte de vue dans la plaine immense et désertique, telle une mer de toile rapiécée puant la misère et la mort. Noa Stevenson avait garé son 4x4 à la lisière du camp avant de se jucher sur le toit. Il désirait prendre quelques vues en plan large afin que les lecteurs se rendent bien compte de l’étendue du camp. Il n’était que huit heures du matin, mais déjà le soleil diffusait une chaleur écrasante. Noa sentait des gouttes de sueur rouler le long de son dos.Pendant qu’il réglait son appareil, une chose le frappa. Tout était très silencieux. Aucun enfant ne jouait, personne ne criait, ni ne s’interpellait. Noa se rendit compte que ces gens étaient trop épuisés pour avoir ne serait-ce qu’un semblant d’activité. Le camp était un mouroir. Là, sous ses yeux, cent mille personnes mouraient à petit feu, certaines plus rapidement que d’autres. De malnutrition principalement, mal
Cité du Vatican, palais du gouvernement…Celui que l’on surnommait « le Pape Noir », entra d’une démarche majestueuse dans la vaste salle de réunion réservée aux membres de l’Opus Sanctorum, sa robe sombre effleurant le sol. Six cardinaux, tous professeurs de théologie, l’attendaient en devisant passionnément autour de la longue table en chêne patinée par les ans qui meublait le centre de la pièce. Ils se turent instantanément à son arrivée.À soixante ans passés, Mgr Francisco de Torquemada possédait une aura de puissance toujours aussi éclatante, et lorsqu’il pénétrait dans une pièce, les conversations baissaient en général d’un cran. Il était l’incarnation même de la puissante Église catholique romaine et n’hésitait pas à en faire un usage immodéré si les circonstances l’exigeaient.Un autre homme entra à sa suite, d’une envergure plus discrète, ce qui allait parfaitement à sa fonction puisqu’il dirigeait les services secrets du Vatic
QG de la N.S.A, à Fort Meade, État américain du Maryland…Au sein de l’un des deux immenses cubes d’acier et de verre teinté abritant les vingt mille employés de la plus grande agence de collecte de renseignements au monde, se trouve une petite salle très spéciale. Située à l’extrémité ouest de la grande salle d’analyse numéro trois, dédiée à la surveillance du continent sud-américain, elle abrite le RAW, ou Réseau Advent Watcher.Si le Christ revenait parmi les hommes, quel moyen utiliserait-il pour faire connaître son message ?Le web, assurément.Le RAW est né de cette imparable constatation.Placé directement sous mandat présidentiel, son but était de permettre aux instances dirigeantes du pays, d’anticiper le Second Avènement, cause supposée de bouleversements peu favorables à la gouvernance et aux affaires.Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, une équipe d’une dizaine de théologiens guettait et analysait tout
Ciudad Juarez…Angela trempa les lèvres dans son café – froid -, fit la grimace en reposant la tasse et se frotta les yeux. Cela faisait plus de trois heures qu’elle travaillait à son article et son corps montrait des signes de fatigue.Elle s’étira, puis laissa son regard errer alentour.La pièce était à peu près en ordre. Pas moins d’une heure entière avait été nécessaire pour effacer toutes traces du cambriolage – ou plutôt, de la fouille en règle de son appartement – qu’elle avait eu la très mauvaise surprise de découvrir en rentrant chez elle, en fin de journée. Bizarrement, on ne lui avait rien volé. Outre le fait que des inconnus s’étaient introduits chez elle, cela la mettait mal à l’aise. Dans un pays où n’importe quoi avait une valeur marchande, ne rien emporter dénotait un professionnalisme qui lui faisait froid dans le dos. Nul doute qu’on lui faisait par là même passer un message. Non seulement elle était sous étroite survei