LOGINAsharLa porte claque. Le son est un coup de feu dans le silence de la maison. Les mots de Serena résonnent encore, des lames empoisonnées plantées dans ma chair.« Garde ta putain. »« Une blessure qui ne guérira jamais. »June ricane derrière moi, un son de victoire gluant.—Eh bien, elle a du tempérament, la petite.Sa voix est une mouche vrombissante sur l'immense plaie ouverte. Je la vois, allongée, offerte, satisfaite. L'odeur de notre sexe flotte encore, mêlée à celle du verre brisé et de la haine. Cette pièce, cette maison, tout est souillé. Par moi. Par nous.Le visage de Serena. Sa douleur transformée en cette froideur mortelle. Son mépris. C'était pire que ses larmes. Bien pire.Quelque chose se rompt en moi.Un grognement sourd s'échappe de ma gorge. Je ne pense plus. Je n'analyse plus. Je suis un animal acculé, un homme qui voit l'abîme et choisit d'y sauter plutôt que de reculer.— Tais-toi, je gronde en direction de June sans même la regarder.Je traverse la pièce d'un
SerenaLa rue est un flou gris. Mes pas frappent le trottoir, saccadés, désordonnés. La pluie commence à tomber, fine et glacée, collant mes cheveux à mon front, mes vêtements à ma peau. Je ne la sens pas. Je ne sens que la brûlure. Celle de la gifle que j'ai donnée, et celle, mille fois plus vive, qui dévore mes entrailles.Monstre. Chien. Les mots résonnent dans mon crâne, creux. Ils sont insuffisants. Aucun mot ne pourrait contenir l'océan de poison qui me submerge. J'ai vu. J'ai vu leurs corps enlacés sous le jet, une seule entité ruisselante et haletante. J'ai vu ses mains sur elle. J'ai vu son abandon total. Notre intimité, nos promesses, réduites à un spectacle sordide dans la vapeur d'une salle de bains.Je marche sans but, aveuglée par les larmes qui se mêlent à la pluie. Chaque image est un coup de couteau. Le sourire de triomphe de June. Le dos musclé d'Ashar, tendu sous ses doigts à elle. Leurs gémissements, étouffés par l'eau, mais si clairs à mes oreilles.Puis, une autr
JuneLa porte claque derrière lui. Le son résonne dans la maison vide, un point final brutal à notre scène. Je reste immobile, adossée au chambranle, la serviette humide collée à ma peau qui frémit encore. Le parfum d'Ashar flotte dans l'air mêlé à celui de notre transpiration, un mélange enivrant de sel, de peau chaude et de trahison.Mon rire s'éteint dans ma gorge.Le silence qui suit est plus lourd, plus dense que tout ce qui a précédé. Il est à moi. Seulement à moi.Je laisse glisser la serviette.Le tissu éponge tombe en un tas mou sur le carrelage encore humide. L'air frais caresse ma peau nue, fait dresser les poils sur mes bras, mes cuisses. Je frissonne, non de froid, mais d'excitation. La vision d'Ashar, paniqué, courant comme un chien battu après cette petite chose larmoyante... C'était délicieux. Mais ce n'était qu'un apéritif.Mon regard se pose sur la grande glace au-dessus des lavabos. La buée commence à se dissiper, révelant par plaques mon reflet. Une femme aux cheve
AsharLe silence qui suit est une chose vivante, épaisse et laiteuse. Il se coule dans l'espace entre nos corps, dans le léger espace où sa peau se détache de la mienne. L'eau n'est plus qu'une pluie tiède, un pleur sur nos épaules. Je garde les yeux fermés, un instant de plus, à mémoriser le poids d'elle contre moi, la courbe parfaite de ses hanches sous mes mains, le souffle précipité qui chauffe mon cou. C'est un leurre. Je le sais. Une bombe à retardement dont nous venons de couper le fil, sans savoir qu'il était relié à une autre.— Enfin.Le mot de June est un souffle, une exhalaison de victoire. Sa joue frotte contre mon pectoral, un geste de possession féline. Ses doigts tracent des cercles lents, hypnotiques, sur ma peau mouillée, comme pour sceller un pacte écrit dans l'eau et la vapeur.— Enfin, nous sommes seuls.Je n'ouvre pas les yeux. Si je les ouvre, le charme se brisera. Si je les ouvre, je verrai les murs, la réalité, l'ombre de l'autre qui plane déjà, même ici, surt
Ashar La vapeur s’élève, un brouillard chaud et spectral qui voile les carreaux, dissout les contours et adoucit les angles cruels du monde. Sous le jet brûlant, je ferme les yeux. L’eau coule sur ma peau en ruisseaux compulsifs, ruisselle sur les muscles tendus à se rompre, lave la poussière abrasive de la vallée et l’odeur tenace de la cendre qui imprègne mes poumons, mes souvenirs, mon âme. C’est un moment de suspension, rare et précaire, où je ne suis plus qu’un corps animal, une enveloppe de chair et de nerfs. Où le poids écrasant des noms, des terres promises et des regards de femmes , pleins d’attente, de reproche, d’espoir, s’écoule, lentement, avec l’eau sale, dans le drain obscur.Mais le silence, ici, n’est qu’une illusion, un fragile armistice avec le chaos.La porte de la salle de bains s’ouvre dans un souffle, sans un bruit, sans un claquement. Je ne me retourne pas. Je connais cette présence. Je l’ai sentie rôder, affamée et vibrante, de l’autre côté du bois, une ombre
ASHARL’aube s’étire sur la vallée comme un soupir. La lumière glisse sur les pierres encore fumantes, caresse les murs de la maison, s’invite dans les plis de mes pensées. J’ai à peine dormi. June et Serena non plus. Le silence de la nuit a été plus bruyant que mille tempêtes.Elles dorment maintenant, chacune dans une pièce différente. Je marche lentement dans le couloir, les pieds nus sur le sol froid, le corps encore habité de leur présence, de leur chaleur, de leurs blessures. J’ai pris une décision, ou du moins, une tentative de décision : je ne peux pas les laisser se consumer dans cette rivalité. Si l’amour est un brasier, alors il doit nous brûler tous les trois, pas nous séparer.Mais le monde m’attend.Mon nom, mes terres, ma cité , tout ce que j’ai bâti avant de disparaître. Les murmures courent déjà : Ashar est vivant. Certains doutent, d’autres espèrent, d’autres encore tremblent. Et moi, je ne peux pas rester dans l’ombre éternellement.Je sors. L’air du matin me frappe