Mag-log inSERENALe printemps est un peintre prodigue, étalant le vert à pleines mains sur la forêt. La clairière, notre clairière, déborde de vie sourde et vigoureuse. Je vois les premières fleurs, fragiles et obstinées, entre les racines du vieux chêne. L’air sent la sève, la terre remuée, et la promesse de la chaleur.Je suis assise sur le banc que nous avons sculpté ensemble, mes doigts effleurant le grain du bois comme on caresse une joue. J’observe les nuages. La cicatrice argentée sur mon avant-bras capte la lumière. Ce n’est plus une marque de douleur, mais un fil d’argent tissé dans notre histoire.Je sens son regard sur moi avant de le voir. Une caresse dans l’air tiède. Je tourne la tête. Il est debout sur le seuil, immobile. Je lui souris.— Tu restes planté là longtemps ?— Aussi longtemps qu’il le faudra pour m’en souvenir.Il s’approche et s’assoit près de moi. Notre peau se frôle. Simple. Une douce électricité. Le silence entre nous est vivant, peuplé du bourdonnement des insect
AsharLe bruit des sabots sur le chemin de terre est une intrusion, une note discordante dans la symphonie de notre matinée paisible. Je lève la tête de l’établi. Les muscles de mon dos se tendent, non par l’effort, mais par une vigilance immémoriale qui se réveille d’un coup.Serena émerge de la petite cuisine, un torchon à la main. Nos regards se croisent. Nous n’avons pas besoin de mots. La quiétude des derniers jours, tissée de silence apprivoisé et de regards chaleureux, vient de se déchirer. Ce n’est pas l’Ordre. L’énergie est différente. Plus personnelle. Plus coupante.Avant même que la silhouette ne se dessine clairement à travers les arbres, je sais. Une lourdeur ancienne s’installe dans ma poitrine, froide et familière. Je pose mon marteau, lentement, et j’essuie mes mains sur mon pantalon de lin usé.June descend de cheval avec l’aisance cérémonielle qui a toujours été la sienne. Autrefois, cette grâce calculée m’avait séduit. Elle incarnait l’ordre, la perfection du rang,
AsharLe bruit des sabots sur le chemin de terre est une intrusion, une note discordante dans la symphonie de notre matinée paisible. Je lève la tête de l’établi. Les muscles de mon dos se tendent, non par l’effort, mais par une vigilance immémoriale qui se réveille d’un coup.Serena émerge de la petite cuisine, un torchon à la main. Nos regards se croisent. Nous n’avons pas besoin de mots. La quiétude des derniers jours, tissée de silence apprivoisé et de regards chaleureux, vient de se déchirer. Ce n’est pas l’Ordre. L’énergie est différente. Plus personnelle. Plus coupante.Avant même que la silhouette ne se dessine clairement à travers les arbres, je sais. Une lourdeur ancienne s’installe dans ma poitrine, froide et familière. Je pose mon marteau, lentement, et j’essuie mes mains sur mon pantalon de lin usé.June descend de cheval avec l’aisance cérémonielle qui a toujours été la sienne. Autrefois, cette grâce calculée m’avait séduit. Elle incarnait l’ordre, la perfection du rang,
ASHARLe soleil trace des lignes dorées sur le plancher de bois. Je les observe, ces bandes de lumière qui dansent avec les poussières. Je n’ai jamais vu cela. Ou si, je l’ai vu, mais je ne l’avais jamais regardé. C’était un détail, une information visuelle sans importance. Aujourd’hui, c’est un spectacle. C’est le monde qui entre dans notre refuge et qui me dit : regarde, il y a de la beauté ici, dans le simple fait d’être vivant et allongé près d’elle.Son souffle est régulier contre mon épaule. Serena. Son nom est une prière silencieuse sur mes lèvres. Je le répète dans ma tête, m’émerveillant de la douceur des syllabes, du poids familier et pourtant toujours nouveau. Elle dort. Ses cils font une ombre fragile sur ses joues. La cicatrice argentée sur sa paume repose, ouverte, sur ma poitrine. Une carte. Une preuve.Mon corps est lourd de fatigue, mais d’une fatigue douce, méritée. Ce n’est pas l’épuisement du combat ou de la vigilance permanente. C’est l’assoupissement de celui qui
SERENA— À mon tour, dis-je, me retournant pour le face.Je prends le savon. Ses yeux me dévorent. Je commence par son torse, posant mes mains à plat sur les muscles puissants de sa poitrine. Je sens son cœur battre sous ma paume, un tambour affolé et précieux. Je lave la poussière, la sueur, les traces de son ancienne vie. Mes doigts s’attardent sur les ecchymoses, sur l’égratignure. Il ferme les yeux, un frisson le parcourant.— Ça fait mal ? chuchoté-je.— Oui. Mais c’est une bonne douleur. Une douleur qui me rappelle que je suis ici. Avec toi.Je me penche, pressant mes lèvres sur la blessure la plus profonde, goûtant le métal ténu du sang séché mêlé à l’eau et au savon. Il groyne, ses mains se referment sur le bord de la cuve, les jointures blanchissant.— Serena…Je relève la tête, nos visages sont si proches que nos souffles se mêlent dans l’air frais. L’eau ruisselle sur notre peau, creusant des sillons dans la mousse. Le monde a rétréci à cette cuve de zinc, à ce rayon de sol
SERENALa pierre froide contre mon dos. La chaleur de son corps contre le mien. L’écho de nos souffles mêlés qui résonne dans la pièce silencieuse. Nous restons ainsi, enlacés, pendant un temps qui n’appartient plus au monde, un temps suspendu dans les décombres de son empire et les fondations de notre nouveau monde.C’est lui qui bouge en premier. Il se redresse, sans vraiment me lâcher. Ses mains glissent le long de mes bras, comme pour s’assurer que je ne suis pas une illusion. Ses yeux, rougis mais clairs, scrutent mon visage.— Tu es fatiguée, murmure-t-il. Tu as mal.Ce n’est pas une question. C’est une constatation tendre, chargée d’une sollicitude qui lui est si nouvelle. La douleur dans ma paume pulse effectivement, sourde et persistante. La fatigue, l’adrénaline retombée, pèsent sur mes membres comme du plomb.— Un peu, oui.— Viens.Il ne me demande pas. Il m’invite. D’une main, il prend la mienne, celle qui est valide. De l’autre, il passe derrière mon dos, offrant un sout



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