LÉNAJe n’ai pas le temps de réfléchir, de respirer, que déjà leurs mains m’agrippent, Raphaël d’un côté, Léo de l’autre, comme si mes fuites avaient toujours été illusoires, comme si ma chair était faite pour eux et seulement pour eux. Mon cœur bat si fort que je crains qu’il ne s’échappe, que mon corps ne cède avant ma volonté. Je sens la chaleur de leurs peaux contre la mienne, la force contenue dans chaque bras, chaque doigt qui me retient et m’invite à tomber.Mes jambes vacillent, mon souffle se mêle au leur, et pourtant je ne recule pas. Parce que je sais que je ne pourrais pas, que je ne veux pas. Mes mains cherchent leur visage, tâtonnent entre le chaos et le désir, et quand je touche le menton de Raphaël, le sourire brûlant de Léo m’arrache un frisson que je ne pensais plus possible.— Léna… souffle Raphaël, et sa voix est une caresse et un ordre à la fois, un tremblement contenu qui me fait chavirer.Je ferme les yeux et me laisse emporter, incapable de lutter contre l’oura
RAPHAËLLe silence pèse comme une chape de plomb. Même les bruits de la rue semblent s’être éteints, comme si le monde retenait son souffle, suspendu à cet instant. Devant moi, la sœur se tient droite, fière, les bras croisés contre sa poitrine comme une armure de fortune. Ses yeux brillent d’un éclat dur, mais derrière cette façade, je sens les failles. Sa respiration trahit l’effort qu’elle déploie pour nous tenir tête, et plus elle parle avec fermeté, plus je perçois la peur qui pulse dans ses veines.Derrière elle, mon regard accroche celui que je cherche depuis trop longtemps. Léna. Sa silhouette fragile à demi dissimulée dans l’ombre, ses mains serrées contre son ventre, ses lèvres tremblantes, ses yeux inondés. Chaque détail me transperce. Elle est là, et je la sens m’appeler sans un mot.Léo frémit à mes côtés, incapable de contenir son feu. Son souffle est court, sa mâchoire crispée, ses mains tremblantes d’impatience.— Assez, gronde-t-il, sa voix résonne comme un coup de to
RAPHAËLJe frappe à la porte , assez forts pour réveiller toute la maison. Je sens encore les échos vibrer dans ma paume tandis que je garde le poing serré. Derrière cette porte, je le sais, elle est là. Je pourrais jurer que son souffle se mêle déjà au mien, invisible, oppressant, comme une main refermée sur ma gorge.À côté de moi, Léo brûle. Il trépigne, ses yeux fixés sur le bois comme s’il pouvait l’arracher d’un seul geste. Son corps entier tendu, prêt à bondir, comme un fauve enfermé trop longtemps. Ses poings se desserrent, se resserrent, et chaque muscle de sa mâchoire palpite sous la peau.— Elle est là, murmure-t-il, sa voix rauque d’impatience. Je la sens.Je hoche la tête. Moi aussi. Nous l’avons cherchée, traquée à travers les rues, les rumeurs, les ombres, et enfin, nous y sommes. Mais l’attente devient insupportable, chaque seconde de silence derrière cette porte est une torture, chaque respiration qu’elle prend là-bas nous échappe encore.Un bruit de pas. Légers, hési
LÉNADepuis quelques jours, quelque chose cloche dans mon corps. J’essaie de l’ignorer, de me convaincre que ce ne sont que les nerfs, que la fatigue de cette fuite, que le poids invisible de mes nuits sans sommeil, mais chaque matin je me réveille plus lourde, la gorge nouée, et mes entrailles se révoltent.Le premier malaise est arrivé un matin ordinaire, dans la cuisine. Ma sœur parlait, elle coupait des légumes, ses mots glissaient sur moi comme une pluie lointaine, et soudain le sol s’est mis à tanguer. Mes mains ont cherché le rebord de la table, ma bouche s’est emplie d’un goût amer, et j’ai couru jusqu’à l’évier pour vomir ce café à peine avalé.Elle m’a suivie, inquiète, ses yeux plissés comme si elle cherchait à deviner ce que je ne disais pas.— Léna, ça va ?J’ai hoché la tête, les larmes aux yeux, incapable de prononcer un mot. Mon ventre se contractait encore, et j’avais honte de la faiblesse qui m’écrasait.Les jours suivants, les malaises se sont répétés. Le matin, le
RAPHAËLDeux mois , deux mois de silence, de nuits blanches, d’heures avalées par le travail sans jamais parvenir à remplir le vide. Deux mois à marcher dans ce bureau comme une carcasse encore debout, à partager avec Léo ce mutisme pesant qui nous liait plus que jamais.Le détective nous avait promis de chercher, il nous avait avertis que ce serait long, qu’une disparition volontaire ne se laisse pas débusquer aussi facilement qu’une fuite éphémère, mais ses mots avaient laissé place à une attente interminable, et plus les jours passaient, plus j’avais peur que sa promesse ne soit qu’une illusion, qu’il finisse par nous avouer qu’elle s’était volatilisée pour de bon.Chaque matin, en enfilant ma chemise, je me regardais dans la glace et je ne voyais qu’un homme fatigué, rongé par un manque qu’aucun sommeil, aucun verre, aucune réussite professionnelle ne pouvait apaiser. Chaque soir, quand je retrouvais Léo dans le couloir, ses yeux cernés, ses poings fermés, je sentais la même plaie
LÉNALes jours passent, mais je ne sais plus les compter, ils s’effondrent les uns sur les autres comme des vagues qui se brisent dans un ressac sans fin, et je me laisse engloutir sans lutter, parce que lutter serait encore une façon de me tourner vers eux, et je n’ai plus le droit. Le calendrier accroché dans la cuisine de ma sœur me rappelle que le temps avance, mais pour moi il est figé, coincé dans cette nuit où j’ai fermé la porte derrière moi, où mes pas ont claqué dans le couloir comme des coups de marteau qui me brisaient le cœur.Ma sœur me répète que j’ai bien fait, que c’était la seule solution, que ces hommes allaient finir par me détruire si je restais entre eux, mais ses mots ne font que creuser davantage la plaie, parce que je sais que ce n’est pas seulement leur violence que je fuis, c’est aussi leur chaleur, leur emprise, la brûlure d’un amour que je n’ai jamais su choisir. Je l’écoute, je hoche la tête, je me laisse border de ses certitudes comme d’un manteau trop l