Chapitre 5

Grace

« Qui est cet homme et que fait-il ici ? ! » Ethan s’avance vers moi à grandes enjambées et m’attrape brutalement le bras. Sans ménagement, il me redresse dans le lit et me secoue violemment.

« C’est lui le père du bâtard que tu as perdu ? ! »

« Quoi ? ! » Mon cœur se glace. Une carapace se forme aussitôt.

« Tu comptais me faire passer cet enfant pour le mien, pas vrai ? Mais tu es une idiote si tu croyais que j’allais y croire après que le monde entier ait vu qui tu es vraiment ! »

Il rit, sans une once de chaleur.

« C’est mieux ainsi. Ce sale gosse est mort ! »

Clac !

Ma main s’écrase contre sa joue.

Son regard passe de la surprise à une rage noire.

« Comment oses-tu… ! »

« Répète encore une fois ça sur mon enfant, et je te jure, Ethan Calder, que je te tue ! Je t’écraserai comme l’ordure que tu es, et tu verras ce qu’une mère en deuil peut faire ! »

Je hurle, le doigt tremblant pointé droit sur lui.

Je veux le frapper. Lui faire mal. Mon corps tout entier tremble de colère.

Il me fixe, furieux, mais aussi… perdu.

« Toi- »

« La ferme ! » Je hurle, mes poings s’abattant sur sa poitrine, « Ferme ta grande gueule, Ethan ! T’es qu’un crétin, un abruti fini qui a cru cette garce de Lily… Tu as tué ton enfant ! Espèce d’idiot ! »

Il attrape mes poignets et les plaque contre le lit avec force.

« Qu’est-ce que t’as dit ? ! »

Je le fixe, le regard noir.

« Tu m’as très bien entendue ! Tu la mérites ! Un salaud comme toi, sans cœur, mérite une vipère comme elle ! Vous allez parfaitement ensemble ! J’espère qu’elle te videra jusqu’au dernier souffle et qu’elle t’abandonnera crever au bord d’une route. »

« Ne t’avise pas d’insulter Lily ! C’est ta sœur ! Comment peux-tu être aussi irrespectueuse envers elle ? »

Il semble secoué par ma réaction. Il ne s’attendait pas à ce que je lui tienne tête. Il pensait sûrement que j’allais pleurer, supplier, l’implorer de croire que l’enfant était de lui.

Quelle ironie !

Tout mon dévouement est parti en fumée après qu’il a vu quelques photos truquées. Mais ça ne me surprend même plus.

Ce qui me surprend… c’est d’être enfin vide. Quand je le regarde, je ne ressens plus rien.

Plus rien… si ce n’est ce souvenir obsédant : il m’a poussée. Il a causé ma fausse couche. Il m’a laissée mourir.

Je serre la mâchoire, et murmure :

« Ma sœur ? »

« Grace- »

« Elle n’est plus rien pour moi. Et toi non plus, Ethan Calder. Tu as réussi. Félicitations ! Je te hais. Je te hais du plus profond de mon être. Apporte-moi les papiers du divorce tout de suite. Je veux être libre de cette pourriture. »

Je retire violemment mes mains des siennes, glacées, et je le repousse.

« Tu veux signer le divorce ? » Ses yeux tressaillent, « C’est quoi, une ruse pour que je change d’avis ? »

Je ris. Un rire amer, creux, désabusé.

Il voulait le divorce… mais maintenant que je l’accepte, il croit que je joue la comédie ?

« Tu as tué ton enfant, Ethan. » souffle-je, la douleur revenant comme une lame en plein cœur, « Ton propre enfant, tu comprends, imbécile ? Et tu penses que je pourrais encore vouloir de toi après ça ? »

« Ce qui s’est passé est tragique, Gracie… Mais ne rends pas Ethan responsable, je t’en supplie. C’est moi la fautive. »

Lily entre précipitamment dans la chambre, agrippe le bras d’Ethan.

« Et puis… avec tous les hommes que tu fréquentes… comment être sûrs que c’était vraiment son enfant ? »

Je me fige. Mais l’explosion vient aussitôt.

« Oui, c’est TA faute. Alors va pleurer ailleurs ! Dégage ta sale tête de mon champ de vision ! » Je hurle, la regardant avec un dégoût pur.

Elle ne s’attendait pas à ça. Mais elle aurait dû.

Cette fois, c’est fini.

La Gracie qu’ils connaissaient est morte… avec l’enfant qu’ils ont tué.

Je ne peux plus supporter sa présence. Son visage me donne la nausée.

Sans réfléchir, j’attrape le vase sur la table de nuit et le lance dans sa direction.

Sans surprise, Ethan s’interpose. Le vase explose contre son dos dans un bruit sec. Il grimace de douleur. Eh bien, au moins maintenant, il sait ce que ça fait de se prendre un vase en pleine chair.

« Tu es devenue folle, Grace ? ! Tu perds complètement la tête ? ! » rugit-il, oubliant tout semblant de calme.

Je ris, sans la moindre joie.

« Folle ? Attends, Ethan, laisse-moi te montrer ce que c’est vraiment, perdre la tête. »

Je repousse brutalement la couverture et saute hors du lit. La douleur me déchire le ventre, mais je n’en ai rien à faire.

Ils vont voir. Ils vont tous voir ce que ça fait de piétiner une mère brisée.

Ils croient pouvoir venir ici, le visage haut, après avoir trahi dans mon dos, tué mon enfant et ruiné ma vie ?

Ils rêvent debout. Et il est temps qu’ils se réveillent.

J’attrape le plateau sur la table de chevet et le jette de toutes mes forces dans leur direction.

Lily hurle et court dans tous les sens comme une idiote, tandis qu’Ethan écarte les bras pour la protéger.

« Grace ! » s’écrie-t-il.

« Quel héros tu fais ! Quand ton enfant mourait, TU ÉTAIS OÙ ? ! »

Je hurle, en attrapant tout ce que je trouve.

Je ne vois plus rien que le rouge. Un rideau de rage devant mes yeux.

Je leur balance un objet après l’autre.

Ethan crie. Lily pleure. Mais moi, je continue. Je dois continuer. Je veux qu’ils tombent. Je veux que la douleur que j’ai dans le cœur, cette sensation d’avoir tout perdu, les brûle aussi.

Ethan serre les dents et fonce sur moi. Sa main saisit ma mâchoire, comme hier.

Je sens la pression. Il veut me briser.

Mais cette fois, au lieu de subir, je le gifle. Encore.

Sa tête tourne violemment sous l’impact.

Je vois la confusion devenir horreur.

« Tu crois que je suis folle ? » Je ricane cruellement, « Tu veux voir la folie ? Très bien, je vais te la montrer. »

Il tente de me maîtriser, mais ma haine est incontrôlable. Je griffe son visage, son cou. Je frappe chaque parcelle de son corps que je peux atteindre.

« Qu’est-ce que vous faites à la patiente ? ! »

Un médecin déboule, alarmé. Les infirmières suivent en courant pour tenter de m’immobiliser tandis que je continue de frapper, de donner des coups de pied. Je veux le détruire.

« Calmez-vous, mademoiselle, ou nous serons obligés de vous administrer un sédatif ! » prévient le médecin.

Je me calme brusquement, haletante, les yeux brûlants de rage. Je les fixe tous, ces visages horrifiés.

« Voilà à quoi ressemble la folie. Mais ce n’est que le début. Après aujourd’hui, vous aurez droit à la version complète. Chaque fois que vous viendrez vous pavaner devant moi avec vos têtes de rats hypocrites, je vous arracherai la peau à mains nues ! »

Lily tremble comme une feuille, cramponnée au bras d’Ethan.

Quant à lui, on dirait qu’il sort d’un champ de bataille. Son visage est couvert de griffures, du sang coule le long de son cou et de ses mains.

Une partie de moi en ressent une sombre satisfaction.

Mais une autre sait que tout ça ne ramènera pas mon enfant.

Rien ne le pourra.

Je baisse les yeux, mes doigts tremblent, mes larmes reviennent.

Et puis une voix grave résonne au fond de la pièce :

« Quel spectacle fascinant. »

Je sursaute. Tristin. Je l’avais oublié.

Je me libère doucement des infirmières, et inspire profondément pour me calmer.

« Monsieur Roberto… » Je commence.

« Tristin… ? »

La voix de Lily claque, étranglée par la peur. Son visage se décompose.

« Tu n’as pas changé, Lily. »

Sa voix est aussi froide que la glace.

« Tu… qu’est-ce que tu fais là… »

Le regard de Lily va de moi à lui, paniqué.

Ethan fronce les sourcils.

« Tu le connais ? »

« Il… il est juste une connaissance. » balbutie Lily.

« Une connaissance, vraiment ? » Tristin penche la tête, faussement blessé, « Voilà que tu refuses de me reconnaître, maintenant. Quelle tristesse… belle-sœur. »