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Chapitre 2

Author: Sylvie Vernal
Adrien et Léo ont célébré l'anniversaire de Camille d'une manière simple mais chaleureuse.

Au départ, Léo avait insisté pour faire une vraie fête, mais comme sa tante revenait tout juste de l'étranger et que sa santé était encore fragile, il n'avait pas osé insister.

Ils ont simplement promis qu'ils lui prépareraient une grande surprise pour l'année suivante.

La nuit tombée, juste avant d'aller se coucher, le père et le fils se sont aperçus que Claire n'avait donné aucun signe de vie de la journée.

Chaque soir, Claire préparait une tisane apaisante pour son mari, réglait son bain à quarante degrés, faisait brûler l'encens de bois d'ébène qu'il aimait.

Elle aidait Léo à se brosser les dents, lui faisait boire du lait chaud et massait ses jambes pour activer la circulation, afin qu'il puisse bien grandir.

Mais ce jour-là, Claire avait manqué à toutes ses habitudes, et Marcel avait dû tout faire à sa place, courant partout comme une toupie affolée.

« Marcel, c'est bien toi qui as préparé le bain ? Tu es sûr que ce n'est pas de l'eau pour faire une fondue ? » a lancé Adrien, debout dans l'embrasure de la salle de bain, son grand corps drapé dans un peignoir, les sourcils froncés.

Pris de panique, Marcel a balbutié : « Pardon, monsieur Adrien, je le refais tout de suite ! »

« Marcel ! Le lait est glacé, c'est dégoûtant ! » s'est écrié Léo, les mains sur les hanches. Père et fils, le même air mécontent, semblaient taillés dans le même moule.

« Maman me sert toujours un lait bien tiède ! »

En sueur, Marcel a répondu : « Oui, oui, tout de suite, je vais le réchauffer ! »

Claire mesurait toujours la température du lait au thermomètre, lui apportant chaque soir un verre à la chaleur parfaite.

Elle avait tant de choses à gérer chaque jour, mais trouvait toujours la patience de s'occuper de tout avec une précision irréprochable.

Adrien a secoué la tête, puis est retourné au salon.

Il s'est assis sur le canapé et a porté la tisane à ses lèvres.

La seconde suivante, un pli profond a barré son front et il a reposé lourdement le bol sur la table : « Marcel, qu'est-ce que c'est que cette tisane ? Elle est beaucoup trop fade. »

« Monsieur Adrien, d'habitude c'est Madame qui s'en occupe dès l'aube : elle laisse mijoter une décoction de plantes choisies avec soin. Tout est dosé et minuté à la perfection, et elle seule connaît la formule. »

Au bord de la panique, Marcel a ajouté : « J'ai essayé d'appeler Madame, mais elle ne répondait pas. Alors j'ai juste rallongé ce qui restait avec un peu d'eau et je l'ai remis à chauffer… »

« Claire ne répond pas au téléphone ? » Le visage d'Adrien s'est assombri, et ses yeux en amande se sont durcis d'agacement.

Léo a fait la moue et s'est écrié d'un ton mécontent : « Papa, comment Maman peut-elle ne pas être à la maison ce soir ? Sans elle, personne ne fait rien ! »

L'homme a saisi son téléphone, prêt à appeler Claire, mais la ligne a été occupée par l'appel de son secrétaire, Hugues Martin : « Monsieur Charon, il y a eu un incendie dans le département de recherche en énergies nouvelles. Les premières estimations parlent d'environ cinq millions de pertes. »

Le visage fermé, Adrien a demandé : « Et le dernier prototype de puce ? Il n'a rien ? »

« Rassurez-vous, tout va bien. J'ai appris qu'un employé l'a sauvé à temps, mais il a été blessé et hospitalisé. Heureusement, il est déjà sorti et son état n'est pas grave. »

La voix d'Adrien était glaciale. Il a épousseté son veston : « Tant mieux. »

« Voulez-vous que j'aille me renseigner sur l'identité de cette personne ? » a proposé Hugues.

« Pas la peine. Tant que la puce n'a rien, c'est l'essentiel. »

Adrien s'est tu un instant avant de reprendre : « Martin. »

« À vos ordres, Monsieur. »

Il avait pensé lui demander d'enquêter sur les allées et venues de Claire, mais le souvenir de leur échange houleux d'il y a trois jours lui est revenu.

Il n'aimait pas que sa compagne soit jalouse ou suspicieuse, encore moins qu'elle fasse des scènes.

Il se croyait irréprochable, mais depuis cinq ans, Claire n'arrivait jamais à surmonter cette histoire entre lui et Camille.

Pourtant, il lui avait répété plus d'une fois qu'il n'y avait rien entre eux ; s'il y avait dû avoir quelque chose, cela serait arrivé bien avant qu'elle ne devienne Madame Charon.

Mais cette femme continuait de douter de lui, incapable de tolérer Camille.

Le front d'Adrien s'est plissé d'agacement, sa voix s'est faite plus sombre : « Traitez correctement le suivi de l'incendie, je ne veux pas que cela attire des ennuis au Groupe Charon. »

Quant à Claire, ce soir il se sentait trop fatigué pour s'en préoccuper.

De toute façon, à part sa famille, elle n'avait nulle part où aller.

Et puisqu'elle était si attachée à lui et aimait tant leur fils, il était sûr que, dès demain matin, sa petite épouse sans courage reviendrait penaude et obéissante.

Léo continuait à râler : « Papa, quand est-ce que Maman rentre enfin ? Comment peut-elle nous laisser comme ça ? Tu devrais la punir ! »

Le visage d'Adrien s'est durci, toute l'autorité du maître de maison se lisait dans ses traits : « Léo Charon, où est passée ton éducation de jeune gentleman ? Parler ainsi est indigne de toi. »

Effrayé, Léo a refermé la bouche d'un coup.

Devant sa mère, il faisait souvent le petit démon, mais devant son père, il redevenait un poussin apeuré.

C'est alors que la montre connectée de Léo s'est mise à sonner : le nom affiché était « Ma chère Camille ».

« Papa, je remonte dans ma chambre ! C'est tata Camille qui m'appelle ! Elle me lit une histoire tous les soirs ! » s'est exclamé Léo en agitant la main avec joie.

L'homme a incliné légèrement la tête : « Vas-y, mais ne te couche pas trop tard. »

Léo a filé en sautillant jusqu'à sa chambre.

……

De l'autre côté de la ville, à la Villa Clair de Lune.

C'était l'appartement que Claire avait acheté en secret trois ans plus tôt, sans en parler à la famille Charon. L'endroit était calme, propice à la création et à la recherche.

Dans la salle de bain, Claire s'est lavée lentement, effaçant les traces de sang sur son corps, puis est retournée dans la chambre et s'est assise sur le lit.

Elle n'avait que vingt-six ans, mais après cette fausse couche, son corps, déjà affaibli depuis la naissance de Léo cinq ans plus tôt, ne s'était jamais complètement remis.

Elle a pris son téléphone : l'écran est resté muet.

A cette heure tardive, ni son mari ni son fils ne l'avaient appelée, ne cherchant à savoir ni pourquoi elle ne rentrait pas à la maison, ni si elle était en danger.

Claire a esquissé un sourire amer sur ses lèvres pâles.

Peu importe désormais. Quand elle avait épousé Adrien, le patriarche Charon était hospitalisé, la famille n'avait pas eu le temps d'organiser une grande cérémonie ; elle, trop docile, s'était contentée d'un simple repas entre les deux familles. Même les photos de mariage avaient été faites à la hâte.

Aujourd'hui, elle voulait mettre fin à ce mariage glacé comme un tombeau, en silence et sans éclat.

Soudain, le téléphone a vibré : une notification a surgi sur l'écran.

Du bout des doigts, Claire a ouvert le message : c'était la convention de divorce toute prête, accompagnée d'un mot : « Il est minuit. Joyeux anniversaire, ma demoiselle ! »

Les yeux humides, Claire a souri, émue, et a répondu simplement : « Merci. »

Un autre message est arrivé aussitôt : « Se marier ne garantit pas le bonheur, et se séparer n'est pas la fin de tout. Adrien ne te mérite pas. Lève la tête, un monde bien plus vaste t'attend. »

Claire est restée là, fixant l'écran. Des larmes ont embué ses yeux jusqu'à brouiller les mots.

*

Le lendemain matin.

Sans les soins de Claire, la maison des Charon était sens dessus dessous.

Le père et le fils se sont débattus avec le petit-déjeuner : l'un trouvait les œufs trop plats, l'autre faisait la grimace devant le goût du café.

« Papa, quand est-ce que Maman rentre ? Elle est trop bizarre ! » s'est plaint Léo, tandis que la domestique lui mettait ses chaussures.

L'enfant faisait la moue et n'arrêtait pas de se plaindre.

L'homme a froncé les sourcils : « Dépêche-toi, tu vas être en retard pour l'école. »

Léo a grommelé à mi-voix : « Avant, Maman m'accompagnait toujours à l'école. Aujourd'hui, elle ne vient pas ? Elle veut se reposer ? »

Les lèvres d'Adrien ont bougé ; tout à coup, une impression vague lui est venue : aujourd'hui devait être un jour particulier… mais il n'arrivait pas à se rappeler lequel.

« Addie ! »

Un appel doux et chantant a interrompu ses pensées.
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