Chapitre 3 Les funérailles

Point de vue d’Astrid

Mes yeux étaient gonflés, rouges et bouffis à force de pleurer sans cesse.

Ma grand-mère était le seul membre de ma famille qu’il me restait. Maintenant qu’elle est morte, je me retrouve complètement seule.

Étant la seule restante, j’ai pris en charge ses frais médicaux et je me suis occupée, seule, de tous les préparatifs pour ses funérailles.

Je n’ai jamais cessé de pleurer depuis qu’elle est morte.

Et pourtant… je me suis détestée.

À quoi bon préparer ses funérailles et verser des larmes après sa mort si je n’étais même pas là quand elle avait le plus besoin de moi ?

Dans ses derniers jours, je n’étais même pas là pour la réconforter.

Ma précieuse grand-mère ne mérite pas une petite-fille comme moi.

J’ai ravalé mes larmes en rassemblant les plats préférés de ma grand-mère pour les placer près de son cercueil.

Dans les souvenirs heureux de mon enfance, je n’étais pas seule. J’avais toujours ma mère et ma grand-mère pour m’épauler.

Mais cela n’a pas duré… Ma mère est morte, et ma grand-mère a dû porter toutes les responsabilités pour m’élever seule.

N’ayant que l’une pour l’autre, ma grand-mère et moi sommes devenues très proches. Elle était la personne la plus proche de moi, celle à qui je dois aussi ma vie.

J’ai été tirée de mes pensées quand quelqu’un a posé une main sur mon épaule. J’ai cru que c’était Killian, mais en levant les yeux, j’ai été déçue de voir Drystan.

« Toutes mes condoléances. » a murmuré Drystan en croisant mon regard.

Je lui ai adressé un léger hochement de tête. Mon cœur était trop lourd pour dire quoi que ce soit.

J’ai regardé autour de moi pour chercher Killian. Les invités s’accumulaient déjà pour présenter leurs condoléances… mais il n’était toujours pas là.

Il est mon compagnon, il aurait dû être le premier à me réconforter après la mort de celle qui m’a élevée. Il sait que ma grand-mère était ma seule famille.

J’ai attendu, longtemps, qu’il vienne, j’avais besoin de son soutien plus que jamais, qu’il me réconforte…

Mais il n’était nulle part.

Drystan s’est assis sur le siège vide à côté de moi, que j’avais laissé vacant pour Killian, espérant encore qu’il viendrait.

Je sais que Killian ne m’aime pas et qu’il ne se soucie que de Giselle… Mais après toutes ces années ensemble, je croyais qu’il ressentirait au moins un minimum de compassion pour moi, surtout après m’avoir empêchée de voir ma grand-mère une dernière fois.

J'ai perdu ma seule famille. Je pensais qu’il viendrait au moins s’excuser pour cela.

En fin de compte, j’ai été stupide d’espérer que Killian se soucierait de moi.

On s’est approché de moi pour me chuchoter : « Luna Astrid, devons-nous commencer les funérailles ? »

J’ai dégluti difficilement.

« Inutile de retarder les funérailles plus longtemps. Mieux vaut procéder tant que ceux qui se souciaient vraiment d’elle sont là. » ai-je répondu dans un murmure, mais Drystan m’a entendue, car il était assis à côté de moi.

Des larmes que je pensais avoir épuisées ont jailli à nouveau et ont coulé sur mes joues alors que le cercueil de ma grand-mère était lentement descendu dans sa tombe.

Mes épaules ont tremblé et j’ai eu le souffle bloqué - c’était la dernière fois que je pourrais la voir.

« Tiens. » a murmuré Drystan en me tendant son mouchoir. Je l’ai pris sans hésiter et l’ai utilisé pour essuyer mes larmes et ma morve sans me sentir gênée, car Drystan et moi étions proches.

Je me suis un peu raidie quand Drystan a soudain caressé mon dos pour me réconforter… Mais finalement, je me suis détendue. C’était mon ami.

Cherchant plus de chaleur, je me suis tournée vers lui et je l’ai serré dans mes bras. En ce moment, tout ce dont j’avais besoin, c’était de chaleur. Heureusement, il ne m’a pas repoussée. Au contraire, il m’a enlacée en retour et a continué à frotter mon dos doucement.

Si Drystan n’avait pas été là, j’aurais sombré dans un véritable désastre. Grâce à son étreinte et à son réconfort, une part de la douleur qui pesait sur mon cœur s’est apaisée.

Drystan ne m’a jamais quittée.

Alors que je raccompagnais les invités et recevais leurs condoléances, Drystan est resté à mes côtés, prêt à me réconforter dès que j’en avais besoin.

Les funérailles ont été terminée, et les invités sont partis. Pendant que je rangeais tout, Drystan m’a aidée en silence. Son silence était comme une étreinte réconfortante.

Sa simple présence à mes côtés m’a fait me sentir comprise, et je n’avais plus à me sentir seule.

« Merci, Drystan. » ai-je murmuré en lui adressant un mince sourire.

« Ce n’est rien, Astrid. » Il a marqué une pause. « Tout ira bien. Je suis sûr que le temps te guérira, » a-t-il ajouté en constatant la tristesse toujours accrochée à mon regard.

J’ai hoché légèrement la tête, acceptant ses paroles.

« Que s’est-il passé avec Killian ? » m’a-t-il demandé.

Il devait brûler d’envie de poser cette question, mais il avait attendu que je retrouve un peu de stabilité.

J’ai détourné les yeux et j’ai continué à rassembler les affaires restantes que j’avais achetées pour les funérailles de ma grand-mère.

Drystan ne sait rien, car je ne lui ai encore rien dit. Je n’ai pas l’intention de lui raconter quoi que ce soit non plus.

J’ai entendu des pas derrière moi, et j’ai senti une présence s’approcher. Je me suis arrêtée et je me suis retournée pour voir qui était ce visiteur tardif… et j’ai découvert que c’était Killian.

Killian semblait avoir couru sous sa forme de loup pour venir jusqu’ici. Ses cheveux étaient en désordre, et sa cravate n’était même pas correctement nouée. Il respirait si vite qu’il ne pouvait même pas parler.

Mon visage s’est fermé alors que je croisais son regard. Les funérailles étaient terminées, il n’avait pas besoin de venir. Agacée par sa présence tardive, j’ai quitté les lieux d’un pas furieux, laissant aussi Drystan derrière moi.

Killian m’a poursuivie avec un bouquet de fleurs à la main.

« Astrid, je n’ai pas pu partir plus tôt… j’avais quelque chose d’urgent à régler. »

Je me suis arrêtée et me suis tournée sur mes talons pour lui faire face.

Mes poings se sont serrés à mes côtés alors que je plissais les yeux.

« Y avait-il quelque chose de plus important que d’être aux côtés de ta compagne au moment où elle avait le plus besoin de toi ? » ai-je répliqué d’une voix tranchante.

Ses yeux ont croisé les miens, et pendant un instant fugace, une ombre de remords a traversé son regard.

Mais cela n’a pas suffi à apaiser ma colère.

« Tu sais quoi, tu n’avais même pas besoin de venir ici, » ai-je dit avec amertume. « Si seulement tu ne m’avais pas retenue cette nuit-là, j’aurais pu voir ma grand-mère pendant qu’elle était encore en vie. »

La prise de Killian sur le bouquet s’est resserrée lorsqu’il a entendu mes mots.

« Je ne savais pas que- »

« Je t’ai répété encore et encore que ma grand-mère avait besoin de moi ! » l’ai-je coupé en criant. « Tu ne m’as jamais écoutée. »

« Tout ce qui t’importe, c’est Giselle, parce qu’elle porte ton enfant ! » ai-je lâché, libérant enfin toutes les émotions que j’avais enfouies trop longtemps.

Killian est resté muet. Et quoi qu’il dise, même s’il s’excusait, ses paroles ne ramèneraient jamais ma grand-mère ni le temps que j’aurais pu passer avec elle.

Après un silence pesant, mon cœur, toujours lourd, s’est senti plus léger après que j’ai enfin dit ce que je voulais lui dire depuis longtemps.

Je l’ai regardé avec surprise lorsqu’il s’est soudain accroupi et a posé le bouquet de fleurs qu’il avait apporté sur la terre où ma grand-mère venait d’être enterrée.

« Je suis seulement venu rendre hommage à ta grand-mère. Je suis désolé d’être en retard, c’était hors de mon contrôle. » a répondu Killian comme s’il n’avait pas entendu le reste de mes paroles.

Ma respiration s’est faite courte, et une brûlure de colère a envahi ma poitrine devant son insensibilité. Après tout ce que je venais de dire… c’était tout ?

Incapable de me contenir, j’ai ramassé les fleurs et je les ai abattues sur lui, encore et encore, jusqu’à ce que les pétales volent en lambeaux.

Killian a encaissé tous mes coups sans dire un mot.

« Tu es là pour rendre hommage ? ! » ai-je hurlé. « Sais-tu à quel point elle se sentirait insultée de voir à quel point tu m’as manqué de respect ? » J’ai jeté les fleurs à terre.

« J’en ai assez. Si tu ne peux pas me donner le respect que je mérite, je peux au moins m’en accorder à moi-même, » ai-je dit d’une voix faible en me ressaisissant.

Ce n’était pas dans mes plans, mais à cet instant, j’ai senti que c’était la meilleure décision que je pouvais prendre pour moi.

« Arrêtons cette comédie et divorçons. » ai-je déclaré fermement, en regardant Killian droit dans les yeux.