Chapitre 2 Indésirable

Point de vue d'Astrid

« Je ne suis pas seulement une guerrière de cette meute, Killian. Je suis aussi ta femme et ta Luna ! Pourquoi devrais-je m'excuser auprès de ta maîtresse qui n'est même pas membre de cette meute ? » ai-je lâché en pointant un doigt rageur vers Giselle.

Killian n'a répondu que par un ricanement méprisant. Il m'a regardée d'un air moqueur, comme si j'étais une blague à ses yeux.

« Ne fais pas d'illusions ! » a-t-il répliqué avec agacement.

« Ma compagne et ma Luna ? » a-t-il questionné, me prenant de court et provoquant une douleur vive dans ma poitrine. « Sans toi, Giselle et moi ne nous serions jamais séparés. »

Mon corps s'est figé quand j'ai entendu sa réponse brutale. Je n'ai jamais pensé qu'il me tenait pour responsable de ce qui s'était passé entre lui et Giselle.

« Killian… je suis ta compagne. » ai-je rétorqué, les lèvres tremblantes.

« Une compagne que je n'ai jamais voulue ! » a-t-il crié en retour, brisant ce qu'il restait de mon cœur déjà en miettes.

« K...Killian, la Déesse de la Lune nous a choisis pour être ensemble. Comment peux-tu choisir quelqu'un d'autre plutôt que moi ? » ai-je demandé, tandis que ma louve gémissait à l'intérieur de moi.

Son rejet a porté un coup fatal à mon cœur à cause du lien de compagnon.

« Je m'en fiche ! Tout ce temps, je ne m'en suis jamais soucié ! Tu n'es qu'une simple guerrière de la meute. Si tu n'avais pas manipulé mon père pour me forcer à te marquer, j'aurais fait de Giselle ma compagne et ma Luna. »

Je me suis retenue en croisant son regard. En regardant dans ses yeux, j'ai su qu'il disait la vérité. Pendant toutes les années où nous nous sommes marqués, j'ai toujours su qu'il ne m'aimait pas, mais entendre ces mots sortir de sa bouche m'a transpercée.

« Je n'ai jamais manipulé ton père, Killian. Je ne lui ai jamais demandé de nous forcer à ce mariage. » ai-je répliqué.

« Vraiment ? Alors pourquoi mon père m'aurait-il forcé à marquer une simple guerrière si tu ne l'avais pas trompé ? ! » a craché Killian, me laissant sans voix.

Même si je disais la vérité, il était difficile de prouver mon innocence face à sa question.

« Giselle a déjà tellement souffert à cause de toi. Si tu oses de la punir davantage dans la meute… » a sifflé Killian avec une menace glaciale dans la voix, raidissant tout mon corps.

Je suis restée silencieuse, figée devant eux.

Killian pense que je maltraite Giselle.

Killian croit que je suis la raison pour laquelle lui et Giselle se sont séparés.

Killian juge que j'ai manipulé son père pour le forcer à me marquer.

En résumé, il estime que je suis une femme manipulatrice qui s'est frayé un chemin pour devenir la Luna de la meute et l'a séparé de l'amour de sa vie.

À ses yeux, je suis la méchante qui a ruiné sa vie.

« Giselle, ça va ? Tu as mal quelque part ? » a demandé Killian doucement, sa colère s'évanouissant instantanément alors qu'il s'inquiétait pour Giselle.

J'ai cligné des yeux alors que des larmes me piquaient les yeux. Killian s'est accroupi et a regardé Giselle avec une inquiétude gravée sur tout son visage, comme si elle était une poupée fragile.

Jamais il ne m'avait regardée ainsi.

« Je vais bien… mais j'ai peur. » a murmuré Giselle, les yeux embués, en agrippant la manche de Killian.

« Je suis tombée lourdement par terre. Et si quelque chose était arrivé au bébé ? Il faut que j'aille à l'hôpital pour vérifier. Je ne pourrais pas dormir tant que je ne saurai pas que le bébé va bien. » a-t-elle murmuré, les lèvres pincées.

« Ne t'inquiète pas, je t'emmène à l'hôpital. » l'a rassurée Killian avant de la soulever dans ses bras, sans poser de questions.

Ils ont quitté la pièce et se sont précipités à l'hôpital, me laissant derrière comme si je n'étais même pas là.

Mes lèvres se sont étirées légèrement alors que je regardais le calendrier.

Aujourd'hui, c'est notre anniversaire de mariage.

Personne ne s'en est souvenu, pas même lui.

J'avais prévu de lui annoncer la surprise que j'étais enceinte de son enfant, mais c'est moi qui ai été surprise à la place.

Avant que mes pensées ne s'emballent et ne me plongent dans l'amertume, j'ai nettoyé le bureau de Killian, sachant qu'il s'attendrait à le retrouver impeccable à son retour.

J'ai nettoyé le désordre que Giselle avait laissé derrière elle et, en même temps, j'ai rangé les affaires de Killian dans son bureau. Lorsque j'ai terminé, la pièce était comme neuve.

Ce n'est qu'après avoir terminé le ménage que j'ai enfin soigné ma blessure.

La plaie sur ma jambe était longue et profonde, et j'ai dû m'en occuper seule. En tant que guerrière de la meute, j'ai vu des blessures bien plus graves que celle-ci, et j'en ai eu de bien plus laides moi-même. La plupart de mes blessures, j'ai dû les nettoyer seule pour éviter l'infection.

Ça ne devrait pas être un gros problème, mais je ne pouvais m'empêcher d'exagérer ma situation à cause de Giselle. C'est encore clair dans ma tête, la façon dont Killian s'est inquiété à mort pour elle et l'a emmenée à l'hôpital pour rien.

Elle n'avait aucune blessure, mais Killian était tellement inquiet. Pendant ce temps, il se fichait éperdument de moi.

Quand j'ai fini d'appliquer de la pommade sur ma blessure et de l'envelopper d'un bandage, j'ai enfin quitté le bureau de Killian et verrouillé la porte derrière moi.

« Astrid. »

Je me suis retournée, surprise, en entendant quelqu'un appeler mon nom. Mes sourcils se sont froncés, je ne m'attendais pas à ce que quelqu'un soit encore dehors à cette heure.

« Drystan ? » ai-je répondu en voyant l'oncle de Killian debout dans l'obscurité, un sourire aux lèvres.

Les rides sur mon visage se sont effacées en le voyant et je lui ai adressé un sourire.

Drystan est toujours bienveillant avec moi. Mais que fait-il ici ?

Drystan est maintenant l'Alpha de la meute de Chantenuit.

Autrefois héritier puissant de notre meute, il a été écarté car il n'était pas l'aîné. Il a alors fondé sa propre meute, très différente des autres.

Sa meute est la seule à ne pas suivre le système de classes. Dans la meute de Chantenuit, tout le monde est égal, comme dans la société humaine. Les membres ne sont pas classés selon la puissance de son loup.

« Que s'est-il passé avec ta jambe ? » a demandé Drystan en fronçant les sourcils lorsqu'il a vu ma jambe bandée.

Rien ne lui échappait. Même dans l'obscurité, il a remarqué la blessure sur ma jambe.

« C'est l'entraînement. » ai-je menti. Je savais que s'il découvrait la vérité, il se mettrait en colère. Drystan se montrait parfois trop protecteur envers moi.

Son expression s'est durcie à ma réponse. En pleine nuit, avec une plaie encore fraîche, et juste après m'être trouvée devant la porte de bureau de Killian… difficile de croire que j'avais pu me blesser lors d'un simple entraînement.

« Tout va bien ? » m'a-t-il demandé, le visage empreint d'inquiétude.

J'ai forcé un sourire.

« Bien sûr, je suis juste fatiguée. » ai-je éludé en balayant sa question d'un geste.

Drystan n'a pas été du tout convaincu. Il savait que je mentais. Que je cachais quelque chose. Mais il savait aussi quand me laisser mes secrets.

Je me suis dit que la compagne de Drystan, quelle qu'elle soit, aurait eu de la chance de l'avoir comme compagnon… mais c'était une tragédie : sa véritable compagne était morte depuis longtemps. Et jusqu'à aujourd'hui, Drystan n'a toujours pas rencontré sa seconde chance de compagne.

« Astrid. » a appelé Drystan alors que j'étais sur le point de partir.

Je me suis retournée vers lui.

« Joyeux anniversaire de mariage. » m'a-t-il dit doucement, me prenant de court.

Mon propre compagnon n'a même pas pensé à notre anniversaire, mais lui, il s'en souvenait.

Je suis restée là, les yeux écarquillés, jusqu'à ce que Drystan me tourne le dos et s'en aille.

Pourquoi ai-je vu de la tristesse dans ses yeux lorsqu'il m'a souhaité cela ?

Mon téléphone a soudain sonné, brisant le fil de mes pensées. En voyant l'identifiant de l'appelant, mon cœur s'est mis à battre d'anxiété. C'était un appel de l'hôpital.

« Allô ? »

« Madame Sullivan, venez vite à l'hôpital, votre grand-mère… » Je n'ai pas attendu d'entendre la suite de ses mots. Je me suis immédiatement transformée en louve et couru vers l'hôpital.

Ma grand-mère était gravement malade. Je savais depuis longtemps qu'il ne lui restait que peu de temps, mais je ne m'attendais pas à ce que cela arrive si vite.

« Madame Sullivan ! Vous êtes là ! Dépêchez-vous, elle est encore en vie ! » m'a immédiatement reconnue une infirmière à mon arrivée.

« Astrid ? »

Je me suis arrêtée net. En me retournant, j'ai vu Giselle.

« Que fais-tu ici ? Tu viens encore nous causer des ennuis ? » a-t-elle lancé avec un regard furieux.

Je ne m'attendais pas à ce que Killian amène Giselle au même hôpital où ma grand-mère était admise.

Il ne me restait que peu de temps, alors je l'ai ignorée.

« Hé ! Je te parle ! Tu n'as pas entendu ce que j'ai dit ? ! » a hurlé Giselle derrière moi.

Je me suis mordu la lèvre inférieure, anxieuse, en voyant que l'ascenseur était encore bloqué à un étage supérieur. Je n'avais pas le temps d'attendre, alors j'ai couru vers l'escalier.

« Astrid ! » a hurlé Giselle en me poursuivant, répétant mon nom.

« Comment oses-tu ? ! Tu ne peux pas m'ignorer comme ça ! » J'ai sursauté lorsqu'elle m'a soudain attrapée par le bras et m'a forcée à lui faire face, me faisant presque perdre l'équilibre.

« Giselle, je dois y aller, » ai-je dit fermement en la regardant droit dans les yeux.

J'ai arraché mon bras de son emprise, mais je ne m'attendais pas à ce qu'elle profite de l'occasion pour simuler une chute.

Giselle a poussé un cri en dévalant les escaliers. Je l'ai regardée, choquée, ne sachant pas quoi faire.

« G...Giselle… » ai-je balbutié en la voyant se tordre sur le sol. Mais avant même que je puisse me tourner pour l'aider, quelqu'un est arrivé en trombe.

« Giselle ! » a crié Killian en se précipitant vers elle.

« K...Killian… » La voix de Giselle tremblait alors que du sang coulait le long de sa robe.

Le souffle de Killian s'est coupé lorsqu'il a réalisé que leur bébé était en danger.

Après avoir vu le sang, il m'a lentement regardée avec un regard meurtrier dans les yeux.

Un frisson glacé m'a traversée. Jamais je n'avais vu Killian regarder qui que ce soit avec une telle haine.

« Je… » Ma voix a tremblé.

« Killian, elle m'a poussée ! Elle a essayé de me tuer, moi et notre bébé, » a pleuré Giselle en s'accrochant à Killian. « Ne la laisse pas partir ! Et si quelque chose de grave arrive au bébé et qu'elle essaie de s'en tirer ? »

Ma mâchoire s'est décrochée en entendant les paroles de Giselle.

Killian a hoché la tête. « Astrid, tu dois rester jusqu'à ce que je m'assure que Giselle et notre bébé vont bien. Et pour ce que tu as fait à Giselle, tu seras punie comme il se doit. »

« Killian, ma grand-mère est en danger, elle a besoin de moi ! » ai-je lancé en m'élançant vers lui.

« Arrête tes excuses ! Tu ne partiras pas tant que je ne l'aurai pas décidé. » a martelé Killian.

Des médecins et des infirmiers sont arrivés pour emmener Giselle en salle d'urgence.

« Killian, ma grand-mère m'attend. Elle est en train de mourir. » Des larmes ont coulé sur mes joues alors que je suppliais Killian, mais il n'a même pas daigné me regarder.

Ses yeux ne voyaient que Giselle.

Désespérée de rejoindre ma grand-mère, je suis tombée à genoux devant lui.

« Killian… je t'en supplie… laisse-moi juste la voir avant qu'elle ne parte… »

« Tu sais qui d'autre est en train de mourir ici ? C'est Giselle. Et c'est à cause de toi ! Tu ne partiras pas tant que je ne l'aurai pas dit, c'est clair ? » a-t-il répondu froidement.

Des larmes ont brouillé ma vision alors qu'il m'a poussée, me faisant tomber au sol.

Pendant que ma grand-mère mourait, j'étais là, forcée de rester avec eux pour rien.

« Giselle et son bébé sont hors de danger, » a annoncé le médecin après un examen approfondi de Giselle.

À ces mots, je me suis précipitée vers la chambre de ma grand-mère, espérant la trouver encore en vie… une dernière fois.

« Ma… mamie… » ai-je murmuré, la voix tremblante, en entrant dans la pièce pour découvrir son corps froid et rigide étendu sur le lit.

J'ai eu l'impression que le monde s'arrêtait, alors que le bip du moniteur cardiaque remplissait mes oreilles… Une ligne plate. Un rappel cruel que j'étais arrivée trop tard.

« Mamie ! » ai-je hurlé en me jetant sur son corps sans vie.

Tout ce que je pouvais faire était pleurer, car elle était partie.

À cause de mon compagnon, je n'ai pas pu voir ma grand-mère bien-aimée une dernière fois.