Se connecterMarc arrive au service de sécurité de l’entreprise sans prévenir. Il pousse la porte de la salle de contrôle d’un pas militaire ; l’endroit est une ruche de moniteurs, d’écrans qui affichent en boucle des couloirs, des portes automatiques, des entrées de parking. L’air est climatisé, l’odeur du café est entêtante. Trois techniciens tournent la tête. L’un d’eux, jeune, lunettes sur le nez, se lève aussitôt.—Monsieur Jordan ? fait il, surpris.Marc ne répond pas tout de suite. Il ferme la porte derrière lui d’un geste sec, jette un regard circulaire, puis fixe le responsable qui s’approche en ralentissant.— Montrez moi immédiatement les caméras du couloir du bureau d’Isadora jusqu’au parking. Toute la séquence depuis hier soir minuit jusqu’à cinq heures du matin, dit il, la voix tranchante.Le responsable, un homme carré, professionnel, hoche la tête, éteint machinalement sa cigarette électronique, et tape une commande sur le clavier. Les écrans se réorganisent. L’un d’eux s’agra
La feuille est encore froide dans la main d’Isadora quand elle la replie une dernière fois. Elle l’a lue trois fois de suite, mot par mot, comme on relit un venin pour s’en persuader. Les phrases sont crues, précises sans être attachées à un nom : « Vous l’avez poussée… vous avez regardé sa tête heurter le marbre… » Une certitude sèche s’installe en elle — non pas la certitude de la culpabilité (elle sait ce qu’elle a fait), mais la certitude d’être découverte.Elle dépose la lettre sur le coin du bureau d’Isadora, soulève son manteau sur une épaule et descend l’escalier de la société d’un pas trop rapide pour être naturel. Le couloir sent la climatisation et le cuir des fauteuils. Les employés la saluent à peine ; ils ont appris à ne pas s’attarder quand madame Wood a cette expression-là cette expression où la colère et la peur se mêlentLa porte du bureau de Marc est fermée. Isadora frappe, sans attendre la permission, et entre. Lui est là, debout derrière son grand bureau en aca
Claire serre les poings. Sa voix se fait froide, précise.— Comment il a pu produire des enregistrements ? Qui a eu accès aux fichiers originaux ?Miguel plonge la main dans son sac, en sort un carnet jauni et le tend à Claire.— Le notaire utilisait un petit service interne de sauvegarde électronique. J’ai tenté de demander les logs, les accès, tout. Les serveurs montrent des connexions depuis des IP légitimes celles du cabinet. Mais il y a quelque chose d’autre : des suppressions programmées, des altérations horodatées quelques heures après la signature. Autrement dit, quelqu’un qui savait exactement où chercher a modifié l’empreinte numérique.Claire lit les notes, ses doigts tremblent. Chaque ligne confirme que la clause du testament la renonciation d’Isadora à toute part, la voie choisie par Claire n’existe plus dans la version finale. À la place, une disposition subtile et technique avantage Marc. Elle sent l’air manquer autour d’elle.— Ils ont pensé à tout, souffle Miguel
Elle plie la feuille avec soin, sans replier son message : le pli doit être net, l’écriture doit rester lisible mais ne doit pas révéler son identité. Elle glisse la lettre dans une enveloppe qu’elle scelle d’un geste rapide. Avant de sortir, elle regarde Miguel dormir à l’ombre de la lampe ; il dort d’un sommeil lourd, la mâchoire encore contractée, un pansement sur la lèvre. Elle hésite une seconde à le réveiller a le prévenir qu’elle va jouer au chat et à la souris avec la famille Durnel mais elle sait qu’il ne comprendrait pas, ou qu’il mpaniquerait. Elle décide que pour l’instant, c’est son risque à elle.La nuit dehors mord la peau quand elle quitte l’appartement. L’air est vif, la ville presque vide, et chaque pas la rapproche d’un lieu qu’elle a foulé tant de fois, la villa Durnel — ce palais de marbre et de fausses consolations. Elle sait où poser l’enveloppe pour qu’on la trouve vite : devant la grande baie vitrée ml du bureau d’Isadora au siège du groupe. C’est exposé, hu
Un silence s’abat, lourd, presque suffocant. On entend au loin le bruit des téléphones qui sonnent, des pas dans le couloir, mais ici, dans le bureau, le monde semble figé. Marc la fixe comme s’il voulait lire au-delà des mots, comme s’il cherchait la faille qui prouverait qu’elle ment.— Alors, c’est ça ? dit-il enfin, la voix rauque. Je… je ne compte plus ?Claire baisse les yeux, volontairement, pour jouer l’humilité, la fermeté sans arrogance.— Ce n’est pas une question de compter ou pas. Vous êtes mon patron. Nous devons rester professionnels. Et moi… j’ai choisi Miguel.Le souffle de Marc se fait plus lourd. Il se redresse, fait les cent pas dans le bureau, incapable de rester en place. Ses poings se ferment et s’ouvrent comme pour retenir une impulsion de frapper. Finalement, il se retourne vers elle, son regard plus sombre que jamais.— Tu crois vraiment que c’est fini ? murmure-t-il, presque en grondant. Que je vais rester là, assis, à te regarder construire quelque cho
— arrête donc de me prendre pour une idiote !, Marc. Et je ne l’emmène pas encore, on peut gérer ici. Mais écoute-moi bien : tu n’as pas le droit de poser la main sur lui. Tu comprends ? Il est… important pour moi. Et si jamais tu touches encore Miguel, je ferai tout pour que la vérité sorte.Marc reste silencieux un long moment. La respiration à l’autre bout du fil change ; elle sent qu’il pèse ses mots. Il ne sait pas qu’il parle à Claire, à la véritable femme qu’il a cru faire disparaître ; pour lui, c’est Nora, vulnérable, exposable.— Nora… souffle-t-il, d’un ton qui cherche l’apaisement. Je n’ai pas voulu… ce n’était pas prévu. C’était… un avertissement.— Un avertissement qui a laissé un homme en sang, réplique Nora Claire sans ciller. Tu as dépassé les limites. Si tu recommences à mettre tes pattes sur mon fiancé, je te promets que je ferai ce qu’il faut. Je ne plaisante pas.Les doigts de Marc serrent le téléphone ; elle l’entend respirer plus fort, chercher un mot. Son t







