AlbaTout est lumière., mais une lumière crue , impitoyable.L’or coule des lustres comme du sang figé, le cristal capte chaque reflet pour le renvoyer comme une flèche, et les diamants aux cous des invitées scintillent plus fort que leurs sourires figés.La villa n’est plus une demeure , c’est un piège tendu avec soin.Un théâtre de marbre et de poison.Et moi, au centre.Offerte , exhibée , sacrifiée.Ou du moins, c’est ce qu’ils pensent.Ma robe noire, L’Épée, fend la salle en deux à chaque pas.Noire, tranchante, asymétrique. Une épaule dénudée, comme une provocation. Comme une faille volontaire.Je suis l’arme sous l’écrin.Les regards m’évaluent.Certains me désirent.D’autres me craignent.Tous me sous-estiment.Et moi, je les observe.Chaque mimique. Chaque toast. Chaque œillade . Le mensonge suinte de leurs gestes, mais moi aussi, je mens à la perfection.Mes parents me regardent , fiers de moi .Les invités affluent.Par vagues d’odeurs trop fortes, de compliments trop poli
AlbaLe matin est clair , trop clair.Ce genre de lumière qui tranche plus qu’elle n’éclaire.Tout ici brille.Le marbre, les vitres, les serviteurs en uniforme impeccable.Même les ombres semblent calculées.Je suis dans la véranda.Immobile.La robe ivoire flotte autour de moi comme un mensonge bien taillé.Silhouette figée, cœur verrouillé.Aujourd’hui, deux mondes vont s’entrechoquer.Sandro revient.Et il va rencontrer mes parents.Ceux qui m’ont recueillie, aimée .Ceux qui ne me reconnaîtront peut-être plus.Un garde s’approche.Une seule phrase, presque un murmure :— Le boss est là.Il entre comme on entre dans une pièce qu’on possède déjà.Aucun bruit de pas.Rien que l’énergie compacte, foudroyante, qu’il transporte avec lui.Sandro De Santis : Costume bleu nuit, chemise ouverte juste ce qu’il faut.Pas de cravate. Il n’en a pas besoin.C’est le genre d’homme qui n’a pas besoin de hausser le ton pour qu’on se taise.Ma mère se redresse aussitôt, un sourire trop large au coi
AlbaLe jet atterrit en douceur sur la piste privée, avalé par le silence de ce monde qui ne dort jamais mais sait se faire discret.Pas de paparazzi ni de curieux.Rien que le bruit feutré des moteurs, le souffle lourd du soir, et la lueur crue des projecteurs sur le tarmac.Ce genre de nuit où tout semble suspendu , trop calme , trop net.Je suis là, droite, immobile, comme une statue de verre noir.Un manteau long, structuré, fermé jusqu’à la gorge. Pas par pudeur. Par stratégie.Chaque détail compte. Surtout ce soir.Mon regard se fige sur la porte du jet.Elle s’ouvre avec ce soupir métallique qui annonce toujours plus qu’une simple arrivée.Et je les vois.Luisa descend la première, bien sûr.Talons trop hauts pour la piste, lunettes surdimensionnées dans la nuit, brushing indestructible.Elle a choisi la version luxe de la maternité toujours.Sa robe est trop chic pour un simple vol, son collier de perles trop ostentatoire, et son sourire…Ce sourire-là essaie de dire “Je suis
AlbaLe combiné est froid contre ma paume moite.Sandro est là, immobile derrière moi, tel un prédateur silencieux.Il ne dit rien, mais ses yeux brûlants ne quittent pas mon dos.Comme un poids invisible, ils pèsent sur chaque respiration.— Tu vas les appeler. Maintenant, murmure-t-il, sans se retourner.Son ton n’est pas une question.C’est un ordre.Je ferme les yeux une seconde, rassemble mes forces, puis baisse la voix.— Très bien , mais tu n'es pas obligé de faire la police derrière mon dos .Quelques sonneries plus tard, une voix familière, douce, fragile, perce le silence.— Alba ? C’est toi ?Luisa , ma mère adoptive.Sa voix tremble, fatiguée par l’inquiétude.— Maman, c’est moi.Un soupir, comme un souffle de soulagement.— Oh, ma chérie… Tu nous as fait peur.On ne t’a plus eu au téléphone depuis des semaines.Je serre les dents, ne sachant par où commencer.— Je suis désolée. J’aurais dû donner plus de nouvelles.Mais… c’était compliqué.Un silence lourd s’installe, cha
AlbaJe pensais que la pire des prisons, c’était celle qu’on voyait.Les barreaux. Les chaînes. Les portes fermées.Mais celle-ci…Celle où je suis maintenant…Elle est faite de soie.De champagne.De regards complices.De luxe programmé.Et je n’ai jamais été aussi seule.Le matin se lève comme une pièce de théâtre.Rideaux automatisés. Lumière tamisée. Café préparé à l’heure exacte.Tout est calibré. Sans âme.Et c’est justement ce qui me donne la nausée.Je vis dans un décor parfait pour photos officielles.Mais chaque centimètre carré transpire la mise en scène.Même l’air a une odeur de trahison.L’appartement est vaste, lumineux, surplombant la ville comme un trône.Mais je n’y vois qu’une cage high-tech.Pas de coins sombres. Pas d’angles morts.Les miroirs sont trop bien placés.Les murs, trop lisses.Le personnel, invisible… ou plutôt trop discret.Je sais ce que ça veut dire.Je reconnais la surveillance quand elle me caresse la nuque.Alors je me déplace lentement.Je lis à
AlbaJe suis restée dehors plus d’une heure.À marcher. À tourner en rond. À ne pas céder.À sentir le poison s’infiltrer sous la peau.Ils veulent que je m’habitue.Que j’apprenne à donner des ordres. À déléguer la violence.À m’asseoir à leur table avec du sang sous les ongles et un sourire aux lèvres.Ils veulent faire de moi leur miroir.Mais je suis flic.Je suis flic.Même si tout le monde m’a oubliée.Et c’est justement pour ça qu’ils devraient se méfier.J’ai fini par rentrer.Pas à mon ancien appartement. Pas dans l’un de leurs lofts aseptisés.Non. Un hôtel discret, tenu par une vieille connaissance. Quelqu’un qui ne pose pas de questions. Qui a encore quelques dettes envers moi.Je verrouille la porte. Deux fois.Je cale une chaise sous la poignée.Je garde mes bottes aux pieds.Et je compose le numéro.Une seule sonnerie.Puis une voix. Râpeuse. Méfiante. Masculine.— T’as mis le temps.Je ne dis rien tout de suite.Parce que cette voix, je la reconnais.Silvio Moresco.An