Chapitre 3

J'ai repoussé les deux guerriers de toutes mes forces.

« Dégagez de là ! » La panique me donnait une force que je ne m'étais jamais connue.

J'ai pris Gauthier dans mes bras et j'ai couru vers la grille principale comme une folle.

Il me semblait plus léger… Sa respiration se faisait de plus en plus faible.

Derrière moi, une traînée d'un rouge effrayant marquait notre passage.

« Tiens bon, mon ange. Maman t'emmène voir un docteur. »

J'atteignais le parking, mes mains tremblaient en tentant d'ouvrir la portière.

J'enfonçais la clé dans le contact. Je la tournais.

Rien.

« Non, non, non… » Je recommençais, encore et encore.

Le moteur a crachoté… puis s'est éteint dans un silence sinistre.

Quelqu'un avait saboté ma voiture.

L'image du visage triomphant de Sophia s'est imposée dans mon esprit.

« Sal*pe… » crachais-je, serrant Gauthier contre moi avant de repartir en courant.

Il me fallait une autre voiture. Je devais supplier quelqu'un, n'importe qui.

Mais à l'entrée du jardin, une scène m'a brisé le cœur.

Adrian, à genoux devant Sophia, essuyait tendrement une larme au coin de son œil.

« Ça va aller, n'aie pas peur, » murmurait-il d'une voix plus douce que je ne l'avais jamais entendue. « Cette folle ne t'embêtera plus. »

« Adrian, je t'en supplie ! » Je suis tombée à genoux devant lui.

Gauthier, inconscient, gisait dans mes bras, le visage blanc comme un linge.

« Sauve-le ! C'est ton sang ! Il t'appelle Papa depuis huit ans ! »

Mes larmes embuaient ma vue, mais je voyais très clairement qu'Adrian ne daignait même pas jeter un regard à Gauthier.

« Assez, Hélène. Ton petit numéro est pathétique. »

Je serrais mon fils mourant contre moi, sanglotant au sol.

Et lui, il appelait ça un numéro ?

« Il va mourir ! Il n'a que huit ans ! »

« Un enfant de mon sang ne meurt pas aussi facilement, » répondait Adrian en se relevant pour épousseter son pantalon. « Je sais que tu es jalouse de Sophia et moi, mais tu n'as pas besoin d'inventer des mensonges aussi tordus. »

« Madame, je vais vous aider. »

La voix d'un jeune homme m'a tirée de ma détresse.

Théo, le Bêta d'Adrian, s'était approché.

Sans attendre mon accord, il a pris Gauthier avec une douceur infinie.

« Vite ! Montez en voiture ! »

Le véhicule fonçait à travers la nuit.

Je tenais mon fils contre moi, sentant sa vie s'échapper à chaque seconde.

Son corps devenait plus froid. Sa respiration, presque inexistante.

« Plus vite… s'il vous plaît… »

« Je suis déjà à fond, » répondait Théo, tendu. « Tenez bon, on y est presque. »

Mais comme si le sort s'acharnait… nous étions un accident juste devant les urgences.

« Luna, je m'occupe de l'accident ! Amenez Gauthier au docteur ! J'ai promis à l'Alpha de vous protéger ! »

« À l'aide ! Un médecin ! »

Je n'écoutais plus rien.

Je saisissais mon fils ensanglanté et courais à l'intérieur.

Les lourdes portes se sont refermées derrière moi.

La lumière rouge au-dessus de la salle d'opération s'allumait.

Je m'effondrais sur une chaise glaciale, les mains couvertes du sang de mon enfant.

Il était encore chaud… comme s'il m'avait parlé dans mes bras une minute plus tôt.

Soudain, la voix d'Adrian résonnait dans ma tête, via le lien mental.

Je prenais une grande inspiration et répondais.

« Hélène, où es-tu ? » Son ton était précipité, comme s'il essayait de m'amadouer. « Je sais que tu es bouleversée. Je ne m'attendais pas à ce que ma mère fasse ça. Mais crois-moi, ce n'est qu'une mesure temporaire ! »

« Temporaire ? » Ma voix n'était plus qu'un souffle rauque.

« Pour le bien de la meute, je dois m'unir à Sophia. Mais je te le jure, mon cœur est à toi. Une fois que j'aurai consolidé ma position d'Alpha… »

Le bien de la meute ?

Mon fils se battait pour sa vie, et lui me parlait de politique ?

« Ton fils est en train de mourir ! »

« Ça suffit ! Arrête de me faire du chantage avec ça. Il a du sang de loup-garou, il guérira. Il n'est pas en réel danger. »

J'ai entendu une porte s'ouvrir de son côté.

Il avait oublié de fermer le lien.

« Mon cœur, cette folle t'a encore embêté ? » La voix de Sophia était mielleuse, venimeuse.

« Non, mon amour, » répondait Adrian avec tendresse.

« Tu es si malin, à l'avoir trompée avec cette fausse marque pendant tout ce temps, » gloussait Sophia. « Si je n'avais pas eu mes affaires à régler en Europe, tu n'aurais jamais eu à jouer à la petite famille avec elle. »

Jouer à la famille.

Encore ce mot.

« Hélène n'était qu'un bouche-trou pendant ton absence, » soufflait Adrian, haletant, probablement perdu dans les baisers de Sophia.

« Maintenant que j'ai obtenu ce que je voulais d'elle, il est temps de la dégager. »

« Et le petit ? Tu n'auras pas de remords s'il meurt vraiment ? »

« Remords de quoi ? » ricanait Adrian. « Ce n'est qu'un bât*rd. Il n'est pas une menace. Tout ça, c'est juste une mise en scène d'Hélène. »

Les larmes coulaient à flots sur mon visage. J'ai coupé le lien.

Je ne pouvais plus écouter.

Huit ans.

Toute cette union n'avait été qu'un mensonge soigneusement orchestré.

Tout ce que j'avais sacrifié pour lui… ne comptait pas.

J'étais juste une remplaçante. Un jouet.

Et mon fils, ce petit garçon qui me demandait chaque jour « Quand est-ce que Papa rentre ? », n'était pour lui qu'un bât*rd.

Les portes des urgences se sont ouvertes.

Un médecin ôtait son masque et s'avançait vers moi, le regard plein de compassion.

« Je suis désolé. On a tout tenté… Mais l'enfant a perdu trop de sang. Et… il n'avait pas les capacités de régénération d'un loup-garou… »

Un hurlement primal de douleur déchirait ma gorge.

Je me suis jetée sur le corps sans vie de Gauthier.

Pendant huit longues années, il avait vécu comme un paria, rejeté par la meute de son propre père.

Je voulais juste l'entendre m'appeler Maman une dernière fois.

Mais il était là, silencieux.

Son petit visage si doux, vidé de toute couleur… comme s'il n'avait jamais vraiment existé.

Et alors, portée par une rage et un chagrin absolus, le sceau ancien qui étouffait ma puissance depuis huit ans volait en éclats.

Un pouvoir d'Alpha pur et ancestral a explosé hors de moi, si puissant que tous les loups-garous de l'hôpital sont tombés à genoux, terrifiés.

Je restais là, à serrer mon fils contre moi, et je pleurais toute la nuit.

À l'aube, je téléphonais à mon père, la voix tremblante, pour qu'il s'occupe des funérailles de Gauthier.

Puis je suis rentrée chez moi, serrant les derniers souvenirs de mon fils.

La médaille brisée que j'avais récupérée dans la poubelle. Et sa peluche préférée.

Mais en ouvrant la porte… l'odeur entêtante, enchevêtrée, d'Adrian et Sophia m'assaillait comme une gifle.

Ils avaient osé…

La nuit où mon fils était mort, chez nous, ils célébraient leur victoire.