Six ans d'amour vaincus par une âme sœur

Cela faisait six ans que Sylvain et moi étions mariés, et notre fille Béatrice avait déjà cinq ans. Pourtant, en public, il se présentait toujours comme célibataire.

Je savais pourquoi. Il avait honte de moi, une femme qu'il avait jadis prise en pitié, une incapable qui ne méritait pas de figurer à ses côtés.

Et maintenant, le voilà qui affichait sans complexe sa relation avec Céline. Mon cœur se serrait, à la fois glacé et meurtri.

J'ai serré Béatrice contre moi pour la réconforter : « Ce n'est rien, Noël, ce sera juste toutes les deux ! »

Béatrice, mature pour son âge, a pris mon visage entre ses petites mains et m'a tendu un dessin : « Joyeux Noël, maman ! »

Elle y avait représenté notre famille de trois, mais le visage de Sylvain était dépourvu de sourire.

D'ailleurs, il n'avait jamais eu un regard tendre pour Béatrice, encore moins un rire.

En contemplant ma fille, je ne ressentais que de la culpabilité.

Malgré son jeune âge, elle faisait preuve d'une sagesse bouleversante. Elle est restée éveillée pour partager le repas avec moi avant de s'endormir dans mes bras.

Après l'avoir couchée et bordée, j'allais jeter les plats figés par le froid lorsque Sylvain a franchi la porte.

Mon geste s'est interrompu net. Il a froncé les sourcils : « Tu n'es pas encore couchée ? Je t'ai dit de ne pas m'attendre. À part ça, tu sais faire autre chose ? On dirait une épouse délaissée de mélodrame ! »

Ses reproches tombaient, comme toujours. Autrefois, j'aurais tenté de me justifier. Mais cette fois, je me suis contentée d'un hochement de tête : « Je vais me coucher. Je jetais juste les restes. »

Et, sans hésitation, j'ai balancé l'intégralité du dîner préparé dans la poubelle.

Sylvain en est resté bouche bée. Il a ouvert la bouche, puis s'est tu.

Une fois la cuisine rangée, je me suis retirée directement dans la chambre.

Nous dormions séparément depuis longtemps. Dès la naissance de Béatrice, Sylvain avait prétexté les pleurs nocturnes pour aménager sa propre chambre.

Évidemment, c'était aussi moi qui m'occupais seule de l'enfant.

Ce soir-là, contre toute attente, il est venu frapper à ma porte.

Stupéfaite, j'ai demandé : « Oui… ? »

Il a hésité longuement avant de lâcher : « Demain, tu m'accompagnes chez les Naudé. Prépare-toi. »

Il a tourné les talons, mais s'est ravisé, comme s'il avait pensé à quelques choses : « Et ne pas me ridiculiser avec ta mise minable. »

J'ai souri amèrement : « Entendu... »

Sa famille ne m'appréciait guère. À chaque visite, ils m'accueillaient avec sarcasmes et regards méprisants.

Sylvain, PDG arrogant, trônait en maître dans son entreprise. Moi, j'étais la tache sur son prestige, celle qui le faisait rougir devant les ricanements de ses cousins.

Pourtant, c'était lui qui m'avait choisie comme épouse. Si c'était à refaire, je ne répéterais certainement pas cette erreur.

Mais maintenant, il y avait Béatrice. Je devais penser à elle avant tout.

La nuit était blanche. Dès l'aube, j'ai pris ma fille avec moi pour acheter des cadeaux pour ses grands-parents. Folle de joie, Béatrice a sorti toutes ses économies.

Au centre commercial, son regard était immédiatement attiré par une pipe en racine de bruyère.

« Maman, prends celle-ci ! Papi adorera », a-t-elle proposé.

J'ai acquiescé. Le modèle aurait effectivement plu au père de Sylvain, d'autant qu'il portait la signature d'un maître sculpteur. Un peu cher, mais dans nos moyens.

J'ai demandé à la vendeuse de nous la montrer. Plus nous l'examinions, plus elle nous plaisait. Mais au moment de payer, une voix familière a retenti derrière moi :

« Xavier, arrête de courir ! »

C'était elle !

Je me suis retournée et ai vu Sylvain, le bras enlacé à une femme. En m'apercevant, son expression s'est figée.

« Liliane ? Que fais-tu ici ? » m'a-t-il demandé, impatient.

Sans même attendre mes explications, il a grondé : « Tu me suis encore ? Et cette fois avec ta fille ? Liliane, quand vas-tu arrêter tes enfantillages ? »

À ses côtés, Céline a souri avec condescendance : « Sylvain, ne t'énerve pas. Elle doit juste s'inquiéter pour toi. »

« De l'inquiétude ou de la méfiance ? Quel mauvais goût ! »

J'allais me justifier quand il a levé les yeux au ciel. Voyant son exaspération, j'ai renoncé à me défendre.

Mais je ne voulais pas que Béatrice subisse ce malentendu.

« Nous sommes venues acheter un cadeau », lui ai-je dit calmement, « nous ne te suivions pas. »