Perdre à jamais mon amour

Épouser un homme volage m'a fait grandir émotionnellement.

En voyant que les mouchoirs dans ma main diminuaient, cette phrase m'est venue sans raison.

La jeune femme assise en face de moi s'appelait Isabelle Dubois, elle était en quatrième année d'université.

Depuis qu'elle était entrée, elle avait pleuré pendant deux heures.

Depuis le début de sa relation ambiguë avec Lucien, ils n'avaient été ensemble qu'un mois.

Elle n'aurait en réalité pas dû être si triste qu'elle en ruine son maquillage.

J'ai ouvert la bouche pour la consoler, mais elle m'a soudain regardée les yeux rougis.

« Il a dit que je te ressemblais un peu, et c'était vrai. »

Je suis restée un instant figée, aucune des maîtresses précédentes de Lucien n'avait jamais dit ça.

Isabelle a reniflé et a essuyé le coin de ses yeux.

Son ton était sarcastique.

« Je n'ai certainement pas besoin de tes consolations, tu es bien plus pitoyable que moi. »

N'était-ce pas vrai ?

Tout Merville savait que Lucien avait épousé une femme vertueuse.

Sa femme avait été trahie encore et encore, et devait en plus consoler les autres femmes pour lui.

Chaque fille qu'il fréquentait après notre mariage, je la considérais comme l'ex de Lucien.

Je ne prenais plus en compte l'honneur que m'octroyait mon statut d'épouse légale.

Mon téléphone a vibré, c'était un message de Lucien.

« Ce n'est pas encore fini ? Le film va commencer. »

J'ai posé le téléphone sur la table et j'ai croisé les yeux encore rougis d'Isabelle.

« Dis-moi ce que tu veux comme compensation, je t'aiderai à l'obtenir. »

J'avais répété ces mots des centaines de fois, avec l'habileté d'un DRH procédant à des licenciements.

Elle a soufflé, puis s'est levée d'un bond.

« Je ne veux rien. »

J'ai soupiré, « Tu devrais quand même vouloir quelque chose. »

De l'argent, une voiture, une maison, quelque chose de concret à tenir entre les mains.

Son regard est devenu encore plus glacial.

Elle a levé la main et a lentement versé le café glacé sur ma tête.

« Je suis enceinte. »

« Je vais garder cet enfant. »

Je l'ai regardée sans un mot, sans essayer de la convaincre.

J'ai essayé de laisser passer un sourire amer, imperceptible.

Lucien, tu n'as tenu aucune de tes promesses.

Je me suis installée côté passager, trempée, tandis que Lucien était au téléphone.

Il n'a rien caché, et je savais qu'il avait une nouvelle maîtresse.

Mes mains se sont crispées sur la ceinture de sécurité, mes doigts me faisant mal.

Je ne savais pas ce que cette femme avait dit, mais il a ri, et des rides fines sont apparues au coin de ses yeux.

« D'accord, d'accord, ce soir je serai avec toi. »

Il a raccroché, a démarré la voiture, et m'a regardée en inclinant légèrement la tête.

Sa main sur le volant s'est crispée, et son visage s'est assombri.

« Elle t'a renversé du café ? »

J'essuyais mes cheveux goutte à goutte avec des mouchoirs.

Peut-être voyant mon silence, il s'est penché pour prendre les mouchoirs.

« Ne bouge pas. »

Je me suis instinctivement reculée, mais il m'a tirée dans ses bras.

Il a essuyé avec soin, mais son front était froncé et son visage sombre.

« Et tu restes là sans bouger pendant qu'elle te renverse du café ? »

« Claire Laurent, tu n'as plus cette audace d'autrefois ? »

Autrefois…

Depuis ma rencontre avec Isabelle, ce sentiment de flottement s'était progressivement installé dans mon cœur.

Je me suis dégagée de ses bras avec un visage impassible et j'ai dit doucement :

« Je ne peux pas me fâcher contre une femme enceinte, n'est-ce pas ? »

Son visage était gêné, mais il continuait obstinément à essuyer.

Par la suite, nous n'avons pas échangé un mot, il conduisait et je regardais par la fenêtre.

Du coin de l'œil, je pouvais le voir me scruter de temps en temps.

Des ondulations se formaient dans mon cœur, cercle après cercle.

Ma déception avait dépassé le désespoir, il ne restait que de la torpeur.

J'ai regardé le film distraitement, Lucien étant presque toujours penché sur son téléphone.

La prétendue solennité de notre anniversaire de mariage s'était effondrée en ruines avec le générique de fin.

Et le comble, c'était qu'après le film, je devais encore m'asseoir à ses côtés pour le regarder faire semblant.

Nous avions invité uniquement nos proches, la famille des Lepont avait envoyé les invitations il y a déjà deux semaines.

Pendant le dîner, les verres s'entrechoquaient, Lucien socialisait tout en me décortiquant les crevettes à la main.