Le soleil ne s’était pas encore levé quand le monde commença à trembler sous le poids de la révélation. Lina ouvrit les yeux dans une pièce encore envahie par l’odeur âcre de la fumée, le souvenir des coups de feu martelant sa mémoire. Elle avait cru que tout s’arrêterait là, dans ce sous-sol étouffant, mais le destin avait choisi une autre trajectoire. Le transfert avait atteint 100 %. Et dehors, quelque chose d’immense était en train de naître.Elle se redressa lentement, ses muscles encore crispés. Clément, assis sur une chaise bancale, tenait son bras enserré dans un tissu taché de sang. La femme nettoyait son front avec un linge humide, ses gestes durs mais précis. L’homme au foulard, malgré son épuisement, tapait toujours sur le clavier, comme s’il craignait que l’ordinateur ne trahisse leur victoire.— Ça… ça a marché ? demanda Lina, sa voix enrouée.Il leva les yeux vers elle, ses iris rougis par la fatigue mais brillants d’une lueur neuve.— Oui. C’est dehors maintenant. Je n
La porte basse grinça, et le silence se brisa comme une vitre. Lina eut l’impression que tout l’air de la pièce avait été aspiré d’un seul coup. Trois silhouettes entrèrent, leurs pas lourds faisant vibrer le sol. La lampe fixée au plafond éclaira leurs visages : masqués pour deux d’entre eux, le troisième à découvert.Lina eut un sursaut. Elle connaissait ce visage. Pas personnellement, mais elle l’avait vu, à travers les vidéos de la clé USB : un des cadres de Moreau Industries, celui qui supervisait les chargements clandestins. Un homme d’une quarantaine d’années, cheveux bruns parfaitement peignés, costume sombre, regard froid.— Vous êtes allés trop loin, dit-il calmement, sa voix résonnant dans l’étroite pièce.L’homme derrière l’ordinateur se figea, ses doigts suspendus au-dessus du clavier. L’écran affichait encore le transfert en cours, bloqué à 12 %.Clément s’interposa instinctivement, légèrement en avant, prêt à bondir si l’un des hommes bougeait. Lina serra la pochette bl
Le troisième coup métallique résonna comme une alarme muette. Lina sentit sa respiration s’accélérer. Ce n’était plus le grincement d’un vieux bâtiment : c’était le son clair et précis d’un objet frappant volontairement le métal.— Ils sont de l’autre côté, dit Clément, la voix tendue.La femme hocha la tête et sortit de sa poche un trousseau de clés rouillées. Elle choisit l’une d’elles, ouvrit une porte latérale à moitié dissimulée par une cloison de béton.— Par ici.Ils s’engouffrèrent dans un couloir encore plus étroit, aux murs nus, éclairé seulement par quelques ampoules protégées par des cages métalliques. L’odeur d’humidité était plus forte, mêlée à un parfum de rouille.En refermant derrière eux, la femme glissa une barre métallique dans les gonds pour bloquer l’accès.— Ça ne les arrêtera pas longtemps, murmura-t-elle.Leur marche rapide résonnait dans cet espace confiné. Lina tentait de se souvenir de la route qu’ils prenaient, mais chaque embranchement ressemblait au préc
La pièce semblait plus petite depuis que la phrase avait été prononcée : « Trop tard. Ils sont déjà là. » Lina sentit ses mains se glacer autour de la pochette blindée. Clément, lui, n’avait pas bougé. Il fixait la femme comme pour vérifier si ce n’était pas une simple paranoïa. Mais l’expression grave sur son visage ne laissait aucun doute : elle parlait sérieusement. — Éteignez les lumières, dit-elle d’une voix basse mais ferme. Clément obéit aussitôt. L’appartement plongea dans une pénombre où seul le halo du lampadaire de la rue filtrait à travers les rideaux. La radio continuait de grésiller à un volume suffisant pour couvrir tout murmure. Ils se figèrent, à l’affût. Un bruit sourd monta depuis le bas de l’immeuble. Une porte qu’on claque. Des pas. Pas précipités, mais assurés. Pas le genre de bruit qu’un voisin pressé ferait. — Combien ? demanda Clément. — Deux… non, trois, répondit la femme, tendant l’oreille. Et armés. Je reconnais la démarche. Lina déglutit. Elle s’ét
La nuit semblait plus lourde que d’habitude. L’air avait cette odeur métallique que Lina n’associait qu’aux moments où quelque chose de grave s’annonçait. Les pas de Clément résonnaient sur l’asphalte humide, rapides mais mesurés, comme s’il voulait presser le pas sans éveiller plus de soupçons. — Ne te retourne pas, murmura-t-il. Elle obéit, mais chaque fibre de son corps criait de vérifier. Derrière eux, la voiture garée avait coupé ses phares. Aucun moteur ne ronronnait plus, mais le silence était presque pire. Comme si l’ombre qu’ils sentaient n’avait plus besoin de bruit pour les suivre. Ils prirent une rue plus étroite. Des volets clos, quelques lampadaires clignotants, et au loin, le bruit sec d’une bouteille en verre qui roulait sur le sol. Clément glissa la main dans sa poche, serrant un petit spray au poivre. Lina serrait son sac contre elle, sentant le bord rigide de la pochette blindée à travers le tissu. — Tu sais où on va ? demanda-t-elle. — Oui. Mais on ne prendra
La pièce était plongée dans une lumière tamisée. L’écran de l’ordinateur projetait une lueur bleutée sur le visage de Lina, qui fixait la barre de chargement. Clément, assis à côté, triturait machinalement un stylo. La clé USB d’Ethan venait de livrer son premier dossier.— Tu es prêt ? demanda-t-elle.Clément acquiesça, mais son regard restait fixé sur la progression à l’écran, comme si chaque pourcentage gagné pouvait faire surgir une bombe.Le premier dossier portait un nom banal : ARCHIVES_2016. À l’intérieur, des fichiers classés par mois. Des documents PDF, des scans, des vidéos courtes. Lina ouvrit le plus ancien. Un rapport interne, sobre, avec un logo Moreau Industries en haut à gauche. Le contenu parlait de transferts logistiques « hors registre officiel » vers un entrepôt situé à l’étranger.— Regarde la date, souffla Clément.— Février 2016… c’est bien avant l’affaire officielle.Ils enchaînèrent les ouvertures : factures falsifiées, contrats signés sous pseudonyme, photos