Dalia s’inclina légèrement. Elle s’apprêtait à partir, mais hésita.
— Si vous avez besoin de quoi que ce soit… même juste parler… je suis là. Léna sentit un nœud dans sa gorge. Ce n’était pas grand-chose. Une phrase. Un regard humain. Mais c’était plus que tout ce qu’on lui avait offert ici. Elle voulut répondre, mais un bruit de talons claqua soudainement dans le couloir. Un rythme rapide, assuré. Dalia blêmit légèrement. — Elle est en avance, murmura-t-elle. — Qui ? Mais Dalia s’inclina rapidement, les yeux fuyants. — Ne dites pas que je vous ai parlé. S’il vous plaît. Et elle disparut par la porte latérale juste au moment où une silhouette surgissait dans l’entrée du salon. Léna se figea. Une femme. Grande. Élancée. Blonde platine, coiffée avec précision. Robe blanche cintrée, bijoux discrets mais hors de prix. Une beauté glaciale, calculée au millimètre. Ses yeux, d’un vert perçant, s’attardèrent immédiatement sur Léna. Et ce regard-là… était celui d’une reine face à une servante. — Tu es donc elle, murmura la femme, en avançant lentement. Léna ne répondit pas. Elle se leva doucement, sans vraiment savoir si elle devait fuir ou rester. — Je m’appelle Silvia De Fontenay. Fiancée officielle de monsieur Blackwood. Chaque mot était prononcé avec une clarté presque théâtrale. Pas une information. Un avertissement. Léna baissa les yeux. Silvia la détailla sans aucune retenue. — Tu n’es pas très grande. Pas très belle non plus. Mais… il y a quelque chose. Elle s’approcha. Trop près. — C’est ton silence, peut-être. Il aime ça, n’est-ce pas ? Il aime les choses dociles. Celles qui ne parlent pas trop. Léna sentit son cœur se contracter, mais elle ne broncha pas. Silvia ricana légèrement. — Je suis venue sans prévenir. Je sais qu’il déteste ça. Il pense que tout doit être sous contrôle. Mais moi, j’aime briser les cadres. Surtout quand on croit pouvoir me cacher quelque chose. Elle s’assit sur le canapé, comme si elle était chez elle. Peut-être l’était-elle, après tout. — Tu sais ce que tu es, Léna ? demanda-t-elle avec un sourire presque compatissant. Léna leva les yeux. Lentement. — Tu es un caprice. Rien de plus. Silence. — Il va se lasser. Il se lasse toujours. Il est comme ça. Il prend, il use, il jette. Mais moi, je suis l’alliance. La presse. Les familles. Les contrats. Léna ne répondit rien. — Alors profites-en pendant que ça dure. Bois ton thé. Porte ses robes. Endure ses silences. Parce que bientôt, très bientôt… tu retourneras d’où tu viens. Elle se leva. Lissa sa robe. — Et je reprendrai ma place. Puis elle tourna les talons et s’éloigna, ses talons résonnant de plus belle sur le sol de marbre. Léna resta debout. Seule. Le thé refroidissait sur la table. Dalia réapparut quelques minutes plus tard. Elle avait tout entendu. Elle s’approcha lentement. Posément. Puis, sans un mot, elle prit la main de Léna dans la sienne. Et ce simple geste, cette chaleur humaine minuscule, suffit à faire monter les larmes aux yeux de la jeune femme. Mais elle ne les laissa pas couler. Parce qu’elle savait désormais que ce n’était plus seulement Ilyès… qui allait la briser. — Assieds-toi. La voix d’Ilyès claqua dans le silence comme un ordre militaire. Silvia entrouvrit les lèvres, surprise, mais elle obéit. Elle prit place face à lui, dans l’un des fauteuils de cuir noir qui faisaient face à son bureau. Elle croisa les jambes, parfaitement consciente de son allure. Parfaitement sûre d’elle. Mais dans les yeux d’Ilyès, elle vit immédiatement que quelque chose avait changé. — Tu ne m’as même pas dit bonjour, murmura-t-elle, faussement blessée. Il ne répondit pas. Il referma doucement le dossier qu’il tenait, puis leva enfin les yeux vers elle. Froids. Tranchants. — Pourquoi tu es venue sans prévenir ? — Parce que je peux, répondit Silvia, souriante. Et puis, j’avais envie de te voir. Toi… et ta chose blonde. Le silence tomba. Dense. Couvert de verre brisé. Ilyès ne réagit pas immédiatement. Il se leva lentement, contourna son bureau, et s’approcha d’elle avec une lenteur calculée. — Répète ça, demanda-t-il, très bas. Silvia ne baissa pas les yeux. — Ta distraction, ta poupée silencieuse, ta petite servante à robe rouge. Tu l’as laissée traîner dans le salon, Ilyès. Tu crois vraiment que je ne devinerais pas ce qu’elle est ? Ce qu’elle fait ici ? Tu penses que je vais me taire et sourire comme une idiote ? Tu veux vraiment que je reste assise pendant que tu t’amuses avec une fille sans nom ? Elle souriait toujours. Moins sûr, cette fois. — Elle ne m’arrive même pas à la cheville. Et toi… tu l’exposes, tu l’habilles, tu la protèges. Pour quoi ? Pour un caprice ? Une revanche contre moi ? Contre ton père ? Elle se leva, soudain plus agressive. — Tu crois que je vais tolérer ça ? Je suis ta fiancée, Ilyès. Celle avec qui tu dois te marier, celle qui porte ton nom dans les journaux, celle qui dîne avec ta mère. Elle, c’est quoi ? Une fille sans pedigree ? Une servante que tu baises entre deux contrats ? Elle cracha ces mots comme du poison. Mais Ilyès ne recula pas. Il s’approcha encore. Très près. Trop près. Puis il murmura, glacé : — Ne recommence plus jamais. Silvia le fixa, interloquée. — Quoi ? — Ne prononce plus son nom sur ce ton. Ne fais plus jamais l’erreur de croire que tu peux commenter mes choix. Ce que je fais avec Léna… ne te regarde en rien. Elle voulut répliquer, mais il leva la main, lentement. Non pas pour frapper. Pour imposer. — Tu peux t’estimer chanceuse, Silvia. Je t’ai choisie pour ce que tu représentes. Pour la paix. Pour les apparences. Pas pour ton avis. Il se pencha vers elle. — Léna, elle, je l’ai choisie sans raison. C’est ce qui la rend dangereuse. Silvia recula d’un pas, déstabilisée. — Tu t’attaches à elle ? — Non. Jamais, répliqua-t-il. Mais son regard disait autre chose. — Elle est à moi. Et ce qui m’appartient n’a pas besoin d’être aimé pour être protégé. Elle est ma responsabilité. Mon erreur. Mon obsession. Tu ne touches pas à ça. Silvia tenta de se recomposer. — Tu perds la tête. Elle ne vaut rien. Ilyès ricana. — Et toi, tu vaux quoi ? Sans ton nom ? Sans l’argent de ton père ? Tu veux me rappeler ton importance ? Très bien. Mais n’oublie pas que si tu t’en prends à Léna encore une seule fois… tu découvriras à quel point je suis capable d’humilier même la presse, les alliances, et les Fontenay. Elle pâlit légèrement. Il recula enfin, comme s’il avait fini de parler. — Tu peux rester dîner si tu veux, conclut-il. Mais si tu croises Léna, je te conseille de te taire. Elle resta là, droite, glacée, incapable de trouver une réplique assez forte. Le silence tomba. Puis elle quitta la pièce, le visage figé. Sans un mot de plus.Dalia s’inclina légèrement. Elle s’apprêtait à partir, mais hésita.— Si vous avez besoin de quoi que ce soit… même juste parler… je suis là.Léna sentit un nœud dans sa gorge. Ce n’était pas grand-chose. Une phrase. Un regard humain. Mais c’était plus que tout ce qu’on lui avait offert ici.Elle voulut répondre, mais un bruit de talons claqua soudainement dans le couloir.Un rythme rapide, assuré.Dalia blêmit légèrement.— Elle est en avance, murmura-t-elle.— Qui ?Mais Dalia s’inclina rapidement, les yeux fuyants.— Ne dites pas que je vous ai parlé. S’il vous plaît.Et elle disparut par la porte latérale juste au moment où une silhouette surgissait dans l’entrée du salon.Léna se figea.Une femme.Grande. Élancée. Blonde platine, coiffée avec précision. Robe blanche cintrée, bijoux discrets mais hors de prix. Une beauté glaciale, calculée au millimètre.Ses yeux, d’un vert perçant, s’attardèrent immédiatement sur Léna.Et ce regard-là… était celui d’une reine face à une servante
Le manoir était silencieux, comme toujours.Trop silencieux.Léna marchait lentement dans le couloir, les bras croisés, les épaules nues sous le pull trop grand qu’elle avait trouvé dans le dressing. Elle n’avait pas mangé ce matin. Elle n’avait pas faim. Ou peut-être ne le savait-elle plus.Elle s’arrêta devant une porte double. Son cœur battait fort.C’était son bureau.Depuis qu’elle avait été amenée ici, elle n’avait jamais osé frapper à cette porte. C’était l’espace d’Ilyès. Le cœur de son pouvoir. Son antre. Elle savait que s’y présenter sans y être invitée était risqué. Mais aujourd’hui, elle avait besoin de parler.Juste de demander.Elle prit une inspiration, puis frappa doucement. Aucun son.Elle attendit quelques secondes, puis poussa la porte lentement. Elle était entrebâillée. Il n’avait pas verrouillé.Il était là.Ilyès, assis derrière son bureau en acajou, penché sur des dossiers. Costume sombre, montres chères, cheveux tirés en arrière. Immuable. Inébranlable.
Ses doigts atteignirent la base de la robe. Il la regardait sans cligner des yeux. Prêt à aller trop loin.Et c’est là que ça arriva. Un sanglot. Faible. Étouffé.Puis un autre. Et encore un.Le corps de Léna se figea. Elle pleurait. En silence. Mais les larmes roulaient sur ses joues, incontrôlables, pures.Pas de hurlement. Pas de théâtre. Juste… la tristesse. L’angoisse. Le désespoir.Elle murmura, d’une voix brisée :— Je ne voulais pas de ça. Pas de cette vie. Pas de cette souffrance. J’ai juste essayé de survivre. J’ai juste voulu protéger ce qui me restait.Ilyès ne bougeait plus. Sa main était suspendue à quelques centimètres de son corps.Et pour la première fois… il hésita.— Tais-toi, murmura-t-il. Ne me fais pas ça.Mais elle ne pouvait plus se taire.— Je n’ai plus personne, Ilyès. Ma mère est morte. Mon père m’a vendue. Et toi… toi tu veux m’éteindre. Pourquoi ? Pour une gifle ?Sa voix tremblait.— Est-ce que ça vaut vraiment la peine ?Il recula.Un pas. Puis
Il y avait, dans cette nuit-là, quelque chose d’irréel.De suspendu.Une fête trop brillante, trop riche, trop décadente pour être honnête.C’était un gala de charité dans un hôtel de luxe, une soirée où les riches étalaient leur générosité comme des bijoux. Léna n’y avait pas sa place. Et pourtant, elle était là, serveuse de dernière minute, coiffée à la va-vite, vêtue d’un uniforme noir qui tranchait avec les robes scintillantes et les talons hauts.Elle avait 20 ans. Léna Delcourt, blonde aux yeux bleus, était une fille de rien, une beauté tranquille aux joues pâles, aux gestes précis, avec ce mélange rare de douceur et de feu qui attirait sans qu’elle ne le cherche.Ce soir-là, elle servait les coupes de champagne avec discipline, les yeux baissés, tentant d’éviter les mains trop audacieuses. Et c’est là qu’elle le vit pour la première fois.Il n’avait pas besoin de parler. Il n’avait même pas encore bougé. Mais tout dans sa présence hurlait le contrôle, le pouvoir, le danger
La pièce sentait la sueur, l’alcool renversé et la peur.Léna était restée debout, droite, le cœur au bord des lèvres. Son père, lui, était à genoux. Il suppliait. Encore. Comme un enfant pris en faute.— Je vous en prie, Ilyès… Elle n’a rien à voir avec ça. Prenez la voiture. Prenez la maison, mais pas elle…Face à lui, l’homme en costume noir demeurait impassible. Son regard sombre glissa brièvement sur le vieil homme en larmes, avant de se poser lentement sur la silhouette féminine qui tremblait au fond de la pièce.Léna sentit son ventre se nouer.Il la fixait.Un silence étouffant s’abattit dans la salle.— Vous… articula-t-elle enfin, la gorge sèche.Son cœur manqua un battement. Cet homme, elle le connaissait. Son regard, elle ne l’avait jamais oublié.Et ce visage…— Tu te souviens de moi, murmura-t-il avec un sourire glacial.Léna recula d’un pas, choquée. Bien sûr qu’elle se souvenait de lui. Deux ans plus tôt. Une soirée, une provocation, un baiser imposé qu’elle