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Author: RS WILD
last update Last Updated: 2025-09-03 23:59:42

Tessa

Quand je franchis la porte cochère de l’immeuble, mon portable vibra. Anaïs m’avait envoyé un message : “Tu es bien arrivée ? Tu me manques déjà.”

Je serrai les dents pour ne pas pleurer.

Je pris une photo rapide de l’entrée, du tapis rouge élimé, et lui répondis : “Oui ma chérie, tout va bien. Je te raconterai demain.”

L’ascenseur grinça en montant. J’avais hâte de me glisser sous mes draps et de fermer les yeux.

Sauf que.

En fouillant dans mon sac, je sentis mon cœur s’arrêter.

Pas de clés.

Rien.

Je fouillai une fois, deux fois, trois fois. Je renversai presque le contenu sur le sol du couloir. Mon téléphone, ma bouteille d’eau, mon carnet, mon portefeuille… mais pas ce foutu trousseau.

Je dus l’avoir laissé sur la table de nuit en partant.

L’angoisse me saisit à la gorge. J’étais enfermée dehors. Comme une idiote.

Je m’approchai de la porte, collai mon oreille.

Un bruit. Des voix. Un éclat de rire.

La télé ? Non. Plus rythmé. Plus constant. Une manette, des pas rapides. Des jeux vidéo.

Mon ventre se tordit.

Il était rentré.

Noah.

Et il n’était pas seul.

Je reculai, dos au mur. Impossible de sonner. Impossible de frapper. Mon orgueil criait plus fort que ma fatigue. Pas question qu’il ouvre devant son pote, qu’il se moque de moi, qu’il m’exhibe comme “la coloc perdue sans ses clés”.

Je glissai le long du mur et m’assis dans le couloir. Le carrelage était froid sous mes cuisses, l’air sentait la poussière et le vieux bois. Je m’en fichais.

Je sortis mon téléphone, fixai l’écran allumé. Son numéro s’affichait dans mes contacts. “Noah – Plan galère.”

Je soufflai un rire sans joie.

Pas question. Pas ce soir.

Alors j’attendis.

Le temps s’étira, ponctué par les cris étouffés du jeu derrière la porte, par les pas dans l’escalier, par mes pensées qui tournaient en boucle. Je fermai les yeux quelques secondes. La fatigue me rattrapa.

Et c’est là, assise contre le mur, que je me surpris à sourire malgré tout. Parce que même coincée dans ce couloir, même humiliée, je n’avais pas perdu. Pas encore.

Les minutes s’étirèrent, longues comme des heures. Le néon du couloir grésillait au-dessus de moi, projetant une lumière jaunâtre qui faisait paraître les murs encore plus défraîchis. Mes jambes s’engourdissaient, mes paupières pesaient, mais je refusais de bouger.

Hors de question de me rabaisser à frapper.

Derrière la porte, les rires fusaient, suivis de bruitages électroniques. J’entendais Noah lancer une réplique, son pote éclater de rire. Chaque éclat de voix me rappelait que j’étais de l’autre côté, coincée comme une intruse dans mon propre logement.

Je pris mon carnet, griffonnai des mots pour m’occuper l’esprit : emploi du temps, valise, courses à faire… Mais mes lettres devenaient de plus en plus hésitantes. Je reposai le stylo.

Minuit approchait. Des voisins passaient, certains me jetaient des regards curieux. Une vieille dame me demanda si j’avais besoin d’aide. Je lui répondis que j’attendais quelqu’un. Mon sourire figé devait suffire, car elle haussa les épaules et continua son chemin.

Je tapotai mon téléphone. Le numéro de Noah était là, sous mes yeux. Il aurait suffi d’un geste.

Mais non. Pas devant son pote. Pas comme ça.

Je calai ma tête contre le mur, fermai les yeux un instant. Les bruits derrière la porte me semblaient lointains, comme filtrés par le sommeil. Mon corps céda avant mon orgueil.

Un cliquetis me réveilla.

Je sursautai, redressai la tête. La porte s’ouvrit d’un coup.

Noah apparut, une manette encore dans la main, suivi de son pote qui riait toujours. Son regard me tomba dessus. Ses sourcils se haussèrent légèrement, et un sourire en coin se dessina sur ses lèvres.

— Sérieusement ? Tu comptes dormir ici ? dit-il d’un ton moqueur.

Je me redressai aussitôt, chassant les plis de mon pantalon, refusant de lui offrir une image pitoyable.

— J’ai oublié mes clés, répondis-je sèchement. Ça arrive.

Joris, son pote, me détailla comme si j’étais une apparition.

— Ah, donc elle existe vraiment ! lança-t-il en éclatant de rire.

Je sentis le sang affluer à mes joues, mais je plantai mon regard dans celui de Noah, sans ciller.

— Tu comptes me laisser dehors encore longtemps ou je peux récupérer ma chambre ?

Son sourire se figea une seconde. Il n’aimait pas le ton, je le voyais bien. Sa mâchoire se contracta, un pli dur barra sa tempe.

— C'est pas moi qui t'es dit de dormir dehors, tu sais, ici comme en province, on a un petit boitier a coté de la porte qu'on appelle sonnette !  au cas ou tu ne sais pas, tu as juste a appuyer dessus .

Je soutins son regard sans flancher, je sentais une colere m'envahir.

—Merci , je connais !

Un silence tendu. Derrière lui, Joris s’agitait, mal à l’aise, sentant la tempête.

Noah se décala finalement, d’un geste sec, presque agacé.

— Entre. Fais comme chez toi. Et le prochain coup, tu sonnes surtout si tu sais que je suis là !

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