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Chapitre 6 – Le cœur en quarantaine

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-05-07 22:42:51

Maya

Je devrais être en train de ranger mon studio. Fermer les volets. Désinfecter les aiguilles. Me laver de lui. Mais je reste là, figée. Mon regard est encore accroché à l’endroit où il m’a touchée. Mon poignet brûle. Comme si le baiser qu’il y a déposé avait laissé une marque invisible.

Lior.

Il a quitté la pièce il y a dix minutes. Ou une heure. Je ne sais plus. Le temps ne tourne plus normalement quand il est là. Il le tord. Il le brise. Il le refaçonne à son image.

Mon souffle est court. Mes mains tremblent. Mon cœur bat trop vite pour que ce soit simplement de la peur. Et c’est ça qui m’effraie le plus.

Ce n’est pas lui qui me fait peur.

C’est ce qu’il provoque en moi.

Je me déteste de penser à sa peau chaude, tendue sous mes doigts. À la façon dont ses yeux m'ont regardée comme s'ils pouvaient déshabiller mes pensées. Il n’a rien dit de séduisant. Pas un mot doux. Pas une promesse. Et pourtant… tout chez lui est une invitation au danger.

Je sais qu’il est toxique. J’en suis certaine.

Mais une part de moi – celle que j’essaie de faire taire depuis des années – veut goûter ce poison. Juste une fois. Juste pour voir. Juste pour sentir ce que ça fait de ne plus contrôler.

Je m’éloigne enfin de la table. J’attrape une bouteille d’eau. Mes lèvres sont sèches. Ma gorge est serrée. J’ai passé trois heures à tatouer un homme qui me trouble plus que je ne veux l’admettre. Trois heures à sentir son souffle, sa chaleur, à deviner sa douleur dans le silence.

Et pourtant, il n’a pas bronché. Pas une plainte. Pas un grognement. Il s’est offert à moi avec une docilité qui n’était qu’apparente. Une fausse soumission. Parce qu’au fond, c’est lui qui m’a tenue en laisse.

Je range le matériel. Chaque geste est mécanique. Il faut que je reprenne le contrôle. Que je me souvienne de qui je suis.

Je suis Maya. Indépendante. Méfiante. Solide. Intouchable.

Mais quand je ferme les yeux… c’est son regard que je revois. Ce noir profond, sans fond. Et cette façon de me regarder… comme si j’étais déjà sienne.

Non. Je secoue la tête. Assez.

Je sors du studio. Il fait froid. L’air est humide, chargé de pluie. Je rentre chez moi à pied. Les néons des vitrines se reflètent dans les flaques. Le monde continue de tourner, indifférent au chaos qui gronde en moi.

Je monte les escaliers de mon immeuble sans allumer la lumière. Je connais le chemin. Chaque marche, chaque grincement. Mon appartement est sombre, minuscule, mais il est à moi. C’est le seul endroit où je peux respirer sans avoir à me méfier.

Je verrouille la porte derrière moi. Deux fois. Par réflexe.

Mon sac tombe au sol. Je vais directement dans la salle de bains. L’eau coule. Froide. Je veux éteindre la chaleur qu’il a laissée sur ma peau. Effacer la mémoire du contact.

Mais même sous l’eau, je le sens encore.

Je frotte plus fort. Mon poignet. Là où il m’a embrassée.

C’est inutile.

Je finis par m’asseoir, nue, sous le jet glacé, les bras autour des genoux. J’ai froid. Mais pas assez pour oublier. Je ferme les yeux et je revois son tatouage. Le dragon. Brisé. Résilient. Il est lui. Mais il est moi aussi.

Je crois que c’est pour ça qu’il m’a choisie.

Il a senti mes failles. Mon feu. Mon silence.

Et il s’est reconnu dedans.

Mon téléphone vibre sur le carrelage. Je sors de la douche en titubant, pieds trempés, les cheveux dégoulinants. C’est un message.

Lior : Je suis toujours là, Maya. Même si tu verrouilles la porte. Même si tu fuis. Tu m’as dessinée sur ma peau, je vais te graver sous la tienne.

Je laisse tomber le téléphone sur le lit. Mon cœur s'emballe. Je devrais le bloquer. Je devrais avoir peur. Mais je souris. Un sourire dangereux. Interdit.

Je suis déjà foutue, n’est-ce pas ?

Je prends mon carnet de croquis. Celui que je n’ai pas touché depuis des mois. Celui où je ne dessine que quand quelque chose me hante.

Et je dessine.

Des yeux noirs. Une mâchoire tendue. Un regard torride. Une aura magnétique. Un homme qui ne promet rien, mais qui donne trop.

Je dessine Lior.

Encore. Et encore.

Parce que je ne peux plus l’effacer.

Il a réveillé quelque chose. Quelque chose que je croyais enterré. Il m’a redonné le goût du danger, du frisson. Il m’a rappelée que je suis vivante.

Et c’est pour ça que je devrais fuir.

Mais c’est aussi pour ça que je ne le ferai pas.

Pas encore.

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