Semua Bab PRENDS-MOI SAUVAGEMENT : Bab 101 - Bab 110

CamilleLa chute n’a pas de fin. Nous tombons, et le sol ne vient jamais. Ses bras m’enveloppent, ne me retiennent pas, m’entraînent plus bas. Sa bouche sur la mienne est une promesse d’anéantissement. Je n’essaie pas de lutter. Je m’abandonne à la gravité de ce baiser, à cette chute libre qui me vide la tête et m’emplit le corps d’un bourdonnement sourd.Il me soulève, mes jambes s’enroulent autour de sa taille comme un réflexe ancien. Le monde n’est plus que la pression de ses mains sur mes cuisses, le goût de whisky et de colère sur sa langue, le son rauque de sa respiration dans mon cou. Il me porte jusqu’au lit, ce même lit où il a tracé la géographie de ma soumission. Cette fois, la carte est différente.Il me dépose sur la soie froide, se penche sur moi. Son regard balaye mon visage, mes lèvres gonflées, mes yeux qui doivent brûler d’une lumière qu’il a allumée. Il ne dit rien. Les mots sont devenus inutiles, des éclats de verre sur le sol. Il pose une main sur mon sternum, à p

CamilleLe retour à la galerie a des allures de plongée en eaux troubles. L'air conditionné, l'odeur familière de cire et de vieux papier, le silence feutré... Tout me semble différent, comme si les murs avaient absorbé l'écho de notre révolution. Je me surprends à toucher mon col roulé, à vérifier qu'il cache bien les dernières marques de Julien. Des stigmates que je porte avec une fierté secrète.Laure me jette un regard en coin, un sourire entendu aux lèvres. Elle sait. Elle a toujours su, je crois, bien avant moi. Je m'installe à mon bureau, les doigts effleurant le bois poli. Sur l'écran, les e-mails s'accumient, mais je ne les vois pas. Je vois son visage au réveil, cette paix volée à la tempête.— Camille ?La voix me fait sursauter. Une voix trop familière, trop polie. Je lève les yeux.Antoine.Debout devant mon bureau, impeccable dans son costume trois-pièces, il tient deux gobelets en carton. Son sourire est un exercice de perfection sociale. Il y a des années que cette vis

CamilleLes jours qui suivent sont une immersion dans un nouvel élément. L'air lui-même semble avoir changé de composition, plus léger, plus vif, chargé d'une électricité nouvelle. Chaque matin, je me réveille avec le goût de lui sur la langue, l'empreinte de son corps sur le mien. Ce n'est plus une surprise, c'est une certitude. La plus belle et la plus effrayante que j'aie jamais connue.Je n'ai plus peur. La décision a été prise, le pont brûlé avec une netteté qui m'a libérée. Antoine a tenté un dernier appel, un message froid et poli qui sonnait comme un constat d'échec. Je l'ai effacé sans répondre. Mon monde s'est recentré, rétréci et expandu en même temps, pour n'inclure que l'essentiel : la galerie, et lui.Aujourd'hui, la galerie est fermée au public. Nous sommes seuls. La lumière de l'après-midi, dorée et épaisse, inonde l'espace, transformant les poussières en particules de magie. Julien a déplacé les œuvres, créant un chemin sinueux au centre de la pièce. Il est en train d

JulienLa normalité. C'est un muscle que je n'avais jamais utilisé. Ça fait mal. C'est inconfortable. Se réveiller chaque jour à la même heure, prendre le petit déjeuner, travailler sur des budgets, discuter avec les fournisseurs. La galerie a absorbé notre tempête et l'a transformée en énergie productive. Camille rayonne d'une assurance nouvelle. Moi, je me sens comme un loup en laisse, apprenant à ne plus montrer les crocs.Ce matin, je trie des factures dans le petit bureau à l'arrière. La pluie frappe les vitres, un rideau gris qui isole du monde. Camille est au téléphone avec New-York, sa voix est ferme, professionnelle. Elle organise une exposition qui pourrait propulser la galerie sur la scène internationale. Elle ne m'a pas regardé depuis une heure.Une boule d'angoisse, sourde et tenace, s'est logée dans ma poitrine. Elle grandit chaque jour. L'ennui. Ce n'est même pas ça. C'est pire. C'est la peur de devenir transparent. De n'être plus que l'accessoire de sa vie retrouvée, l

CamilleLes jours qui suivent prennent une nouvelle couleur. Une tonalité plus grave, plus riche, comme un accord de musique qui résonne longtemps après que la note ait été jouée. L’appartement, la galerie, l’air lui-même semblent chargés d’une potentialité différente.Julien disparaît des heures durant dans l’atelier du fond, une ancienne réserve dont je lui ai cédé la clé. Je n’entends plus le grincement de sa chaise de bureau, mais le frottement râpeux d’un pinceau sur une toile brute, le grattement fébrile d’un fusain, parfois un juron étouffé suivi d’un silence de concentration absolue. Il en ressort les cheveux hérissés, les mains tachées d’ocre et de noir, les yeux brillants d’une lueur que je ne lui ai plus vue depuis des mois. Une lueur qui n’est ni tout à fait de la joie, ni tout à fait de la folie, mais quelque chose entre les deux : l’intensité pure de la création.Je ne lui demande jamais ce qu’il fait. C’est notre pacte. Son territoire sacré. Mais parfois, en passant dev