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05 SAUVETAGE 05

Author: RS WILD
last update Last Updated: 2025-01-15 17:52:50

Ethan 

En arrivant près du château, nous avons garé nos motos à l’abri des regards indiscrets, dans un bosquet dense où les branches basses formaient une voûte naturelle. Le ronronnement des moteurs s’est tu, remplacé par le bruissement des feuilles mortes sous nos bottes. Nous avons enfilé nos tenues de camouflage avec des gestes précis : masques blancs anonymes, casques de moto noirs, gants en cuir usés par des années d’usage. Nous étions prêts à nous fondre dans l’ombre. La fin d’automne approchait, et le ciel virait déjà au gris profond, annonçant une nuit précoce. Au loin, les lumières du château scintillaient comme des étoiles tombées sur terre, projetant des ombres mouvantes qui allaient devenir nos alliées.

Nous avons contourné le bâtiment par l’arrière, longeant les murs de pierre froide, évitant soigneusement les flaques de lumière des projecteurs et les yeux perçants des caméras de surveillance. Chaque pas était calculé, chaque souffle retenu. Une fois à l’intérieur, nous avons suivi le plan que nous avions mémorisé jusqu’à la moindre fissure. Les couloirs étaient plongés dans un silence étrange, presque oppressant. À notre surprise, tous les domestiques semblaient concentrés dans l’aile avant du château – une agitation inhabituelle dont la cause nous échappait. Peu importe, ça nous laissait le champ libre. Nous avons filé sans un mot vers les pièces susceptibles de cacher notre cible : la pantoufle de saphir. Notre objectif final ? Le bureau du comte.

La porte du bureau était close, un obstacle de bois massif bardé d’une serrure ancienne. Mais pour nous, c’était presque une formalité. Avec une rapidité silencieuse, nous avons sorti nos outils de crochetage – des tiges fines et métalliques qui dansaient entre nos doigts comme des extensions de nous-mêmes. Des années d’entraînement avaient affûté notre précision. En quelques minutes, un déclic discret a résonné, et le verrou a cédé. La porte s’est ouverte sans un grincement, nous dévoilant notre terrain de chasse.

À l’intérieur, l’ambiance tranchait avec la discrétion de notre approche. Le bureau était un sanctuaire de luxe, un écrin pour l’ego démesuré du comte. Des meubles en bois précieux, sculptés avec une finesse presque irréelle, brillaient sous la lueur douce d’une lampe en cristal. Les murs étaient ornés d’œuvres d’art rares – des toiles aux cadres dorés, des sculptures délicates qui semblaient murmurer des siècles de richesse et de pouvoir. Le sol disparaissait sous un tapis richement tissé, aux motifs complexes, et une odeur lourde d’encens et de bois poli flottait dans l’air, saturant nos sens. C’était somptueux, intimidant même, mais nous n’étions pas là pour admirer.

Nous avions une mission. Sans perdre une seconde, nous avons commencé à fouiller avec une méthode implacable. Chaque tiroir était inspecté, chaque étagère sondée, chaque recoin scruté. La pantoufle de saphir, cet artefact aussi précieux que mystérieux, pouvait être cachée n’importe où – sous une pile de parchemins jaunis, dans un coffre secret, ou même dans un endroit si évident qu’on risquait de le rater par excès de méfiance. Les minutes s’égrenaient, lourdes, mais l’urgence nous maintenait en mouvement. Pas question de flancher. Il fallait la trouver avant que le comte ne revienne et que tout parte en vrille.

Le bureau était un labyrinthe de cachettes potentielles. On a retourné des livres aux reliures dorées, palpé les coutures du tapis, sondé les murs pour un compartiment dissimulé. Puis, Mica, notre spécialiste des coffres, a tilté. Il a désigné un tableau – une peinture sombre d’un noble à l’air sévère – et l’a décalé d’un geste sûr. Derrière, un petit coffre-fort mural, discret mais solide. Avec ses outils, il s’est mis au travail, ses doigts dansant sur les molettes avec une aisance déconcertante. Quelques cliquetis plus tard, le coffre s’est ouvert. Et là, elle était : la pantoufle de saphir. En vrai, elle surpassait toutes les photos qu’on avait vues. Une chaussure délicate, incrustée de gemmes bleues qui scintillaient comme des éclats d’océan. On l’a emballée avec précaution, presque religieusement, et Mica l’a glissée dans son sac à dos. Mission accomplie. Enfin, presque.

On a voulu repartir par où on était entrés, mais des voix ont surgi dans le couloir – des domestiques, alertes, trop proches. Pas le choix, on a bifurqué vers l’autre escalier, descendant marche par marche, nos semelles frôlant à peine le bois usé pour éviter tout craquement. On était des ombres, des fantômes dans cette forteresse.

Mais en passant devant une porte, un cri a déchiré le silence. Une femme, paniquée, hurlait à l’aide. J’ai stoppé net, échangeant un regard avec Ethan, mon frère jumeau. Il a froncé les sourcils, tendant l’oreille.

— C’est quoi, ça ? a-t-il murmuré, sa voix basse mais tendue.

— On dirait une femme qui appelle au secours, ai-je répondu, le pouls s’accélérant.

Les cris ont repris, plus forts, plus désespérés. On s’est figés, partagés entre notre plan et cette urgence imprévue. On était là pour la pantoufle, pas pour jouer les héros. Mais laisser quelqu’un dans une telle détresse ? Impensable.

— On peut pas faire comme si de rien n’était, ai-je lâché, décidé.

Ethan a hoché la tête, son regard durci par la détermination. On a poussé la porte avec prudence, nos mains prêtes à dégainer. La scène qui s’est offerte à nous était un cauchemar. Le comte de Montaigne, pantalon baissé, était penché sur une jeune femme qu’il avait à moitié déshabillée, ses vêtements réduits à des lambeaux. Elle se débattait, terrifiée, tandis qu’il grognait des horreurs, son haleine chargée d’alcool et de vice. La vue de son cul blême et flasque était presque aussi répugnante que son acte.

Ethan a esquissé un rictus malgré lui – un réflexe nerveux, vite étouffé.

— Laissez-la tranquille ! ai-je hurlé, fonçant sur le comte.

Je l’ai poussé en arrière de toutes mes forces, le faisant vaciller. Ethan, dans la foulée, a sorti son flingue et l’a braqué sur lui, implacable.

— Bouge pas, ou t’es mort, a-t-il menacé, sa voix tranchante comme une lame.

Le comte, déstabilisé, a levé les mains, tremblant sous la peur soudaine. On l’a ligoté avec les cordes prévues pour notre mission, serrant les nœuds jusqu’à ce qu’il ne puisse plus remuer un cil. Puis on s’est tournés vers la fille.

— T’es en sécurité, maintenant, ai-je dit doucement, attrapant une couverture râpeuse sur une chaise pour la lui tendre.

— Vous ne vous en sortirez pas vivants ! a rugi le comte, toujours à terre.

On l’a ignoré. Elle, encore sous le choc, a rassemblé les restes de ses habits – un pantalon déchiré, une chemise en loques – pour se couvrir tant bien que mal. Ses mains tremblaient, mais ses yeux brillaient de gratitude.

— Merci, a-t-elle soufflé, la voix brisée.

Le comte, à genoux, continuait ses menaces, éructant qu’elle lui appartenait, que personne ne pouvait la lui arracher impunément. J’en ai eu ma claque. J’ai empoigné mon arme et, d’un coup de crosse précis en plein visage, je l’ai envoyé au tapis. Il s’est écroulé, du sang giclant de son nez, inconscient en une seconde.

On a aidé la fille à se relever. Elle vacillait, mais on l’a soutenue.

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