Ethan
Je plongeai mon regard dans celui de mon frère. Ses yeux brillaient d'une fierté qu'il tentait toujours de dissimuler, mais que je savais reconnaître. Il acquiesça d’un léger mouvement de tête, confirmant ce que nous devions faire. Je me retournai, attrapant fermement la fille par le bras.
Elle se débattit, son corps se tordant sous l'emprise de la panique. Ses cris, ses tentatives désespérées de s'échapper, n'avaient aucun sens pour nous. Tout ce que nous voulions, c'était la sortir de là. Lui offrir une chance de s'en aller et de reprendre le cours de sa vie. Après tout, elle n'était rien de plus qu'une victime dans ce jeu morbide. Rien de plus qu'une simple fille prise dans un conflit qui la dépassait.
— Calme-toi, lâchai-je d'une voix basse et grondante, serrant un peu plus son bras pour qu'elle cesse de se débattre. Mais, dans un mouvement brusque, elle arracha mon masque d'un coup sec.
Mon visage, maintenant découvert, se retrouva exposé à ses yeux terrifiés. Ce fut l’instant où tout changea.
Comme une mécanique bien huilée, mon frère réagit sans hésitation. Il pointa son arme directement sur elle, l’enfonçant légèrement contre sa peau pâle. La menace tangible de la mort fit instantanément cesser tous ses mouvements. Son visage perdit toute couleur, son souffle devint irrégulier.
— Écoute, dis-je d'une voix plus douce, un contraste flagrant avec l’arme de mon frère toujours braquée contre elle, nous ne te voulons aucun mal. On est là pour t’aider. Tu dois juste nous faire confiance.
Ses yeux, écarquillés par la peur, me fixaient, cherchant désespérément une issue à cette situation. Sa respiration rapide témoignait du chaos qui régnait dans son esprit. Elle était paralysée par l'angoisse, incapable de comprendre ce qui lui arrivait. Pourtant, derrière ce voile de terreur, j’entrevoyais une lueur d’espoir fragile.
Mon frère, de son côté, semblait prendre un certain plaisir malsain à appuyer le canon de son arme contre sa joue. Il l’enfonça un peu plus, la peau s'enfonçant légèrement sous la pression. C'était son jeu, son divertissement tordu. Terroriser, quand il le pouvait, était presque devenu un hobby pour lui. Il savait où frapper, comment briser quelqu’un sans même avoir besoin de tirer. Une cruauté froide que je lui avais toujours connue, une partie de lui que je ne partageais pas vraiment, bien que nous soyons si semblables en apparence.
Mais cette fille… Était-elle vraiment notre ennemie ?
Mon frère ne tarda pas à briser le silence pesant qui s’était installé.
— Le problème, c’est qu’elle a vu ton visage, dit-il avec une voix calme, mais teintée de reproche. Et il n’avait pas tort. Pas du tout.
Nous nous sommes regardés pendant ce qui sembla être une éternité, un échange muet où le poids de nos choix se faisait sentir. Il n'y avait pas de retour en arrière possible. Notre devise, ancrée dans notre esprit depuis toujours, résonnait : "Aucun témoin." Jamais. Nous étions des mercenaires, des professionnels de l'ombre, travaillant pour ceux qui pouvaient se permettre nos services.
Notre dernière mission ? Récupérer un objet de grande valeur dans les mains d'un comte cruel et vicieux. Nous l'avions fait avec une précision chirurgicale, ne laissant rien au hasard. Mais cette fille... Elle était un imprévu. Un obstacle. Et maintenant, elle pouvait nous identifier. Si jamais ce comte la retrouvait, elle pourrait décrire nos visages. Le mien. Celui de mon frère. Deux copies conformes l'un de l'autre, seulement différenciées par notre caractère, et encore, peu de gens parvenaient à nous distinguer véritablement.
Même notre grand-mère, la femme qui nous avait élevés, tombait souvent dans notre jeu du "qui est qui ?". Nos vies entières avaient été bâties sur cette ambiguïté.
— Nous ne pouvons pas la laisser partir comme ça, murmura mon frère, ses yeux durs fixés sur la jeune femme qui tremblait toujours.
Je me passai une main sur le visage, sentant le poids écrasant de la situation. Il avait raison. Nous ne pouvions pas la laisser partir. Mais la tuer... Ce n'était pas une solution que je pouvais accepter. Elle n’était pas une ennemie, juste une innocente, une victime des circonstances.
— Je sais, répondis-je finalement, après un long silence. Mais nous ne pouvons pas non plus la tuer. Elle ne mérite pas ça.
Mon frère hocha la tête, comprenant mon dilemme. Malgré nos actions et notre vie dans le crime organisé, il restait en nous une part d'humanité que nous n'avions pas encore entièrement perdue. Cette part qui nous empêchait de franchir certaines limites.
— Nous devons trouver une autre solution, dis-je en me tournant vers elle. Écoute, tu es en danger. Le comte ne te laissera pas tranquille s’il te retrouve. En plus, tu as vu nos visages. Nous ne pouvons pas prendre ce risque.
Elle me regarda, son corps tout entier frémissant sous le poids de ses émotions. La peur. La terreur. Mais aussi, au fond de ses yeux, cette lueur d'espoir qui refusait de s’éteindre. Elle savait qu'elle jouait sa vie à cet instant précis.
— Je… je comprends, balbutia-t-elle finalement, sa voix à peine audible. Je vous promets, je ne dirai rien. Laissez-moi partir, je vous en prie.
Des larmes commençaient à couler sur ses joues, et je sentis une vague de frustration monter en moi. J’avais toujours détesté les pleurnichards. Les gens qui se laissaient submerger par leurs émotions ne m’inspiraient que du dédain.
— C’est bon, arrête de chialer, ça ne changera rien, lança mon frère avec impatience, rangeant son arme dans un geste brusque.
Mais c’est à cet instant précis qu’elle fit quelque chose d'inattendu. Sans crier gare, elle se tourna brusquement et tenta de fuir. Un acte désespéré, irréfléchi.
Sans hésitation, je la rattrapai en moins d'une seconde, la saisissant par les cheveux pour la tirer violemment en arrière. Elle poussa un cri de surprise, sa main agrippant instinctivement mon poignet dans un geste vain.
Mon frère, quant à lui, ressortit son arme, collant à nouveau le canon contre sa tempe.
— Si tu refais ça, on te fait sauter la cervelle, cracha-t-il, la voix froide et implacable.
Elle ferma les yeux, certaine que son heure était venue.
Je serrai un peu plus fort ses cheveux, puis remis lentement mon masque sur mon visage. Je m'approchai de son oreille, mes lèvres frôlant sa peau.
— Tu as compris ce qu'on t’a dit ? murmurai-je d'une voix rauque. Tu vas nous suivre, et on va trouver une solution.
CENDRILLONOn arriva au bar-hôtel au petit matin, le ciel gris perlant de pluie fine. Les planches sur les fenêtres donnaient à l’endroit un air de bunker, mais c’était toujours debout, toujours à nous. Marie gara la voiture en travers du parking, et on sortit péniblement, comme des soldats rentrant d’une guerre qu’on avait pas vraiment voulue. Ethan boitait, soutenu par Roland. Mica grognait en tenant son épaule, refusant l’aide de quiconque. Moi, je guidai mon père, son bras autour de mes épaules, son poids léger mais pesant sur mon cœur.À l’intérieur, ça sentait encore la bière et le bois, mais y’avait une odeur de cendres aussi, un souvenir de l’incendie qu’on avait éteint avant de partir. On s’effondra tous autour d’une table, un tas de corps cassés mais vivants. Marie sortit une bouteille de whisky de sous le comptoir et servit des verres sans demander, même à mon père, qui trembla en prenant le sien.— À nous, dit-elle, levant son verre. Les emmerdeurs qui survivent.On trinqu
MICAHLes premiers hommes arrivèrent, armes dégainées, et le chaos explosa. Je tirai, visant la tête, et un type s’effondra. Ethan plongea sur un autre, son couteau trouvant une gorge. Cendrillon couvrit son père, tirant maladroitement mais touchant un bras. Le bruit des balles et des cris remplit la cave, et moi, je riais presque – c’était ma guerre, ma putain de danse.Mais y’en avait trop. Un coup me frappa à l’épaule, et je grognai, le sang chaud coulant sous ma veste. Ethan prit une balle dans la jambe, tombant à moitié. Cendrillon cria, et son père la poussa derrière lui, frappant un type avec son bout de métal. On était foutus, mais je voyais pas encore la fin.Et puis, une détonation plus forte éclata dehors, suivie d’un hurlement. Les hommes de Darius hésitèrent, et une silhouette descendit l’escalier, un revolver fumant à la main. Marie. Putain, Marie, avec Roland derrière elle, une carabine dans les mains tremblantes.— Bougez vos culs ! cria-t-elle, abattant un autre type.
MicahLe sous-sol du pub puait la peur et le sang, un mélange qui me rappelait trop de nuits où j’avais dû jouer les bêtes pour survivre. Darius était là, dos au mur, mon flingue collé à sa tempe, son sourire de serpent toujours vissé à sa gueule. Autour de nous, ses hommes gisaient dans leur propre merde – morts pour les chanceux, gémissants pour les autres. Ethan saignait d’une entaille au bras, mais il tenait debout, son couteau dégoulinant dans sa main. Cendrillon, elle, serrait sa bouteille brisée comme une arme, ses yeux brûlant d’une rage que je connaissais bien. On avait gagné cette manche, mais ce connard de Darius avait encore un as dans sa manche, je le sentais.— Parle, ordonna-t-elle, sa voix claquant comme un fouet.Putain, j’étais fier d’elle. Elle tremblait plus, ma princesse. Elle avançait vers lui, et moi, je reculai juste assez pour le garder en joue, laissant Ethan l’attraper par le col pour le tenir en place. Darius ricana, un son qui me donnait envie de lui explo
On débarqua à l’aube, et putain, cette ville puait la pluie et le désespoir. Le ciel était gris, lourd, comme s’il allait nous tomber sur la tronche. Marie nous avait filé une adresse – un entrepôt pourri dans l’est, près des docks. Je garai la bagnole le long d’un mur tagué, à l’abri des curieux, et on sortit dans l’air froid qui vous mordait la gueule. Cendrillon resserra son manteau, Ethan planqua son flingue dans sa ceinture, et moi, je scrutai les environs.— Ça pue la merde, marmonnai-je. Trop calme.— C’est les docks, répondit Ethan, toujours calme comme un moine. C’est toujours mort à cette heure.Je grognai, pas convaincu. Les docks, ouais, mais y’avait un truc qui clochait. Trop de silence, trop d’ombres. L’entrepôt se dressait là, une ruine de ferraille avec des fenêtres explosées qui vous fixaient comme des yeux crevés. La porte grinçait dans le vent, et je vis Cendrillon serrer les poings. Elle avança d’un coup, sans attendre.— Allons-y, dit-elle, et elle fila vers l’entr
CENDRILLONOn passa l’après-midi à préparer nos affaires. Quelques vêtements, des armes que les jumeaux avaient gardées de leur passé, et un plan griffonné sur une serviette en papier. Londres. Darius. Le serpent et la couronne. Chaque mot pesait comme une pierre dans ma poitrine, mais je refusais de flancher. Pas avec Ethan et Mica à mes côtés. Pas avec ce bébé qui me donnait une raison de plus de me battre.Vers le soir, alors qu’on chargeait la voiture, je pris une seconde pour regarder le bar. Notre refuge, notre rêve. Les planches sur les fenêtres lui donnaient l’air d’une forteresse, mais il restait debout. Comme nous.— Prête ? demanda Ethan, sa voix douce derrière moi.— Ouais, murmurai-je. Prête.Mica klaxonna depuis le volant, un sourire sauvage aux lèvres.— Alors bouge, princesse. On a un roi à décapiter.Je montai dans la voiture, le cœur battant, et alors qu’on s’éloignait dans la nuit, je sentis une étrange certitude s’installer. Peu importe ce qui nous attendait, on af
CENDRILLON— Et nous ? demanda Ethan, ses yeux sombres fixés sur elle.— Vous sécurisez cet endroit, répondit-elle. Barricadez les fenêtres, vérifiez les clients. Si les hommes de Valerian veulent jouer, ils viendront ici. C’est votre château, protégez-le.Roland releva enfin la tête, ses mains agrippant sa canne comme s’il puisait sa force dans le bois usé.— Je reste avec vous, murmura-t-il. Si c’est ma faute, je vais pas vous laisser seuls.— T’es sûr que t’es en état ? lâcha Mica, sans filtre. T’as l’air d’un mort qui marche, Roland.— Mica ! sifflai-je, mais il me coupa d’un regard.— Quoi ? C’est vrai. On a besoin de combattants, pas de poids morts.Roland esquissa un sourire triste, presque amer.— T’as raison, petit. Mais j’ai encore un ou deux tours dans mon sac. Laissez-moi une chance de me racheter.Le silence revint, lourd, chargé de tout ce qu’on ne disait pas. Marie écrasa sa cigarette à moitié fumée et se leva.— Reposez-vous ce soir, ordonna-t-elle. Demain, on entre en