Chapitre 1 : Crépuscule sur la Ville
La ville de Lunevalle s'étendait à perte de vue sous le ciel nocturne, ses lumières dessinant des rivières d'or et de sang dans l'obscurité. De hauts immeubles de verre scintillaient comme des tours ancestrales modernes, observant d'un œil froid le drame qui s'apprêtait à se jouer.
Sur le toit-terrasse du bâtiment central, là où se réunissait autrefois le conseil de la meute de la Lune Blanche, deux silhouettes faisaient face au vent glacé.
Elisara se tenait près de la balustrade, les bras croisés contre sa poitrine. Ses cheveux d’argent, attachés à la hâte, fouettaient son visage sous les bourrasques. Son père, l’Alpha Kaelen, lui faisait face, son regard d’acier adouci par une tendresse inquiète.
— Tu dois comprendre, souffla Kaelen. Tout ce que je fais... c’est pour toi, pour eux.
Elisara serra les dents. La ville bourdonnait sous eux, indifférente à leur monde secret, aux traditions millénaires qui pesaient sur ses épaules.
— Je n’ai jamais voulu être Alpha, père. (Sa voix trembla légèrement.) Je voulais juste... être libre.
Kaelen sourit tristement. Il posa une main chaude et ferme sur son épaule.
— La liberté a un prix, ma fille. Parfois, elle exige des sacrifices que nous ne sommes pas prêts à faire. Mais c'est notre fardeau. Et bientôt... ce sera le tien.
Un frisson remonta l’échine d’Elisara. Un mauvais pressentiment, lourd, épais, s'insinuait en elle.
— Pourquoi ce soir ? demanda-t-elle. Pourquoi m’as-tu fait venir ici ?
Kaelen baissa les yeux un instant, comme s’il portait un poids trop lourd à soutenir. Puis il murmura :
— Parce que je sens que la tempête approche. Et que je dois te dire ce que je n’ai jamais eu le courage d’avouer.
Il allait continuer lorsque des pas précipités résonnèrent derrière eux, sur le gravier du toit.
Elisara eut à peine le temps de se retourner que Draven apparut, une expression faussement détendue sur son visage dur. Ses yeux noirs, luisants comme du charbon, fixaient Kaelen avec une intensité dérangeante.
— Alpha Kaelen, dit-il en s'inclinant légèrement. Désolé d'interrompre votre... réunion de famille.
Quelque chose dans son ton fit hérisser la peau d'Elisara. Elle vit son père se raidir imperceptiblement.
— Que veux-tu, Draven ? demanda-t-il d’une voix neutre.
Le loup s’approcha lentement, ses bottes frappant le sol de pierre. Trop calme. Trop sûr de lui.
— Je viens conclure ce qui doit l’être, répondit-il.
Kaelen se plaça instinctivement devant sa fille.
— Elisara, murmura-t-il, va-t’en. Maintenant.
Son ton était sans appel.
Le cœur d'Elisara manqua un battement.
Elle obéit à contre-cœur, reculant lentement vers une porte de service entrouverte, une issue discrète menant aux escaliers. Mais au lieu de fuir complètement, elle se glissa derrière l’embrasure et resta tapie dans l'ombre, son regard rivé sur son père.
Elle devait comprendre ce qui se passait.
Elle devait savoir.
Draven s’avança encore, le visage fermé.
— La meute a besoin de changement, Kaelen. De force. De puissance. Pas de vieux idéaux de paix et de compromis.
— Ce n’est pas de force qu'une meute survit, répondit Kaelen d’une voix grave. C'est d’honneur, de loyauté. Deux choses que tu sembles avoir oubliées.
Draven esquissa un sourire sinistre.
— L’honneur est un luxe des faibles.
Sans avertissement, il bondit.
Le combat fut bref. Brutal.
Kaelen, malgré son âge, se défendit avec l'énergie désespérée d'un père, d'un roi. Mais Draven était rapide, méthodique. Sa lame, dissimulée dans sa manche, brilla sous les lumières de la ville avant de s'enfoncer profondément dans le flanc de Kaelen.
Un râle étranglé échappa aux lèvres de l'Alpha.
Elisara porta une main tremblante à sa bouche pour étouffer un cri. Les larmes emplirent ses yeux.
Kaelen tituba, son sang s'épanouissant sur sa chemise blanche comme une fleur maudite.
— Pourquoi ? parvint-il à souffler.
Draven s’accroupit à côté de lui, saisissant une poignée de ses cheveux pour l’obliger à le regarder dans les yeux.
— Parce que c’est moi qui aurais dû être Alpha. Pas toi. Pas ta fille. Moi.
Il laissa tomber la tête de Kaelen sur le sol comme un déchet, puis se releva. Lentement, il sortit un mouchoir et essuya calmement la lame ensanglantée.
Elisara, pétrifiée, ne pouvait détourner les yeux.
Elle vit Draven marcher lentement jusqu'à la rambarde, dominant la ville étincelante.
— À partir de maintenant, murmura-t-il pour lui-même, je règnerai sur cette meute. Je ferai d’elle un empire, pas une bande de rêveurs faibles.
Il rit doucement, un son froid, vide.
Puis, comme s’il dictait un décret à la nuit elle-même, il ajouta :
— La prochaine étape... est d'épouser Elisara. (Il caressa distraitement la poignée de son couteau.)
Ainsi, personne ne pourra contester ma légitimité.
Un éclat de triomphe brilla dans ses yeux.
— La fille de l'ancien Alpha, unie au nouvel Alpha. Les lois anciennes l’exigeront. Les traditions l’imposeront. Et même les plus réticents devront se soumettre.
Il s’éloigna du corps sans un regard en arrière, sifflotant presque.
Quand la porte métallique claqua derrière lui, Elisara n’entendit plus rien que le battement affolé de son propre cœur.
Elle attendit. Une minute. Deux. Le silence était total.
Puis, ses jambes refusant presque de la porter, elle s’avança lentement vers son père.
Kaelen gisait là, le regard vide tourné vers les étoiles invisibles. Son visage, malgré la mort, conservait une expression de paix étrange.
Un sanglot déchira la gorge d’Elisara.
Elle s’agenouilla à ses côtés, saisissant sa main froide entre les siennes.
— Père... (Sa voix se brisa.) Je suis désolée. Tellement désolée...
Ses larmes tombaient sans fin, se mêlant au sang déjà sec sur le sol.
Elle resta ainsi longtemps, jusqu’à ce que la froideur de la nuit la transperce jusqu'aux os.
Et sous la voûte noire de la ville, Elisara fit un vœu silencieux, un serment né du deuil et de la peur :
Elle ne serait jamais l'épouse du meurtrier de son père.
Jamais.
Chapitre 66 : La Purge des CendresLa nuit était tombée depuis longtemps, mais Riven refusait de repartir tant que Driven ne serait pas réduit à néant.Ils avaient transporté le corps dans une clairière reculée, loin des regards, là où la magie ancestrale des anciens loups rendait les flammes plus puissantes, plus définitives. Une pierre noire, brisée en son sommet, se dressait au centre du lieu — autel de purification pour les créatures impures.Riven, torse nu, les bras couverts du sang de la bataille, plaça le corps de Driven sur le tas de bois sacré. Il n'avait plus une once de pitié dans les yeux.— Tu as brisé des familles. Tu as volé des vies. Tu as voulu prendre ce qui ne t’appartenait pas. Et tu as tué mon père…Il recula, et fit un geste lent. Le feu jaillit de ses paumes. Ce n’était pas un feu ordinaire. C’était la flamme lunaire, celle transmise de génération en génération aux chefs de meute. Une flamme bleue et blanche, dévorante, irréversible.Le bois s’embrasa en silenc
Chapitre 65 : Le Refuge des Cœurs BrisésLe fracas des armes s'était tu, emportant avec lui les cris de guerre et les hurlements sauvages. Le champ de bataille, désormais silencieux, baignait dans une brume de poussière et de sang. Des corps gisaient au sol, vaincus, figés à jamais dans la violence de leur dernier souffle.Riven, agenouillé près du corps inerte de son père, la tête baissée, les bras ballants, ne bougeait plus. Son cœur, meurtri, cognait douloureusement contre sa poitrine. La silhouette imposante de l’homme qui l’avait élevé, guidé, aimé… n’était plus qu’un souvenir en train de se refroidir.— Papa…Une petite voix brisa le silence, tremblante et pressée.— Papa !William courait, les joues encore mouillées de larmes, ses petits bras écartés comme pour se propulser plus vite. Il se jeta contre Riven, qui n’eut que le réflexe de le rattraper malgré ses blessures. Son fils. Son fils vivant. Entier. Dans ses bras.Il le serra avec une force tremblante, l’étreinte d’un hom
Chapitre 64 : Le Sang de la Meute /L’Éveil de la Louve L’odeur de métal, d’humidité et de poussière stagnait dans l’air alors que Riven franchissait les derniers mètres qui le séparaient de Driven. Ses bottes claquaient sur le sol de béton brut, chaque pas résonnant comme un compte à rebours macabre. Il faisait sombre, mais il pouvait sentir sa présence… pesante, vicieuse. Il n’eut pas besoin de le chercher : Driven sortit de l’ombre, un sourire malsain aux lèvres, le visage déformé par les cicatrices et la haine.— T’as osé venir, lança Driven, ses yeux sombres brillants de satisfaction. Mais t’es pas seul, n’est-ce pas, frère Alpha ?Riven ne répondit pas. Il s’avança, tendu, les poings serrés, prêt à n’importe quoi.— Je t’ai dit de venir seul. Tu n’écoutes toujours pas. C’est pour ça que tu perds toujours tout, Riven, cracha Driven avec un calme cruel. Mais j’ai prévu. J’ai toujours un plan.Il claqua des doigts. Une lumière blafarde illumina la salle. Derrière une grille de fer
Chapitre 63 : Ramenez mon fils Riven referma brutalement son téléphone, les poings serrés, le visage fermé par une rage froide. L’air autour de lui vibrait de sa puissance d’Alpha, prête à déborder. Il se tourna vers son père, qui avait entendu assez pour comprendre la gravité de la situation.— Je dois y aller. Maintenant. Seul. Driven ne veut voir que moi.— Il est fou, Riven ! gronda son père. Tu ne peux pas y aller seul. C’est suicidaire.— Si je n’y vais pas seul, il les tuera tous les deux. Tu veux vraiment qu’on parie la vie de mon fils et de ma femme sur ça ?L’Alpha aîné s’approcha, le regard brûlant de détermination.— Alors on fait autrement. Tu iras à sa rencontre, comme il veut. Mais tu ne seras pas seul. Je serai là. Et on prendra un autre guerrier d’élite. Il ne nous verra pas. Il n’en saura rien. Mais si les choses tournent mal, on interviendra.Riven serra la mâchoire, le regard rivé au sol. Il savait que son père avait raison. Il hocha lentement la tête.— D’accord.
Chapitre 62 : Un jeu perfideUne lumière crue filtre à travers un hublot minuscule, projetant des ombres froides sur les murs en béton. Une odeur d’humidité mêlée à celle du métal flotte dans l’air.Élisara ouvrit lentement les yeux. Sa tête lui faisait mal, comme si elle avait été frappée ou droguée. En tentant de bouger, elle se rendit compte que ses poignets et ses chevilles étaient solidement attachés à une chaise métallique. Le froid du métal contre sa peau la fit frissonner.Elle leva les yeux, paniquée, scrutant l’endroit : un sous-sol, sans fenêtre, avec des chaînes aux murs. Un entrepôt réaménagé ? Une cave ? Elle ne savait pas exactement.Tout ce dont elle se souvenait, c’était ces bras musclés et puissants qui l’avaient ceinturée par derrière… puis l’odeur chimique d’un tissu contre son nez. Ensuite, le noir total.— Driven !, cria-t-elle soudain, la voix déchirante. Je sais que c’est toi ! Espèce de lâche ! Montre-toi !Elle se débattit de toutes ses forces, faisant grince
Chapitre 61 : DOUBLE ENLÈVEMENTRiven raccrocha, le visage figé, les traits tendus comme de la pierre. Il resta debout, immobile, le regard perdu dans le vide.Élisara, assise sur le bord du lit en train de se coiffer, le fixa longuement.— Riven… Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda-t-elle doucement.— Rien, répondit-il trop vite. C’est juste… un appel de Paris. Un détail.Mais Élisara n’était pas dupe. Elle se leva, s’approcha de lui et posa sa main sur son torse.— Tu trembles… Tes yeux ont changé. Ton énergie a changé. Dis-moi ce qui se passe.Un long silence les enveloppa. Puis, Riven baissa les yeux, soupira profondément… et céda.— Il n’y a plus de raison de te le cacher, dit-il d’un ton rauque. Ils ont pris mon fils. Driven a pris mon fils.Élisara recula d’un pas, choquée.— Ton… fils ?— Oui, murmura-t-il. Il s’appelle William. Il vit à Paris. J’ai appris son existence la semaine dernière, quand ma mère me l’a avoué. C’est pour ça que je suis allé là-bas. Pour le voir.— Tu m’