Share

Chapitre 2

last update Last Updated: 2025-04-28 06:12:16

Chapitre 2 : Un foyer d'enfer 

Quelques jours plus tard

Le vent emportait encore l’odeur du deuil.

La ville semblait différente depuis la mort de Kaelen. Plus lourde, plus grise. Comme si la lumière elle-même avait perdu de sa force.

Elisara errait dans les couloirs silencieux du QG de la meute, ses pas résonnant faiblement sur le carrelage froid.

Elle se sentait vide.

Un gouffre béant lui rongeait la poitrine.

Chaque mur, chaque odeur, chaque voix étouffée qu’elle croisait, tout lui rappelait son père. Son sourire fatigué. Sa main sur son épaule.

Et maintenant... plus rien.

Depuis l’enterrement, elle n’avait plus parlé à personne. À quoi bon ? Qui aurait écouté ? Qui aurait cru ?

Son regard se leva vers une grande baie vitrée, derrière laquelle la ville bourdonnait encore, indifférente.

Là, au cœur de la foule humaine, personne ne savait que le monde d’Elisara s’était écroulé.

Fuir.

L’idée la hantait depuis la première nuit. S'enfuir loin, hors d'atteinte. Devenir une ombre parmi les ombres. Disparaître.

Mais l’autre partie d’elle, plus forte peut-être, murmurait encore : Rester. Se battre. Protéger ce qu’il reste de lui.

Un frisson la traversa.

Elle se tourna lentement, les bras croisés sur son ventre, comme pour retenir les morceaux d’elle-même qui menaçaient de s’effondrer.

Et puis ce matin-là, le message était tombé.

Un appel du Conseil. Réunion exceptionnelle. Présence obligatoire.

Elisara avait lu les mots une dizaine de fois, incapable de respirer correctement.

Son cœur battait si fort dans sa poitrine qu’elle avait cru qu’il allait la trahir.

Elle savait. Elle savait que c’était Draven. Elle savait ce qu’il comptait faire. Officialiser sa prise de pouvoir.

Un vertige la saisit. Ses jambes vacillèrent, et elle dut s’appuyer au mur le plus proche pour ne pas s’effondrer.

Le souvenir du toit revint la frapper de plein fouet :

Le sang. La lame. Le sourire cruel de Draven.

Elle ferma les yeux, tentant de chasser l’image. En vain.

Et si elle parlait ? Et si, devant tous, elle dénonçait le meurtrier de son père ? Son estomac se noua.

Ils demanderaient des preuves. Ils exigeraient des faits. Et elle n’aurait que sa voix tremblante. Ses souvenirs déchirés. Sa douleur. Qui la croirait ?

Draven était rusé. Respecté. Aimé, même, par certains qui voyaient en lui un meneur capable de conduire la meute dans une nouvelle ère, plus dure, plus conquérante.

Face à lui, Elisara n’était qu’une jeune femme endeuillée, la voix brisée par la perte et la peur.

Ses doigts se crispèrent sur la manche de sa veste.

Non. Si elle parlait sans preuve, elle serait brisée.

Déshonore. Peut-être même bannie. Elle serait seule. Et son père... oublié comme une faiblesse.

Un sanglot monta dans sa gorge, qu’elle étouffa violemment.

Non. Pas ici. Pas maintenant. Elle se redressa lentement, se forçant à respirer calmement, même si l’air semblait lourd, coupant.

La réunion aurait lieu dans moins d'une heure. Un ultimatum silencieux pesait sur ses épaules. Rester silencieuse... ou se jeter dans la gueule du loup.

Un léger tremblement parcourut ses doigts alors qu'elle ajustait la fermeture de sa veste, cachant son désarroi sous un masque d'impassibilité.

Puis, lentement, Elisara marcha vers la salle du conseil, ses pas lourds mais décidés.

Autour de la grande table ovale en bois noir, les anciens de la meute étaient rassemblés, leur visage grave, impassible, comme taillés dans la pierre.

Elisara entra en silence, le cœur battant la chamade.

Elle sentait le poids des regards glisser sur elle comme des chaînes invisibles. Son ventre se noua. Elle s’assit sur la chaise laissée vide pour elle, tout au bout de la table, loin, terriblement loin de son père qui autrefois trônait en son centre.

Un vieil homme, Merrick, se leva avec difficulté. Sa voix tremblante résonna dans la pièce.

— Après la perte tragique de notre Alpha Kaelen, dit-il d'un ton lourd de chagrin, nous devons aujourd'hui décider de l'avenir de notre meute.

Il fit une pause. Ses yeux ridés se posèrent sur Elisara avec une sorte de tristesse résignée.

— Depuis des générations, expliqua-t-il lentement, c'est le fils de l'Alpha défunt qui reprend la tête de la meute. C'est la loi de notre sang. Mais Kaelen... n'a eu qu'une fille.

Un murmure discret parcourut la salle.

Elisara serra les accoudoirs de sa chaise si fort que ses jointures blanchirent.

— Par conséquent, poursuivit Merrick, tu es notre Luna. De par ton sang, ton héritage.

Un poids invisible sembla s'abattre sur ses épaules.

Elle se leva maladroitement, sa voix se brisant sous le poids de l'émotion.

— Je... je ne me crois pas à la hauteur, avoua-t-elle, la gorge nouée.

Son aveu flotta un instant dans l'air épais de la salle.

Un autre ancien, Brynn, un homme à la barbe grise taillée de près, se redressa brusquement.

— Et c'est bien naturel, répondit-il d'une voix dure.

Il toisa Elisara de haut en bas, son regard dur comme l'acier.

— Une femme seule... ne peut diriger une meute. Encore moins donner des ordres à des guerriers.

Un grondement d'approbation monta dans l’assemblée.

Les paroles les frappaient comme des flèches, précises, cruelles. Elisara sentit ses joues brûler de honte et de colère mêlées.

— Il est donc nécessaire, reprit Brynn, qu’elle trouve rapidement un compagnon. Un Alpha capable de la seconder, de parler en son nom.

Elisara balbutia, la gorge serrée.

— Je... je ne suis pas prête pour ça...

Son cœur hurlait. Non, elle ne pouvait pas. Pas maintenant.

Elle n'était pas capable d'aimer. Pas capable de se lier à un autre, alors que son père gisait encore dans la terre froide !

Un silence lourd s'abattit sur la salle.

C’est alors que Draven se leva lentement.

Chaque mouvement de son corps dégageait une assurance calculée. Ses yeux sombres se posèrent sur Elisara, brûlants d'une flamme que seul elle savait malsaine.

Son sourire était fin. Hypocrite.

— Puisque notre chère Luna n'est pas prête... déclara-t-il d'une voix douce, mielleuse, je me propose de prendre la direction de la meute, en attendant qu’elle trouve un compagnon digne de ce nom.

Un murmure excité parcourut la salle.

Certains hochèrent la tête. D'autres échangèrent des regards pesants.

Elisara sentit son estomac se contracter.

Draven s'avança de quelques pas, ses bottes martelant lentement le sol de pierre.

— Je m'engage, poursuivit-il, le regard brillant, à protéger la meute, à la guider avec sagesse... et, je l’espère, à conquérir le cœur de notre Luna dans les jours à venir.

Un frisson de dégoût parcourut la nuque d’Elisara.

Elle recula d'un pas instinctif, incapable de masquer son horreur. Ses mains tremblaient légèrement, serrées contre sa robe noire. Son souffle était court, douloureux, comme si l'air lui échappait peu à peu.

Non. Non, non, non.

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • L'ALPHA DE MON CŒUR    Chapitre 58

    Chapitre 58 : Vengeance L’ambiance dans le repaire de Driven était glaciale, épaisse de silence et de rancune. Assis dans un vieux fauteuil, un bol de soupe à moitié entamé entre les mains, Driven gardait les yeux fixés sur le feu mourant de la cheminée. Son torse nu laissait apparaître des cicatrices récentes, souvenirs de sa dernière confrontation avec Riven.Il porta lentement la cuillère à ses lèvres, grimaçant à chaque mouvement — son corps, bien que guéri, portait encore les marques du chaos.La porte s’ouvrit doucement dans un grincement. Un homme mince, vêtu sobrement, entra sans bruit. L’espion.Driven tourna lentement la tête vers lui, posant le bol sur une table basse. Son regard était tranchant comme une lame.— Tu es enfin là… murmura-t-il. Des nouvelles de notre cher Alpha ?L’espion hocha la tête, gardant la voix basse, presque confidentielle :— Oui. Riven et Elisara se sont mariés. Il est désormais officiellement Alpha King de la meute de la Lune Blanche… et aussi l

  • L'ALPHA DE MON CŒUR    Chapitre 57

    Chapitre 57 : Chambre nuptiale La chambre était plongée dans une lumière tamisée. Des bougies allumées parsemaient la pièce, diffusant un doux parfum de musc et de fleurs sauvages. Sur le lit, un drap blanc brodé aux symboles de la meute. L’atmosphère était chaude, intime, presque sacrée.Élisara entra la première, pieds nus, dans une robe fluide qui épousait sa silhouette. Ses cheveux étaient encore tressés de petites perles de lune, et son regard brillait d’un mélange de timidité et de désir.Riven la rejoignit peu après, refermant doucement la porte derrière lui. Il portait une simple chemise entrouverte, révélant la ligne de ses muscles et les cicatrices de ses batailles. Mais ce soir, il n’était ni alpha, ni guerrier. Il était simplement son homme.Un moment de silence s’installa entre eux, presque solennel. Leurs regards se croisèrent. Aucun mot ne fut échangé tout de suite. Riven s’approcha lentement d’elle, caressant du bout des doigts une mèche de ses cheveux.— Tu es magnif

  • L'ALPHA DE MON CŒUR    Chapitre 56

    Chapitre 56 : la cérémonie Du mariage Le silence régnait dans la pièce, seulement troublé par le froissement de la robe blanche qu’Élisara effleurait du bout des doigts. Elle se tenait devant le grand miroir ovale en bois clair, ses yeux posés sur son reflet. Son visage était lumineux, encadré par ses boucles brunes tombant en cascade sur ses épaules dénudées. La robe, fluide et élégante, mettait en valeur sa silhouette tout en douceur. Une couronne de fleurs sauvages ornait sa tête, symbolisant la terre, la nature, la meute.Elle caressa son ventre, puis sourit légèrement.— C’est fou, souffla-t-elle doucement. La deuxième fois que je me marie en moins d’un mois…La voix familière et calme de sa louve intérieure, Tea, s’éleva dans son esprit, chaleureuse et sereine.— Oui, mais cette fois… tu épouses l’homme que tu aimes. Ton véritable lien.Élisara baissa les yeux, les paupières frémissantes.— C’est vrai. Riven. Je n’aurais jamais cru que ça finirait comme ça. Lui et moi, unis… da

  • L'ALPHA DE MON CŒUR    Chapitre 55

    Chapitre 55 : Épouse Moi Les feuilles de l’arbre sacré frémissaient dans le silence, comme si elles chantaient une bénédiction ancienne. Tout autour, la forêt retenait son souffle.Riven attendait déjà là, debout, vêtu d’une chemise sombre entrouverte sur le torse, les pieds nus dans l’herbe fraîche. L’anneau dans sa poche semblait brûler contre sa peau, lourd de sens, brûlant d’émotion.Il entendit ses pas avant de la voir.Elisara apparut entre les troncs, vêtue d’une robe fluide couleur ivoire, les cheveux détachés, libres. Elle s’arrêta en le voyant, intriguée par la lueur dans ses yeux.— Tu voulais me parler ? murmura-t-elle.Il hocha lentement la tête, un sourire tendre aux lèvres. Il s’approcha d’elle, prit doucement sa main, puis la guida sous l’arbre.— Tu te souviens de cet endroit ? demanda-t-il, sa voix basse, vibrante.— Bien sûr… C’est ici que tu m’as embrassée la première fois, dit-elle en souriant, les joues rougissant légèrement.Il s’agenouilla alors. Lentement. D

  • L'ALPHA DE MON CŒUR    Chapitre 54

    Chapitre 54 : La mainLe portail gronda doucement en s’ouvrant. Les pneus du véhicule crissèrent sur le gravier. Riven coupa le moteur, mais ne bougea pas immédiatement. Il resta assis là, les mains crispées sur le volant, le cœur alourdi de souvenirs et de doutes. Puis, il sortit, une petite valise à la main, et inspira profondément l’air familier.Les lumières de la maison étaient encore allumées. En entrant, une odeur douce d’herbes chaudes et de miel lui chatouilla les narines. Dans le salon, Elisara était installée en tailleur sur le canapé, un plaid autour des épaules, les yeux rivés vers la porte.Quand elle le vit, elle bondit aussitôt sur ses pieds, les yeux brillants de soulagement.— Riven !Elle accourut vers lui, le serra contre elle avec force.— Tu m’as tellement manqué, murmura-t-elle, le nez enfoui contre son torse.— Toi aussi, dit-il en posant une main sur sa nuque, inspirant son odeur comme une bouffée d’oxygène.Elle se recula un peu, l’observant avec attention.—

  • L'ALPHA DE MON CŒUR    Chapitre 53

    Chapitre 53 : ParisLa voiture noire s’arrêta devant une maison élégante, discrète et bien gardée. Une barrière en fer forgé protégeait la bâtisse, dissimulée derrière une haie parfaitement taillée. Riven descendit en premier, vêtu sobrement, mais son allure imposante trahissait sa nature dominante. À ses côtés, sa mère sortit à son tour, les traits tirés, les mains nerveusement croisées devant elle.— C’est ici, murmura-t-elle. Anna et lui vivent là depuis plusieurs années. Il n’a jamais manqué de rien.Riven resta silencieux. Son cœur battait à une vitesse qu’aucune course de loup n’avait jamais provoquée. Il allait voir son fils. Son sang. Sa chair.Ils passèrent le portail, précédés par un majordome que la mère de Riven avait contacté à l’avance. La porte s’ouvrit sur une femme belle, mais fatiguée. Anna. Ses yeux s'écarquillèrent en voyant Riven. Un souffle lui échappa.— Riven…— Anna.Un silence lourd s’installa, plein d’anciens souvenirs, d’inachevés, de douleurs étouffées.—

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status