Caïn
Il se tient là, derrière nous, les poings serrés, son énergie magique crépitant autour de lui.
Dimitri soupire.
— Toujours à interrompre au mauvais moment, le sorcier.
Caïn l’ignore, son regard noir fixé sur moi.
— Elya, viens.
C’est un ordre.
Et une prière.
Je le sens.
Il est jaloux.
Furieux.
Mais aussi… blessé.
Je regarde Dimitri, puis Caïn.
Deux forces opposées.
Deux flammes brûlant dans des teintes différentes.
Et moi, au milieu du brasier.
— Elya, fais un choix.
Caïn me tend la main.
Dimitri ne dit rien.
Il me regarde simplement, attendant.
Ma poitrine se soulève sous l’intensité du moment.
C’est un tournant.
Un pas dans une direction…
Et je ne pourrai plus revenir en arrière.
Je sens mon sang bouillir.
Dimitri.
Ce vampire de malheur est bien trop proche d’elle.
Je l’ai vu.
J’ai vu la façon dont il la regardait, comme un prédateur patient, attendant qu’elle succombe à son attraction.
Et Elya…
Elle ne l’a pas repoussé.
Elle aurait dû.
Elle aurait dû choisir.
Mais non.
Elle reste là, entre nous deux, le regard égaré, luttant contre quelque chose qu’elle ne comprend pas encore.
Mais moi, je comprends.
— Elya, viens.
Ma voix est plus dure que je ne l’aurais voulu.
Mais c’est nécessaire.
Si je la laisse hésiter, si je lui laisse le choix, elle pourrait faire une erreur.
Elle pourrait le choisir.
Et ça, je ne peux pas le permettre.
Son regard oscille entre nous deux.
Dimitri ne bouge pas.
Il attend.
J’ai envie de le frapper.
De lui arracher ce sourire arrogant du visage.
Mais ce n’est pas lui qui doit faire un choix.
C’est elle.
— Je…
Sa voix tremble.
Elle baisse les yeux, comme si le poids de cette décision était trop lourd.
Et puis…
Elle se tourne vers moi.
Je retiens mon souffle.
Elle fait un pas.
Puis un autre.
Elle choisit.
Mon cœur martèle ma poitrine alors qu’elle s’approche.
Je tends la main, prêt à l’attraper, à la garder contre moi, à lui montrer qu’elle n’a pas besoin d’un autre.
Mais au moment où elle effleure mes doigts…
— Elya.
La voix de Dimitri claque comme un murmure interdit.
Elle s’arrête net.
Je vois son corps frémir.
Elle se fige.
Elle lutte.
Et cette hésitation me rend fou.
— Tu as fait ton choix, Elya.
Je resserre mes doigts sur sa main, l’attirant d’un coup vers moi.
Elle bascule contre mon torse, et je la tiens fermement, mon regard verrouillé sur celui de Dimitri.
— Ne recommence pas.
Dimitri esquisse un sourire, mais cette fois, il est plus sombre.
— Oh, je recommencerai.
Son regard descend vers Elya, et quelque chose passe entre eux.
Quelque chose que je ne peux pas ignorer.
Il la désire.
Et le pire…
C’est que je ne suis pas sûr qu’elle le rejette complètement.
Je sens son souffle court contre mon cou.
Son corps tendu contre le mien.
L’attraction entre nous est indéniable.
Mais celle entre elle et Dimitri…
Elle est différente.
Dangereuse.
— Viens avec moi.
Ma voix est plus douce maintenant, un murmure contre son oreille.
Elle hoche lentement la tête.
Et cette fois, elle me suit sans se retourner.
---
Elya
Je sens encore le regard de Dimitri sur moi alors que Caïn m’entraîne loin de lui.
Mon cœur bat à tout rompre.
Je ne comprends pas.
Pourquoi suis-je liée à eux deux ?
Pourquoi cette brûlure sous ma peau, ce besoin oppressant qui m’écrase dès qu’ils sont près de moi ?
— Tu as hésité.
La voix de Caïn brise le silence alors que nous nous arrêtons près d’un grand chêne.
Je sursaute légèrement.
Il me fixe, son regard intense, sa mâchoire crispée.
— Non.
— Ne mens pas.
Je détourne les yeux, incapable de soutenir cette vérité.
Caïn s’approche.
— Tu ressens quelque chose pour lui.
Sa voix est rauque, pleine d’un feu que je connais trop bien.
— Non… murmuré-je, presque dans un souffle.
Mais il ne me croit pas.
Et je ne suis même pas sûre de me croire moi-même.
Il tend la main, effleure ma joue du bout des doigts.
Je retiens un frisson.
— Dis-moi que tu ne veux que moi.
Sa proximité est étouffante.
Je sens son odeur, ce mélange de magie et de bois brûlé qui me fait tourner la tête.
Il est trop près.
Trop intense.
— Caïn…
Son autre main attrape ma taille, me tirant brusquement contre lui.
Mon souffle se coupe.
Son front vient se poser contre le mien.
— Dis-le.
Son regard est un piège.
Un gouffre.
Et je suis en train d’y sombrer.
— Je…
Ses lèvres frôlent les miennes.
Lentement.
Une caresse à peine perceptible.
Mais l’impact est dévastateur.
Je me tends.
Mon cœur cogne si fort que j’en ai mal.
Caïn…
Il me consume.
Il veut me posséder.
Et moi…
Je veux être à lui.
Mon corps bouge de lui-même.
Mes mains s’accrochent à ses épaules.
Et alors que nos lèvres allaient enfin se rejoindre…
— Ça suffit.
Je me fige.
Caïn aussi.
Dimitri.
Il est là.
Encore.
Sa silhouette se dessine dans l’ombre des arbres, et son regard est différent.
Plus froid.
Plus dangereux.
— Tu ne la forceras pas à choisir, sorcier.
Caïn se raidit contre moi.
— Elle a déjà choisi.
Dimitri s’avance lentement, son aura sombre s’étendant autour de nous comme un voile de ténèbres.
— Non. Elle a juste eu peur.
Je frémis.
Parce que ses mots sonnent juste.
Parce qu’une part de moi sait qu’il n’a pas tort.
Caïn serre les dents.
Sa magie crépite autour de lui, prête à exploser.
— Tu n’as rien à faire ici, vampire.
— Je suis lié à elle autant que toi. Tu crois que je vais juste disparaître ?
Le silence s’installe.
Tendu.
Explosif.
Dimitri me regarde maintenant.
Son regard s’adoucit légèrement.
— Tu ne peux pas nous fuir, Elya.
Je retiens mon souffle.
Mon cœur bat trop vite.
Je suis piégée.
Entre deux forces.
Entre deux feux.
Et je n’ai aucune idée de comment en sortir indemne.
(Elya)---Nous marchons.Pas pour fuir. Pas pour chercher.Nous marchons parce que nous en avons décidé ainsi.Le couloir s’efface lentement derrière nous. Ce couloir qui fut tour à tour prison, sanctuaire, labyrinthe. Il nous a tenus en otages de nos douleurs et de nos espoirs. Il nous a mis face à nos pires reflets. Il nous a séparés autant qu’il nous a liés.Mais maintenant, ce n’est plus lui qui trace notre route. C’est nous.Le silence qui nous enveloppe n’a plus la texture de la peur. Il n’a plus le goût de l’attente. Il est doux. Habité. Dense. Chaque pas que je fais vibre dans mes os. Je sens la pierre sous mes pieds, l’air s’élargir autour de moi, la lumière qui grandit. Et je sens Caïdrian à mes côtés.Pas comme une menace.Pas comme un souffle qui m’épie.Mais comme une évidence.Nous sortons. Le ciel est immense. Le vent est franc, piquant. La lumière du matin nous tombe dessus comme une gifle tendre. Mes yeux pleurent un peu, sans tristesse. C’est la brûlure de la renais
(Elya)---Nous marchons. L’un à côté de l’autre. Silencieux. Mais ce silence n’est plus vide.Il pulse.Comme une respiration nouvelle. Comme un cœur qu’on aurait cru mort, et qui recommence à battre.Le couloir semble s’étirer à l’infini, ce long ventre de pierre que nous quittons enfin. Il y a encore l’écho de tout ce qu’on y a vécu. Les cris tus. Les visages qu’on a croisés. Ceux qu’on a aimés, détruits, pardonnés. Tout ce qui nous a modelés, arrachés, défaits. Chaque pierre a gardé une empreinte de nous.Mais je n’ai plus peur de la distance. Le poids de mes pas ne m’écrase plus. Chaque mouvement est un acte de volonté. Ce n’est plus une fuite. Ce n’est plus une quête. C’est un choix.Et dans ce choix, il y a Caïdrian. Et il y a moi.Pas l’ancienne moi. Pas le fantôme brûlé par les vies passées. Pas l’éclat blessé qu’il a tant cherché à réparer.Moi, ici. Maintenant. Entière. Debout.Et libre.Je ne le regarde pas. Je n’ai pas besoin. Il est là, à la lisière de moi. Comme un ryth
(Elya)---Je ferme les yeux.Et dans le silence, les cendres recommencent à tomber.Pas du feu. Pas de la destruction.Mais d’un souvenir ancien. Un temple brûlé. Une promesse faite dans l’ombre. Une main tendue vers moi, que j’avais refusée, alors. Trop tôt. Trop fort.Aujourd’hui, je ne la repousse plus.---(Caïdrian)---Ses paupières closes, son visage tendu vers moi, comme une offrande. Pas de soumission. Pas de pardon. Juste cette ouverture totale, vulnérable, vertigineuse.Je pose ma main sur la sienne, là où elle sent mon cœur. Et je la couvre de mes doigts, doucement, comme si ce geste pouvait effacer tous les siècles de douleurs, toutes les incarnations manquées, toutes les fois où je l’avais perdue.Elle est là. Pas un écho, pas une illusion. Elya. Entière. Brisée et reconstruite. Elle n’a plus peur. Et je le sens, au plus profond de moi : c’est elle qui me tient désormais en vie.« Ce que nous avons traversé… » Ma voix est rauque, presque étranglée. « Ce que je t’ai fait
(Elya)---La lumière m’aveugle. Elle ne m’enveloppe pas — elle me transperce. Chaque cellule de mon corps semble exploser dans cette clarté absolue, comme si j’étais faite de verre et que je venais de voler en éclats. Je ne tombe pas, je suis arrachée. Arrachée au monde, à lui, à moi.Le sol se dérobe, le ciel s’effondre, et dans cette chute sans fond, il ne reste que la sensation d’un arrachement. Je veux crier, mais aucun son ne franchit mes lèvres. L’air n’existe plus. Le temps non plus. Il n’y a que ce vertige, cette chute intérieure, comme si mon âme elle-même était dissoute dans un océan d’échos oubliés.Puis… le silence. Épais, absolu. Il me plaque contre un sol froid, rugueux. Mes yeux s’ouvrent, lents, comme s’ils traversaient plusieurs vies avant d’atteindre cette réalité. La lumière a disparu. L’espace est nu, gris, suspendu dans une brume translucide.Je ne suis pas seule.Elle est là.La silhouette se tient devant moi, immobile. Elle ne parle pas. Elle n’a pas besoin. El
(Elya)---L’air est plus lourd ici. Il vibre d’une énergie étrange, une force qui semble se concentrer au centre de cette immense pièce. La lumière qui nous a guidés jusqu’ici vacille, projetant des ombres déformées sur les murs. Et alors que nous franchissons ce seuil invisible, je sens que quelque chose a changé. Comme si chaque pas nous rapprochait davantage de la vérité, mais aussi du danger.Caïdrian marche devant moi, chaque mouvement, chaque geste chargé d’une détermination que je n’ai jamais vue auparavant. Ce n’est plus simplement lui qui avance avec moi, mais une version de lui-même que je n’ai jamais connue. Un homme qui a fait face à des vérités qu’il n’aurait jamais voulu connaître. Un homme qui semble accepter que ce qui nous attend ici, dans cette salle, changera tout.Je n’ai pas le temps de réfléchir davantage, car la pièce devant nous semble prendre forme. Ce n’est pas une simple chambre, ni une salle. C’est un lieu. Un lieu ancien, marqué par une présence imposante
(Elya)---La chaleur du tunnel se dissipe progressivement, remplacée par un froid glacé. La lumière, faible mais persistante, éclaire à peine notre chemin. Chaque pas résonne dans ce vide oppressant. Je serre ma main autour de celle de Caïdrian, mais même son contact, habituellement un réconfort, semble moins solide, moins ancré. Une étrange sensation m’envahit, une peur sourde, presque viscérale. Cette sensation que nous ne sommes pas seuls.Le regard de Caïdrian ne me quitte pas, mais il semble plus distant, comme si une part de lui-même s’éloignait de ce qui nous attend. Ce monde, cet endroit, semble avoir pris une emprise sur lui que je n'arrive pas à comprendre. Il n’a pas dit un mot depuis un long moment, et cette absence me ronge.Je voudrais briser le silence, le sortir de ses pensées sombres, mais une question m'obsède. Le lien que nous partageons… N’est-il pas plus qu’une simple promesse d’amour ? Est-ce une malédiction, un destin inéluctable ? Et si cette silhouette avait