Deborah sentit une chaleur envahir son visage, ses joues s’empourprant sous l’effet de la gêne. Ses mains tremblaient légèrement alors qu’elle tentait de reprendre contenance, mais l’agitation à l’intérieur d’elle restait vive. Le regard de JonathanCarter, ce prétentieux de 27 ans, la frôlait à peine, mais elle le ressentait comme une brûlure. Grand, musclé, avec des cheveux châtains coupés court et des yeux bleu acier, il était sans doute l’un des hommes les plus beaux qu’elle ait jamais croisés. Et pourtant, chaque fois qu’elle le voyait, ce n’était pas son physique qui captait son attention, mais son arrogance, cette façon de toujours la mettre mal à l’aise ou de la provoquer, comme s’il se nourrissait de sa gêne.
Cela faisait des années qu’il avait ce pouvoir sur elle, depuis l’incident qu’elle aurait préféré oublier. Elle n’avait que 15 ans à l’époque, naïve et pleine de confiance en ses premiers amours. Elle n’aurait jamais cru que ce moment intime, cette première expérience, se terminerait ainsi. Mais Jonathan l’avait trouvée, en pleine situation embarrassante, à l’arrière d’une voiture, avec son petit ami de l’époque. Le garçon, plus vieux de trois ans, s’était enfui, et elle s’était retrouvée, rouge de honte, face à Jonathan. Il avait ouvert la porte avec cette nonchalance qu’il savait si bien avoir, et elle s’était précipitée hors du véhicule, furieuse, se demandant ce qu’il venait faire dans cette histoire.
La gifle qu’elle lui avait donnée, son cœur battant la chamade, n’avait été qu’une réaction impulsive. Mais Jonathan, d’un calme glacial, lui avait rendu la monnaie de sa pièce, avec une brutalité qui l’avait laissée sans voix. Elle n’oublierait jamais la colère dans ses yeux, ni la menace qu’il lui avait lancée, à bout portant.
— Je vais aller voir ton frère. Après tout, c’est mon meilleur ami, pas vrai ?
Elle n’avait pas eu de nouvelles pendant tout le week-end, mais l’angoisse de cette menace l’avait rongée. Le silence était resté pesant, sans réponse, et elle n’avait jamais su si Jonathan avait vraiment parlé à son frère. Si ce dernier savait quoi que ce soit de ce qui s’était passé, ou si cette menace n’était qu’un autre de ses jeux cruels. En attendant, son petit ami l’avait lâchée, sans explication, par un simple message : “Tout est fini !”
Depuis ce jour, chaque rencontre avec Jonathan l’avait poussée à l’éviter encore plus. À chaque fois, elle longeait les murs, fuyant son regard, se cachant derrière ses pensées. Même lors de l’enterrement de son parrain, un homme qu’elle avait aimé, elle était restée loin de lui, préférant garder sa distance plutôt que de se retrouver face à cet homme qu’elle n’avait jamais su comment appréhender.
Ils n’avaient rien en commun. Rien. Pas même un semblant d’affinité. Elle le détestait profondément, et ce n’était un secret pour personne.
Elle avait l’impression de s’égarer dans ses pensées lorsque la secrétaire les appela.
– Monsieur Carter, Mademoiselle Miller.
Jonathan lui offrit un sourire poli et la salua avant de s’installer à ses côtés. Elle s’assit d’un air presque figé, ignorant délibérément la présence de Jonathan à côté d’elle. Le notaire entama alors les formalités, expliquant que l’héritage en question était assez conséquent. Elle toucherait une première partie à la signature, puis une seconde dans cinq ans. Deborah sentit alors le regard de Jonathan se poser sur elle, et un léger sourire se dessiner sur ses lèvres. Quelque chose dans son attitude la perturba. Pourquoi ne semblait-il pas plus affecté par cette situation ? Pourquoi acceptait-il aussi calmement de partager cet héritage avec elle, une simple filleule, sans lien familial direct ?
Elle se demanda s’il comprenait réellement la situation, ou s’il était juste indifférent. Elle avait du mal à saisir son calme. Lui, qui n’avait jamais accepté quoi que ce soit de ses proches, qui semblait toujours si imbu de lui-même.
– Bon, je signe où ? lança-t-elle sèchement, les yeux toujours rivés sur le document, espérant que la conversation s’arrête là.
Deborah jeta un coup d’œil à sa montre, un malaise grandissant à mesure que le regard de Jonathan pesait sur elle. Il affichait le même air satisfait que ce jour-là, lorsqu’il l’avait giflée. Cette pensée raviva sa gêne, et elle n’eut qu’une seule envie : quitter ce bureau au plus vite. Après tout, elle n’avait aucune emprise sur ce que le père de Jonathan voulait faire. Elle avait suffisamment pris soin de lui durant sa maladie, sans rien attendre en retour.
Elle l'avait tant aimée aussi.
Elle prit un stylo et commença à parapher les feuilles, signant sans lire, sous l’œil perplexe du notaire.
– Vous ne lisez pas les termes du contrat ? demanda-t-il, étonné.
– Non, je vous fais confiance. Et puis, je n’ai pas trop le temps non plus ! répliqua-t-elle.
– Mais je ne vous ai rien dit encore, Mademoiselle. Vous ne devriez pas vous emballer à tout signer comme ça. On ne peut pas revenir en arrière, et…
– Je vais être en retard au travail aussi, coupa-t-elle net.
– Laissez faire, Maître ! répondit Jonathan d’une voix presque moqueuse.
Elle lui lança un regard noir, mais il lui répondit par un large sourire.
Une fois tout signé, elle tendit les papiers au notaire, qui la regarda avec étonnement et ajouta :
– Vous ne lisez pas les termes ? Vous savez que vous venez d’accepter de vous marier à Monsieur Carter Jonathan ici présent et de lui faire un descendant ?
Elle éclata de rire.
– J’adore votre humour !
Mais soudain, elle réalisa que le notaire ne riait pas. Elle tourna la tête vers Jonathan, qui semblait étrangement détendu. Il prit les papiers et signa à son tour.
– C’est une stupidité ? demanda-t-elle, stupéfaite.
– De signer sans lire, oui, répondit Jonathan, un sourire en coin tout en continuant de signé.
Le notaire, lui, ne souriait pas. Deborah commença à se sentir mal.