LIORLe salon réservé à la réunion est vitré sur trois côtés, avec une vue panoramique sur la mer. Mais aucune de ces vagues ne m’apaise.Elles me rappellent Maya.Sa peau. Son silence. Ses yeux encore endormis ce matin. Cette lumière qui se fissure lentement en elle. En moi.Et cette foutue peur qui me ronge depuis qu’elle est entrée dans ma vie.Pas la peur de la perdre. Non, ça, c’est facile à nommer. C’est l’autre peur. Celle de ce que je deviens quand elle est là. Celle de tout ce que je suis prêt à sacrifier pour une seule nuit de paix avec elle.Face à moi, Valdo est déjà là.Il s’est installé avant moi, comme toujours. Stratège dans l’âme, fauve sous contrôle. Il observe la pièce, jauge les sorties, mémorise les visages. Ses doigts tournent sa bague lentement, tic nerveux que je connais depuis l’enfance. Il n’est jamais nerveux pour rien.— Elle est là, dit-il enfin.Trois mots. Rien de plus. Mais c’est suffisant.Mon estomac se serre. Je reste immobile, le dos droit, les yeux
MAYALe matin s’étire doucement, feutré, presque irréel.Les rideaux laissent passer une lumière dorée, filtrée par les voilages crème. La mer, en contrebas, respire lentement contre le rivage, comme si elle imitait notre propre souffle. Il n’y a pas un bruit, hormis celui discret des vagues qui lèchent les rochers, loin en bas. Même les oiseaux semblent respecter la quiétude de cette suite hors du monde.Je suis réveillée depuis quelques minutes déjà, mais je ne bouge pas. Je reste là, allongée contre lui, à observer son profil dans la lumière du matin. Ses traits sont lisses, presque paisibles. Pourtant, je le connais assez désormais pour déceler les signes subtils. Le léger froncement entre ses sourcils. La tension sous sa mâchoire. Son souffle, trop régulier pour être celui d’un dormeur réel.Lior ne dort pas.Ou s’il dort, ce n’est jamais complètement. Son corps se repose, mais son esprit veille, toujours. Aux aguets. Prêt.Sa main est posée contre ma hanche, chaude, protectrice,
MAYAQuand je rouvre les yeux, le plateau est vide.Le soleil s’est levé un peu plus haut, filtrant à travers les rideaux comme un rappel discret que le monde continue à tourner, même si nous, on a décidé de l’arrêter pour une nuit.Lior n’est plus allongé à côté de moi. Un frisson me traverse non pas de froid, mais de ce vide que son absence immédiate laisse toujours derrière lui.Je tends l’oreille.Dans la pièce d’à côté, un murmure. Une voix grave, posée, basse. Il parle au téléphone. Son ton est calme, presque détaché, mais je reconnais cette tension feutrée quand il évoque des chiffres, des lieux, des noms que je ne comprends pas. C’est son autre monde. Celui qu’il garde à distance de moi… mais qui finit toujours par nous rattraper.Je reste immobile, les bras serrés autour de moi, le drap remonté jusqu’au menton. Le silence est doux, oui, mais un peu plus fragile qu’il ne l’était tout à l’heure. Comme si le refuge qu’on s’était construit pendant la nuit commençait déjà à se fis
MAYAC’est la chaleur de sa main sur ma hanche qui me réveille.Pas une alarme.Pas un sursaut.Pas un cauchemar.Juste lui.Lior.Je garde les yeux fermés un instant. Je veux prolonger cette illusion douce. Mon corps est lourd mais apaisé, enveloppé d’une torpeur rare, celle qui ne vient qu’après un amour véritable, sans mots inutiles, sans masque.Sa paume caresse lentement ma peau nue, comme pour vérifier que je suis bien réelle. Comme s’il avait peur que je m’efface.Ses doigts tracent des cercles lents, presque pensifs, sur ma hanche, puis sur le bas de mon dos. Il n’a pas besoin de parler. Son toucher dit tout. Je sens la chaleur de son corps contre le mien, le rythme calme de sa respiration, cette paix presque irréelle qui nous entoure.Je finis par ouvrir les yeux.La lumière du matin filtre à travers les rideaux entrouverts. Elle est pâle, dorée, presque timide. Elle caresse les draps défaits, s’infiltre sur nos peaux mêlées, dépose des reflets d’ambre sur ses cheveux sombres
MAYAJe n’ai pas dormi.Pas vraiment.Pas profondément.Depuis des jours, peut-être des semaines, mon corps reste en alerte, même quand mes paupières se ferment. Même quand la fatigue me broie les os. Même quand mes pensées s'effilochent dans le vide. C’est comme vivre dans un souffle suspendu.Mais cette nuit…Il est là.Et c’est peut-être la seule chose qui empêche mon cœur de se fissurer une fois de plus.Je le sens avant même que ses pas ne trahissent sa présence. Avant même que le loquet ne grince. C’est dans l’air. Dans ce battement en moins. Dans ce frisson qui me traverse comme une onde. Il approche. Il hésite. Il entre.Je ne me retourne pas tout de suite.Je reste dos à lui, assise sur le lit, la chemise de nuit glissant sur une épaule nue. La lune découpe mon corps à travers la fenêtre. Je suis vulnérable, exposée, mais je m’en fiche.Je veux qu’il me voie comme ça.Pas forte. Pas armée. Pas protégée par ma rage ou mes silences.Juste Maya.Quand il referme la porte derrièr
LUCIAIl ne dit rien.Et c’est justement ce silence qui me brûle plus que n’importe quel mot.Je suis là, debout, les poings crispés, la gorge nouée, le cœur en ruine, et lui… il reste là, figé, à détourner les yeux comme si affronter ma douleur serait un poids trop lourd.Je me sens trahie.Pas par un ennemi, non.Mais par lui.Par celui qui devait être mon refuge, mon roc, ma protection quand tout s’écroule.Et dans notre monde, quand tout s’écroule… les corps tombent avec le silence.— Tu savais… Tu sentais qu’elle était là, pas vrai ? chuchoté-je, la voix chargée d’un venin que je peine à retenir.Lior lève lentement la tête vers moi. Son regard est fatigué, un peu perdu, mais surtout… coupable.Il a ce regard qu’ont les soldats revenus trop tard du front.Je n’ai pas besoin d’une réponse.Je la vois. Je la sens.Il a ressenti l’ombre. Il l’a sentie rôder.Et il n’a rien fait.— Lucia, ce n’est pas si simple…— Pas si simple ? Je ris, un rire amer, blessé. Tu trouves ça compliqué,