GABRIELJe ne voulais pas venir.Je me le répète à chaque pas, comme une excuse, comme une supplique. Je ne voulais pas. J’avais juré. J’avais prié jusqu’à ce que mes lèvres saignent. J’avais courbé l’échine sous la croix, imploré qu’on m’arrache ce feu du ventre. Mais la nuit m’a repris.Deux semaines. Quatorze nuits sans sommeil.Elle me hante. Son rire perce mes rêves comme une lame, ses mains griffent ma peau endormie. J’ouvre les yeux et j’entends encore sa voix. Je ferme les paupières et je vois son visage. La haine, la prière, l’eau bénite… rien n’y fait. Tout se renverse. Tout devient faim.Alors je marche.Le manteau collé à ma peau, le souffle court. Les ruelles me jugent, chaque pierre résonne comme un glas. Le vent me gifle, mais c’est en moi que brûle la braise.Je ne voulais pas venir.Mais je ne pouvais pas faire autrement. Elle me manque trop.Son absence est un gouffre qui m’avale. Sa présence, un incendie. Mais entre les deux, je préfère brûler.Et me voilà.Minuit.
GABRIELJe ne dors pas.Je crois que je n’ai plus jamais dormi depuis cette nuit. J’ai fermé les yeux, oui, mais ce que j’ai vu n’avait rien de reposant. Ce n’était pas du sommeil, c’était une descente.Car elle est là.Clémence.Assise au bord de mon lit. Ses cheveux gouttent d’une pluie qui n’existe pas. Sa robe se colle à elle comme une seconde peau, et son sourire fend la nuit comme une blessure ouverte. Ce sourire… ce n’est plus le sien. Ce n’est plus doux, ni fragile. C’est un sourire qui dévore.Je cligne des yeux. Le lit est vide. Le bois craque. L’air est immobile. Mais dans l’ombre du mur, quelque chose bouge. Une silhouette qui n’a pas le droit d’être là. L’ombre s’étire, se déploie, épouse ses formes. Des hanches. Des épaules. Des lèvres. Et cette voix… cette voix que j’ai cru mienne à jamais, elle résonne encore.— Gabriel…Mon sang se glace.Je plaque mes mains sur mes oreilles, mais le son ne me quitte pas. Elle ne parle pas. Elle pénètre. Elle infiltre ma chair, se gli
GABRIELJe cours. Je cours comme un possédé, comme si derrière moi les flammes de l’enfer s’étaient levées pour me happer. La pluie fouette mon visage, lacère mes yeux, brouille tout. Mais je ne ralentis pas. Si je m’arrête, je meurs. Si je m’arrête, je me noie dans ce que j’ai fait.Chaque pas est un cri muet. Chaque battement de mon cœur est un coup de marteau qui résonne dans ma poitrine. Tu as péché. Tu as chuté. Tu as trahi.Je pousse la porte du presbytère d’un geste brutal. Elle claque contre le mur. Le silence m’avale aussitôt. Ce silence-là, je le connais : il n’est pas paix, il est jugement. Il est ce vide qui attend ma confession, ce vide qui m’accuse.Je titube dans le couloir, trempé jusqu’aux os, et j’arrache ma soutane comme on arrache une peau infectée. Elle tombe sur les dalles, lourde, imbibée d’eau et de honte. Je voudrais la brûler. Tout brûler.Dans ma chambre, je claque la porte, bascule contre elle et mes jambes cèdent. Je tombe à genoux. Le bois du plancher m’a
CLÉMENCEJe marche sous la pluie, les bras serrés contre ma poitrine, incapable de contenir le sourire qui me dévore. La nuit colle à ma peau, les gouttes ruissellent sur mes cheveux emmêlés, mais je m’en moque. Tout brûle encore en moi. Chaque pas résonne comme une victoire.Il m’a prise. Enfin.Je sens encore son poids, sa chaleur, sa violence. La marque de ses mains sur mes hanches, la morsure de ses doigts sur mon poignet, ses coups profonds qui m’ont brisée et révélée en même temps. Rien ne peut effacer ça. Pas même sa haine.J’arrive devant ma porte, trempée, essoufflée. Je glisse la clé, entre dans mon appartement sombre. Le silence m’accueille, doux, rassurant. Je laisse mes vêtements s’écraser au sol, un à un, sans y prêter attention. Mes pas nus collent au parquet.La salle de bain m’attire comme un refuge. J’ouvre le robinet, l’eau jaillit en cascade brûlante. Je me glisse sous la douche, ferme les yeux. L’eau coule sur ma peau, emporte la sueur, le sel, l’odeur de son corp
GABRIELLe silence est une lame.Elle s’enfonce en moi plus profondément que ses cris, plus profondément que son corps. Elle me brûle de l’intérieur.Je suis encore en elle. Je le sens. Et déjà la haine revient, sourde, étouffante, comme une marée noire qui me submerge.Je me dégage d’un geste sec, presque violent. Elle gémit à peine, un souffle coupé, et son corps retombe lourdement sur le matelas froissé. Son souffle est court, haché. Ses cuisses restent entrouvertes, marquées par mes mains, par ma rage.J’ai envie de vomir.Je me redresse, chancelle, la sueur coule de ma nuque à mes reins. Mon cœur cogne si fort que j’ai l’impression qu’il va éclater. Mes mains tremblent encore. Je les regarde comme si elles ne m’appartenaient pas.Des mains d’homme. Ou des mains de monstre.Elle tourne la tête vers moi. Ses yeux luisent dans la pénombre, encore humides. Et ce sourire. Ce putain de sourire, léger, presque invisible. Comme si elle avait gagné.— Ne… ne me regarde pas comme ça.Ma vo
CLÉMENCEIl est en moi.Enfin.Et il me baise comme si c’était la seule façon de m’effacer.Sa première poussée est un coup de tonnerre, me déchire d’un seul élan, profond, sans pitié. Un cri rauque m’arrache la gorge, incontrôlable. Mes cuisses se crispent autour de ses hanches, l’attirant plus fort encore. Il grogne, animal, ses doigts s’enfonçant dans ma chair.— Putain… Clémence…Sa voix tremble, basse, étranglée. Pas de tendresse, rien qu’une colère brûlante et un désir qu’il tente d’étouffer sous la brutalité. Ses reins claquent contre les miens avec un rythme violent, sec, régulier, qui me fait perdre tout contrôle.Chaque fois qu’il s’enfonce, je me sens me fendre, m’ouvrir davantage. La douleur se mêle au plaisir, indissociable, et je m’y abandonne.Je me cambre sous lui, attrape ses cheveux trempés de pluie, les tire vers l’arrière d’un geste brutal.— Plus fort, Gabriel… encore…Il m’écrase sous son poids, ses mains me plaquent au matelas. Ses coups deviennent sauvages.— T