9 janvier
Il pleut comme vache qui pisse. C'est le matin et je roule en voiture avec mon petit frère de sept ans pour le déposer à l'école, avant d'affronter mon premier jour de travail.
Vingt kilomètres de trajet à travers les forêts d'Ecosse, et une pluie effroyable.
À mi-chemin, j'aperçois un jeune homme et une femme avec leurs capuches sur la tête et deux gros sacs à dos noirs. Ils marchent courbés, avec leurs pouces en l'air en signe d'auto-stop.
J'active mon clignotant, et une fois à leur niveau, je baisse ma fenêtre pour leur dire :
—Désolé mais je ne peux pas vous prendre.
—Quoi ? s'indigne le jeune homme brun.
Il relève un peu sa capuche noire, et me dévisage avec ses grands yeux marrons d'un air ahuri.
—T'as dit quoi ?
—J'ai dit que je ne peux pas vous prendre. Désolé.
Je redémarre la voiture avec un sourire désolé aux lèvres.
—Attends ! crie le jeune homme.
Deuxième réflexe à la con: écouter un inconnu alors que la sonnerie de l'école va retentir dans environ vingt minutes.
Fait chier.
Je me gare de nouveau un peu plus loin sur le bas-côté.
—Pourquoi tu t'es arrêté ? s'étonne le jeune homme avec un regard espiègle.
—Tu m'as dit d'attendre !
—Tu peux nous déposer à Édimbourg ?
Un long soupir s'échappe de mes lèvres.
—Je t'ai dit que je ne peux pas vous prendre.
—Et pourquoi ? T'as de la place dans ta voiture !
—Je dois ramener mon petit frère à l'école, et après je file travailler.
—Tu vas où ?
—À Édimbourg.
Ses yeux s'arrondissent encore plus.
C'est à ce moment-là que je découvre que des yeux marrons peuvent virer noisettes.
La portière passager s'ouvre brusquement, et le jeune homme saute dans ma voiture.
—Hé ! je m'offusque.
Il jette son sac sur la banquette arrière, avant de me lancer un grand sourire qui illumine ses dents blanches.
—On va au même endroit. Ne fais pas la gamine.
Agacée, surtout profondément énervée qu'un inconnu se permette de rentrer dans MA voiture comme ça, je démarre en trombe.
Les doigts crispés sur le volant, la colère gronde en moi. Je roule vite, très vite, en évitant de le regarder. Je n'ai qu'une hâte : ne pas arriver en retard à l'école.
—On arrive dans dix minutes, je marmonne à mon petit frère Noah. Ne t'inquiètes pas.
Aucune réponse.
—Noah ?
Soudain affolée, je cherche mon petit frère du regard dans le rétroviseur, puis tourne la tête vers la banquette arrière, avant de constater avec effroi qu'il n'est plus là.
Mon cœur s'arrête de battre, et la voiture avec.
—Putain ! Il est où ?
Nullement perturbé, le jeune homme s'essuie son visage trempé avec la manche de sa veste. Il passe ensuite sa main dans ses cheveux noirs avec une nonchalance qui me rend folle.
—Mon petit frère, il est passé où ? Et la fille qui était avec toi ?
Sans me jeter un regard, il répond :
—On les a laissé là-bas.
—Quoi ?! Comment...
Prise d'un état de stress incontrôlable, je braque le volant pour vite faire demi-tour.
Comment mon petit frère est sorti de la voiture sans que je m'en aperçoive ?
Je conduit comme une demeurée jusqu'à l'endroit supposé où ce jeune homme a sauté dans ma voiture.
Plus rien n'a d'importance, juste la panique de retrouver mon petit frère que j'ai laissé au beau milieu de nul part...avec une inconnue ?
Quelques minutes plus tard, je le retrouve sain et sauf sur un bas-côté auprès de la forêt.
Je sors comme une furie de la voiture pour aller le serrer fort dans mes bras.
Avec un grand sourire aux lèvres, il me présente sa nouvelle copine, la femme qui faisait l'auto-stop : "Elodie".
Toujours dans un état second d'avoir laissé mon petit frère sortir de la voiture sans que je m'en aperçoive, je snobe la femme et pousse Noah dans la voiture. Je veille à ce que sa ceinture de sécurité soit bien attachée, avant de claquer la portière pour aller m'installer sur le siège passager.
—Alexandro, je crie au jeune homme qui était sorti de la voiture, on y va !
Il éclate de rire avant de rétorquer :
—Jaden ! Je m'appelle Jaden !
Il s'installe derrière le volant, la rousse prend place sur la banquette arrière avec mon petit frère, et cette voiture démarre enfin.
Mercredi matin, 10h.Je fixe depuis trente minutes ce vieux portail en fer, derrière lequel se trouve la maison de retraite qui accueille ma cousine.Je n'ai pas dormi de la nuit.J'étais fou d'inquiétude pour Léna.Est-ce qu'elle va bien? Est-ce qu'elle s'est encore barrée de chez elle à cause du boloss, et qu'elle n'a pas osé venir chez moi ?Pourquoi elle ne m'appelle jamais quand ça ne va pas ?J'écrase ma troisième cigarette, enfin décidé à aller voir ma cousine.Je suis sûr que Léna est venue bosser même si j'ai prévenu la secrétaire lundi qu'elle ne viendrait pas de toute la semaine.J'aurais tellement voulu qu'elle reste avec moi ce jour-là, et même toute la nuit comme je lui avais proposé, mais cette fille fuis les hommes autant qu'elle les ensorcelle.Une fois à l'intérieur de cette maison de retraite de bourges, l'hôtesse de l'accueil m'indique poliment le numéro de la chambre de ma cousine : numéro 23, deuxième étage.Mon courage en main, cinq minutes plus tard je me tiens
Point de vue JADEN—Parce que je voulais prendre l'air. J'étouffe là-bas !Les bras croisés sur sa poitrine, ses magnifiques yeux verts s'ancrent en moi de manière désespérée.La voir encore plus fragile que d'habitude, là juste devant moi, sous mon toit, me rend encore plus fou d'elle.Je dois l'embrasser.Je m'approche d'elle pour coller ma main sur sa joue, quand des coups contre la porte me ramènent à moi.Son mec.Je fais un pas en arrière, à bout de nerfs que ce gars veuille la récupérer.Elle est venu chez moi, putain ! Ça veut tout dire ducon !—Il faut que tu lui parles.Je l'entends soupirer fort, et quand je me retourne pour croiser ses yeux, elle acquiesce de la tête.J'ouvre au connard du soir qui fait pitié à voir, et avant de sortir de la chambre je jette un dernier regard à ma rose.Elle ne me voit déjà plus, obnubilée par son mec qui la prends immédiatement dans ses bras.Ok, cette fille est compliquée.Je me demande même si elle est vraiment psy ? Il faudrait que je
Quand je redescends dans le salon, Hylan est en train de fumer une cigarette dans le jardin, pendant que son frère comate devant la télé.Je les fixe tous les deux avec un grand vide dans mon cœur.C'est la fin du ménage à trois.C'est la fin de ma liberté.La schizophrène que je suis, attrape son sac à main et les clés de voiture. Je claque la porte de la maison des frères Henderson.Je conduit vite, trop vite, à travers de longues nappes de brouillard.Une voiture me suit derrière moi et n'arrête pas de me faire des appels des phares. C'est Max.J'appuie sur l'accélérateur jusqu'à 120 km/h sur des routes limitées à 90.Je dois fuir aussi loin que possible, pour que Max ne puisse jamais me rattraper.Dix minutes plus tard, je me gare en trombe devant le gîte, déglinguant sur mon passage une table et des chaises. Le fracas est terrible.Affolée, je sors de la voiture, quand j'entends celle de Max écraser le reste des débris qui jonchent sur le sol.J'ai à peine le temps de tambouriner
Le soir, après avoir couché mon petit frère, Hylan m'attends dans le couloir.Son regard froid ne présage rien de bon.D'un pas tremblant, je suis Hylan dans sa chambre, ignorant quelle pierre va encore tomber sur ma tête...Assis face à face sur le grand lit de sa chambre, il me dévisage avec un regard trouble.—Mon frère est venu me parler.—Mmmh...—Apparemment vous avez décidé de vous mettre ensemble?—...—T'as envie de te mettre avec lui ?—Tu me connais Hylan, je sors avec personne. À part toi.—Oui mais toi et moi, on est quoi pour toi ?—On est...On est...On est Nous !—Tu nous considères comme un couple ?—Hylan, ça fait cinq ans qu'on est ensemble ! Donc oui !—T'es prête à laisser tomber Max ?—Ah non ! Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi !Je me lève furieuse du lit, et je commence à faire les cent pas dans la chambre.—Ma puce, j'ai besoin de réponses.—Et moi j'ai besoin qu'on me laisse tranquille !Je m'arrête de marcher en posant mes mains sur mes hanches.—Je suis en
Depuis combien de temps n'ais-je plus fait l'amour "normalement" dans un lit avec un garçon qui s'intéresse réellement à moi ?L'instant qui suit est baigné de sérénité. Une douce sérénité que je n'ai plus côtoyé depuis fort longtemps.Jad me fait rouler sur son ventre, et on se contemple dans un beau silence.Cependant son regard perd peu à peu de sa lumière, jusqu'à que je réalise qu'il est devenu soucieux.—Il faut qu'on parle.—Pourquoi est-ce qu'on doit toujours parler avec toi ? je marmonne.—Parce qu'on ne peut pas continuer comme ça !—Alors quitte-moi ! Disparais de ma vie !Je tente de me dégager de son ventre, mais il me maintient fermement dans ses bras.—C'est trop tard. Je tiens trop à toi.Abasourdie par ses paroles, je lache prise, et mon corps s'écroule sur le sien.Mon visage enfouis dans son cou, je chuchote :—Jad, ne fais pas ça.—Faire quoi ?—N'espère pas quelque chose avec moi. S'il te plaît.Il retire ses bras de mon dos, et j'en profite pour rouler sur le côt
En arrivant à la maison de retraite le lendemain matin, une voiture sportive gris métallisée, est garée juste à côté du portail.Je reconnais immédiatement celle de Jaden. Je sors de ma voiture avec ma colère qui est revenue en force.Il sort aussi de sa Golf pour se diriger droit vers moi. Il est vêtu exactement comme le premier jour de notre rencontre : un jean et un k-way noir.Un vrai vagabond.—Pourquoi t'as pas répondu à mes appels ?s'inquiète-t-il en s'arrêtant devant moi.—Tu l'as tuée, Jad ! Tu l'as tuée !Choquées, ses pupilles s'écarquillent.Animée d'une rage indescriptible, je me rue vers lui pour frapper son torse aussi fort que je peux.—C'est à cause de toi qu'elle est morte ! Tu m'as forcée à la tuer !J'éclate en sanglots.Une fois de plus.Ses bras viennent m'envelopper avec une profonde douceur, alors que la douleur qui me ronge depuis deux jours se libère avec fracas.Pendant que je m'effondre dans ses bras, il recule contre un arbre, pour se mettre à l'abri du fr