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Chapitre 02

last update Last Updated: 2025-07-17 03:43:58

Quand je réalise que le jeune homme s'est installé derrière le volant et qu'il conduit, je m'exclame de stupeur :

—Pourquoi c'est toi qui conduit ?

J'essaye de rassembler mes esprits. De me calmer. Comment tout a pu dérapé si vite en prenant deux auto-stoppeurs ?

—Tu m'as demandé de rouler, réplique Jaden.

—Je ne crois pas, non.

—Où est l'école de ton frère ?

—À l'entrée de la ville, je soupire en essayant d'apaiser mon rythme cardiaque. Au deuxième feu, à droite.

Je prends plusieurs grosses respirations, et m'assure que mon petit frère est toujours bien dans la voiture.

Tout souriant, il discute avec la femme à côté de lui qui arbore une longue chevelure rousse.

—C'est ta copine ? je demande à Jaden.

Il lache un petit rire.

—Non, ma cousine.

—Cousine ? Vous vous ressemblez pas du tout !

Qui est roux dans votre famille ?

—Ma tante.

—Et vous allez où avec vos sacs à dos ?

—À Édimbourg.

—Mais pour y faire quoi ?

Sa tête pivote vers moi, ses yeux sont redevenus marrons foncés.

Un malicieux petit sourire apparaît sur son visage :

—Et toi ?

—J'ai trouvé du boulot là-bas.

La boule d'angoisse revient titiller mon ventre, alors je braque mon regard sur la route mouillée.

L'averse a cessé mais le paysage est gris avec quelques nappes de brouillard. Je fais vraiment n'importe quoi quand je suis stressée. Il faut impérativement que je reprenne mes esprits.

—Tu fais quoi comme boulot ? s'intéresse Jaden.

—Je suis psy. C'est mon premier jour de travail.

Sachant que mon métier fait fuir les gens, j'ai fais exprès de lui dire pour qu'il soit un peu moins causant.

—À l'hôpital ?

—Non, dans une maison de retraite. Là, tourne à droite.

Jaden se gare devant l'école, et je sors en trombe pour y déposer mon petit frère.

Quand je le vois entrer dans sa classe, je pousse un long soupir de soulagement.

J'ai désormais un quart d'heure devant moi avant de prendre mes nouvelles fonctions.

—Où sont ses parents ? me questionne Jaden une fois que je le rejoins sur le parking.

—Hein ?

—Tes parents et ceux du petit, ils sont où ? répète-t-il adossé contre la voiture.

Troublée par sa question, je pose mon doigt sous mon menton pour le dévisager.

Un peu plus grand que moi, il porte un k-way noir avec un jean. Ses cheveux noirs sont encore humides, et son sourire troublant.

—Alors ?

Ses yeux marrons se mêlent aux miens avec une étrange intensité.

—On y va, je déclare en serrant la mâchoire.

Je reprend les rênes de MA voiture en m'installant derrière le volant, pendant que Jaden prend place du côté passager, et sa cousine derrière nous.

Cinq kilomètres plus tard, je me gare devant la maison de retraite « La Rosée bleue ».

Mon nouveau lieu de travail ressemble à une immense et vieille bâtisse bourgeoise bien conservée.

Elle est imposante avec ses trois majestueux étages, et est délimitée par un gigantesque et magnifique portail en vieux fer forgé.

J'ai oublié de préciser que c'est une maison de retraite pour riches. Hormis la liste d'attente, il faut s'honorer de cinq milles euros par mois pour pouvoir bénéficier des services de luxe de cet établissement.

Quoiqu'il en soit, je me suis toujours demandée comment une psy devait s'habiller pour aller travailler sans paraître excentrique ou aussi folle que ses patients.

J'ai eu que deux maîtres de stages lors de mon cursus en psychologie.

Un vieil homme mal rasé et toujours vêtu de manière négligée, mais excellent dans ses rapports humains. C'est lui qui m'a transmis son amour pour l'autre, avec ses deux mots préférés : "empathie" et "bienveillance".

Ma dernière tutrice lors de mon M2 était aussi une personne proche de la soixantaine, toujours très bien habillée et coiffée à quatre épingles, avec une allure plus stricte et sévère, dont le maître mot était : "il faut garder la juste distance avec les patients ".

Ainsi étant une jeune diplômée de 24 ans, j'ai opté pour un style vestimentaire sobre. Un pantalon noir bien droit et une chemise écru avec un col mao, et des ballerines beiges...pleines de boue !

Je me précipite vers le coffre pour saisir une petite serviette jaune afin de les nettoyer.

Je suis stressée, c'est indéniable, et les deux parasites que j'ai embarqué avec moi ce matin ne font qu'accentuer ce stress.

Pendant que je m'applique à nettoyer mes chaussures ainsi que le bas de mon pantalon, Jaden et sa cousine échangent des mots en espagnol. Je ne comprends rien, je veux juste qu'ils dégagent.

—Bon j'y vais, je déclare en prenant ma sacoche marron avant de claquer la porte du coffre. Bonne continuation.

Avec une boule au ventre, je me dirige vers ce portail très imposant.

Je cherche nerveusement la sonnette de l'accueil, quand je sens deux présences derrière moi.

À peine le temps de constater qu'il s'agit des deux auto-stoppeurs, qu'une voix fluette me demande de me présenter à l'interphone.

—Je suis Lena Bennett, la nouvelle psychologue.

Dès qu'un grésillement se fait entendre, Jaden pousse le portail.

Je suis tellement obnubilée par mon nouveau poste, que je choisi l'ignorance comme réponse.

À toute vitesse, je traverse un petit parc très coquet, orné de fleurs magnifiques et d'arbres très bien entretenus, avant de pénétrer dans un gigantesque hall, digne d'un hôtel 5 étoiles.

Droit devant nous un grand bureau en bois affiche sur une pancarte dorée "Accueil".

J'inspire et expire plusieurs fois tout en m'approchant d'une jeune fille blonde, habillée d'une élégante chemise blanche avec une belle veste cintrée bordeaux.

Ses cheveux sont relevés en chignon et ses petites lunettes noires lui confèrent une posture d'une hôtesse de luxe.

Je ne sais pas comment je me présente, sûrement d'une voix tremblante.

Avec un sourire poli, elle me demande d'aller patienter sur un des grands canapés en cuir du hall. C'est alors que mes yeux s'écarquillent.

Jaden et sa cousine se trouvent devant un autre bureau juste à côté, sur lequel une pancarte "Admissions" est posée.

J'assiste à ma deuxième scène surréaliste.

Pourquoi sont-ils aux admissions ?

Quelle était la probabilité qu'ils aillent dans le même lieu que moi ?

Jaden paraît avoir la vingtaine, et sa cousine rousse dans les quarante ans.

Tous les deux sont trop jeunes pour intégrer une maison de retraite. Peut-être qu'ils se renseignent pour leurs grands-parents ?

                                        ***

La psychologue que je vais remplacer pendant les six mois de son congé maternité, vient me chercher quelques minutes plus tard, sans que je puisse savoir pourquoi Jaden et sa cousine se sont rendus aux admissions.

La psychologue qui me reçoit, est fatiguée, très fatiguée de bon matin, et son visage bouffi présage un accouchement très proche.

Néanmoins elle m'accueille de manière chaleureuse, et bien qu'elle se déplace difficilement avec son gros ventre, elle tient à me faire visiter toute la résidence.

J'ai l'impression d'être dans un palace, très luxueux, entouré de boiseries raffinées.

Chaque étage est relié par deux ascenseurs, et j'ai l'impression que je vais bien me plaire ici.

Une bonne demi-heure plus tard, quand on a terminé la visite, on va s'installer dans mon futur bureau.

Il est grand, plus grand que ma propre chambre, avec des murs en lambris, un long bureau bordeaux et trois fauteuils en cuir noir. Il y a un seul et unique cadre au mur représentant une grande photo de la résidence.

Cette première matinée se termine par la présentation des cinquante-deux résidents. De leurs dossiers sur papier et sur ordinateur, et de quelques mots sur le directeur de la maison de retraite.

Avant de clore cette matinée riche en informations, le petit bout de femme enceinte sort une feuille de son intercalaire orange pour m'annoncer :

—On a admis une nouvelle résidente ce matin.

Intriguée, je pose mon pouce et mon index sous mon menton.

—Madame Truish Elodie, poursuit-elle en lisant la fiche d'admission. Elle a 47 ans, célibataire sans enfants, parents décédés. Son cousin, Jaden Dow, est son unique représentant légal. Infirmier à l'hôpital d'Edimbourg.

Alors que je reste stupéfaite par son annonce, ses sourcils se froncent, et sa main se plaque soudain sur ses lèvres.

—Qu'est-ce qui se passe ? je demande inquiète.

Elle pose son regard troublé sur moi, avant de répondre :

—Melle Elodie Truish est atteinte d'un Alzheimer précoce.

                                        <.>

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