Chapitre 1

Dans ma vie précédente, ce n'est qu'en mourant que j'ai réalisé que mon compagnon Alpha m'avait marquée juste pour mieux me contrôler et me faire céder volontairement mon essence de loup à ma sœur Victoria.

Victoria souffrait de déplétion d'essence de loup depuis l'enfance — une maladie grave où sa louve dépérissait et ne pouvait survivre sans transfusions régulières d'essence.

Mes parents me traitaient comme une gamine sans cervelle — après tout, Victoria disait toujours « Ember fait juste un caprice, au fond, elle m'adore », avant de froisser mes dessins de forêts de meute en racontant à nos parents « Ember fait des dessins si lugubres, c'est pour me porter la poisse ? »

Mon frère Finn n'avait d'yeux que pour Victoria, parce qu'elle jouait constamment les victimes devant lui : « Finn, Ember vient de me pousser, elle dit que je suis un poids mort. »

Seul Grayson m'avait offert une chaleur différente. Il n'oubliait jamais que j'avais peur du noir et laissait discrètement une veilleuse allumée après mes transfusions d'essence ; il gardait précieusement au fond de son cœur ma remarque anodine sur mon envie « de trouver un endroit tranquille pour peindre » — mais toute cette tendresse s'est effondrée sous les larmes de Victoria.

Je lui ai avoué mes sentiments. Malgré sa surprise, il a accepté ma déclaration et m'a promis qu'il me marquerait, c'était certain.

À ce moment-là, je croyais avoir enfin trouvé la lumière, jusqu'à ce que juste avant de mourir dans ma vie précédente, j'entende Victoria chuchoter à l'oreille de Grayson : « Gray, je t'en supplie, si tu laisses Ember partir, je vais mourir sans son essence de loup. Surtout ne la laisse jamais deviner que tu tiens vraiment à elle, sinon elle va me quitter. »

Après ma renaissance, la première chose que j'ai faite a été de claquer cinq milliards d'euros pour acheter une forêt isolée. Cet argent était un cadeau de fiançailles de Grayson.

« Vous êtes certaine de vouloir acquérir cette forêt ? Si vous l'achetez et vous y installez, il sera pratiquement impossible de contacter le monde extérieur. » Le membre de la meute qui s'occupait des papiers avait l'air complètement largué.

J'ai hoché la tête, un soulagement perceptible dans la voix : « C'est précisément ce que je cherche — un endroit où personne ne pourra me retrouver. »

Mais avant même que j'aie terminé les formalités, une Maybach noire a soudain pilé devant moi dans un crissement de pneus.

La portière s'est ouverte d'un coup et Grayson s'est dirigé vers moi à grandes enjambées. Ses doigts étaient livides, et quand il m'a attrapé le poignet, son contact était doux, mais trahissait une panique à peine dissimulée : « Ember, viens vite avec moi, Victoria, elle... »

Avant qu'il termine sa phrase, j'ai entendu la voix larmoyante de Victoria sortir du haut-parleur de son téléphone : « Gray, je suis tombée dans les escaliers, j'ai tellement mal... Ember m'en veut toujours ? Elle ne viendra pas me voir ? »

Mon sang s'est glacé — dans ma vie précédente, je m'étais fait piéger pour aller à l'hôpital par ces mêmes pleurs, mais cette fois, je me souvenais parfaitement qu'en partant ce matin, j'avais vu Victoria marcher délibérément sur l'ourlet de sa robe et « tomber par accident » dans les marches devant Grayson, tout en jetant un regard furtif dans ma direction.

« Gray... » J'ai tenté d'utiliser ce titre que je n'avais pas prononcé depuis une éternité, voulant voir s'il montrait encore l'hésitation de ma vie précédente.

Mais il n'a absolument pas saisi mon intonation, il m'a juste tirée vers la voiture tandis que son regard ne pouvait s'empêcher de balayer mon visage blême, demandant tout bas : « Pourquoi t'as une mine aussi épouvantable ? » — mais à peine avait-il prononcé ces mots que les sanglots de Victoria ont retenti à nouveau : « Gray, je crois que je ne vais plus tenir... »

Les gestes de Grayson ont marqué une pause, mais au final, il m'a quand même poussée sur la banquette arrière. Pendant que la voiture filait vers l'hôpital et qu'il me traînait vers la salle d'extraction d'essence de loup, ses doigts n'arrêtaient pas de caresser doucement mon poignet, comme s'il avait peur de me faire mal, mais dès que la toux de Victoria résonnait, il replongeait dans son rôle de « protecteur ».

« Victoria est tombée accidentellement dans les escaliers. Sa louve se dégrade à toute vitesse. On n'en prélèvera pas trop cette fois, t'inquiète pas. » La voix de Grayson était un peu éraillée, mais je l'ai vu faire discrètement signe au guérisseur, remuant les lèvres comme s'il disait « Prends-en moins, fais-lui pas mal. »

Mais avant que le guérisseur puisse acquiescer, une gifle a claqué violemment sur mon visage. « Sale ingrate ! Où tu t'es barrée, bordel ?! Je t'avais pas dit de rester collée à ta sœur en permanence ? Tu ne peux pas la lâcher ! »

Victoria s'est aussitôt ruée pour attraper la main de maman, les yeux rougis : « Maman, s'il te plaît, ne frappe pas Ember. C'est forcément ma faute. Hier, je lui ai dit que je voulais qu'elle m'accompagne au jardin, elle a dû me trouver pénible et s'est planquée... » Tout en parlant, elle enfonçait secrètement ses ongles dans mon bras, me faisant grimacer de douleur.

Mon père a enlacé ma mère furieuse, me regardant avec déception : « Ember, comment tu peux devenir de plus en plus insensible ? Victoria est dans cet état et tu lui en veux encore ? La dernière fois, elle m'a raconté que tu avais planqué ses médicaments pour l'essence de loup, je l'ai pas crue, mais là, on dirait bien... »

« C'est faux ! » Je n'ai finalement pas pu m'empêcher de protester, pour me faire aussitôt couper par mon frère Finn. Il tendait précautionneusement de l'eau chaude à Victoria, sans même me jeter un regard : « Tu les as pas cachés ? Alors comment les médocs de Victoria se sont retrouvés dans le tiroir de ta commode ? Je pense qu'on devrait t'attacher avec des chaînes en argent pour t'empêcher d'essayer sans arrêt de lui pourrir la vie. »

J'en suis restée comme deux ronds de flan — ces médicaments, c'était clairement Victoria qui me les avait refilés en douce la veille au soir, en disant « Ember, ces médicaments me font bizarre, tu peux les garder pour moi ? » Il s'avère qu'elle avait monté son coup dès ce moment-là.

Grayson a froncé les sourcils comme s'il voulait intervenir, mais Victoria s'est soudain mise à tousser, se cachant le visage en pleurant : « Gray, est-ce que je suis trop encombrante ? Si je n'étais pas là, Ember et tout le monde seraient tellement plus sereins... »

« Ne raconte pas n'importe quoi. » Grayson l'a immédiatement coupée, et quand il s'est tourné vers moi, sa voix trahissait davantage d'impuissance : « Ember, fais juste un don d'essence de loup à Victoria pour l'instant. On pourra discuter du reste après, d'accord ? »

J'ai fixé le conflit dans ses yeux et j'ai soudain repensé à ma vie précédente, quand il m'avait marquée, ses doigts tremblaient en réalité, et il avait murmuré : « N'aie pas peur, je vais te protéger. »

J'ai eu un sourire désabusé. Il était effectivement aux petits soins avec moi et me protégeait toujours, sauf quand Victoria versait des larmes devant lui.

Quand l'aiguille a transpercé ma veine, j'ai senti l'essence de loup s'échapper rapidement, et ma vision a commencé à se brouiller. Le guérisseur a grimacé : « M. Grayson, les réserves d'essence de loup de Mlle Ember sont beaucoup trop basses. Si on en prélève encore, ça va endommager son âme de loup. »

Victoria a aussitôt réagi : « C'est pas grave, j'en prendrai moins, du moment qu'on fait pas de mal à Ember... » Mais sa main appuyait sournoisement sur le bras du guérisseur, disant d'une voix que seuls eux pouvaient entendre : « Prélève plus, sinon je vais devoir me "blesser" à nouveau. »

Je me suis forcée à rouvrir les yeux et j'ai vu Grayson attraper brusquement la main du guérisseur, arrachant l'aiguille : « Stop, on arrête là. »

Mais maman a immédiatement hurlé : « Grayson ! T'as complètement perdu la boule ?! Victoria attend toujours d'être sauvée ! Ember fait juste du cinéma — elle pète la forme ! »

« Je fais pas du cinéma... » Ma voix chevrotait, mais personne ne me croyait. Finn s'est même approché et m'a empoigné le bras : « Arrête ton numéro de victime et viens avec moi pour une nouvelle extraction ! »

Quand les portes de la salle d'urgence se sont ouvertes, Victoria s'est soudain « affaissée faiblement » dans les bras de Grayson, me regardant avec douceur : « Ember, je suis désolée, est-ce que je t'ai fait souffrir ? Si tu ne veux pas donner, je... je peux tenir. »

Cette phrase a mis le feu aux poudres — nos parents se sont encore plus emportés, et même le regard de Grayson vers moi s'est chargé de complexité. Il devait penser lui aussi que j'en voulais à une malade.

J'ai eu un rire sarcastique, je me suis forcée à supporter le vertige, j'ai rabaissé mes manches, je me suis levée et je me suis dirigée vers la sortie. Dehors, devant l'hôpital, j'ai contemplé la sublime bague de fiançailles à mon annulaire et je me suis soudain rappelé ce que Grayson m'avait dit en me l'offrant : « Ember, quand Victoria ira un peu mieux, je t'emmènerai dans cette forêt que tu adores. »

Il s'avère qu'il se souvenait de tout — il ignorait juste que Victoria n'« irait » jamais mieux.

Sans la moindre hésitation, j'ai retiré la bague et je l'ai balancée dans une poubelle. Dans cette vie, je ne croirais plus aux larmes de Victoria, je n'attendrais plus le favoritisme de ma famille. Quant à Grayson... s'il ne pouvait jamais ouvrir les yeux, alors je ne voulais pas de cet « amour » dévoyé non plus.

Puisque tout le monde aimait Victoria et que personne n'aimait Ember...

Eh bien putain, j'allais m'aimer moi-même !