Chapitre 3

Julien serrait légèrement les lèvres, son regard se posait sur le dos d'Aurélie. Ses beaux sourcils se fronçaient, et il ressentait, sans savoir pourquoi, une certaine irritation.

Il avait l'impression qu'Aurélie n'était plus tout à fait la même qu'avant.

En observant ses traits, Véronique a mordillé les lèvres et a demandé avec prudence : « Julien, est-ce que Mlle Marchand était fâchée tout à l'heure, et c'est pour cela qu'elle a parlé ainsi exprès ? Je n'ai vraiment pas voulu que les médias se méprennent. »

Julien fronçait légèrement les sourcils, ses yeux longs et étroits se plissaient à moitié.

Aurélie… avait-elle vraiment agi ainsi par dépit ?

« Ce n'est pas ta faute. Ne t'occupe pas d'elle. »

Sa voix sonnait froide, et son expression restait indifférente.

En tant que Mme Bernard, elle ne voulait même pas assister au spectacle de leur fils. Elle avait choisi de bouder l'enfant en laissant Véronique venir à sa place, elle devait donc en assumer les conséquences.

Un léger sourire se dessinait au coin des lèvres de Véronique, et ses yeux brillaient d'une lueur calculatrice.

L'affaire entre Julien et Véronique s'est rapidement répandue, provoquant un tumulte considérable, les tendances sur les réseaux sociaux en étaient saturées.

Même si Julien a fait retirer le sujet au plus vite, l'impact restait important.

Bien sûr, Solène la voyait aussi.

« Alors… tu as décidé ? Tu veux vraiment quitter cet endroit pour Ville-des-Foyers ? » a-t-elle demandé avec surprise en détachant ses yeux de l'écran des tendances, « Dans ce cas, je détruis tous les dossiers que j'ai sur toi, et je ferai en sorte que tes traces disparaissent. »

Aurélie a fixé les yeux sur la photo prise à la volée qui figurait parmi les tendances sur les réseaux sociaux : Julien et Véronique étaient assis côte à côte dans le public, échangeant un sourire complice avec Léon, qui venait de finir son morceau de violon sur scène.

Une famille de trois personnes, unie et heureuse.

Personne ne savait qu'à l'époque, lorsque leur fils avait commencé le violon, c'était elle qui l'avait accompagné avec patience, façonnant pas à pas son jeu et l'encourageant à persévérer dans son intérêt.

À présent, tout le monde affirmait que l'enfant avait hérité du talent artistique de Véronique.

Et, comme par hasard, Véronique venait de liker cette publication, avant de poster sur son compte Instagram un message volontairement ambigu, laissant planer le doute et invitant à la spéculation : « On m'a déjà demandé si deux personnes qui se sont aimées pouvaient recoller les morceaux après une séparation. Aujourd'hui, ma réponse est que deux êtres qui s'aiment profondément sont toujours complets. Il n'y a rien à recoller. »

« Oui, » a murmuré doucement Aurélie en détournant les yeux, « détruis tout. »

Cette ville portait vingt-cinq années de ses souvenirs.

Mais la plupart restaient amers.

Les parents étaient décédés, la famille Marchand était tombée dans la décadence, et ses amours autrefois passionnés s'étaient finalement soldés par un échec.

À part Solène et l'ancienne demeure familiale, il ne restait presque rien qui la retenait.

……

Probablement parce que l'affaire sur les tendances prenait trop d'ampleur.

Le soir, Aurélie a commandé à manger, sans cuisiner par elle-même.

Autrefois, elle s'inquiétait toujours de la santé de son fils et de Julien, s'occupant de tout personnellement. Maintenant qu'elle allait partir, Julien et leur fils critiquaient souvent ses plats.

Elle a donc choisi simplement un restaurant que Julien et Léon aimaient.

Les gens étaient comme ça.

Parfois, il valait mieux suivre les envies des autres que de se compliquer la vie.

Comme le bouillon qu'elle prenait soin de préparer, qui ne valait jamais le restaurant choisi par Véronique.

Par hasard, le père Bernard a appris l'affaire des tendances et a spécialement téléphoné.

Lorsque Julien a raccroché et a vu les plats sur la table, il est resté un instant interdit.

Aurélie a expliqué calmement : « Léon et toi aimez ce restaurant, ce soir j'ai été un peu occupée, alors autant en profiter. »

Julien fronçait les sourcils.

Les paroles du père Bernard ont soudain résonné dans ses oreilles : « Julien, il ne faut pas toujours regarder comment ça commence, mais plutôt le résultat et le processus. Ce que fait Aurélie pour toi, tu le sais. Sachant que ton estomac est fragile, elle passe chaque jour des heures à faire les bouillons. Elle avait été choyée depuis son enfance, mais maintenant, pour toi, elle fait les bouillons au point de se brûler les mains. Dans la vie, le plus terrible n'est pas le regret mais le fait de laisser filer les occasions qui comptent. Tes histoires avec d'autres femmes sont du passé. Ce que l'on craint le plus, c'est d'aimer sans s'en rendre compte et de finir misérablement… »

Aimer ?

Entre Aurélie et lui, il n'y avait rien que du respect mutuel. Il savait parfaitement qu'elle faisait tout cela pour être Madame Bernard, pas par amour.

Pourtant, en regardant les plats raffinés devant lui, Julien a ressenti soudain une irritation.

Elle l'aimait, et pourtant elle ne voulait même plus préparer ses repas ?

Ou bien… elle l'en voulait encore à cause de l'histoire de Véronique ?

Léon fronçait aussi légèrement ses petits sourcils, même s'il aimait beaucoup ce restaurant. Sa mère n'était jamais comme ça : elle préparait toujours les repas par ses propres mains.

Était-ce parce qu'elle boudait encore qu'elle n'avait pas cuisiné ?

Pourquoi devait-elle toujours agir ainsi ? Juste pour une broutille, elle s'en prenait à son père et à Véronique. Ne pouvait-elle pas, comme Véronique, se montrer compréhensive ?

Léon a pincé ses petites lèvres, mais il a tout de même continué à manger sagement.

Au bout de quelques instants, à table, Julien a pris la parole d'une voix neutre : « Demain… je vais accompagner Véronique pour son contrôle. »

Véronique s'était blessée la cheville il y avait quelque temps, à cause de la scène.

Ce n'était pas grave, mais un suivi restait nécessaire.

Ce que cela faisait, quand son mari annonçait devant elle qu'il allait accompagner une autre femme, personne ne pouvait vraiment le comprendre. Mais Aurélie, elle, l'avait éprouvé jusqu'au bout, pendant des années.

Elle ne s'en étonnait pas.

« D'accord. »

Elle a répondu d'un ton indifférent et a simplement posé son couteau et sa fourchette, « J'ai terminé. S'il n'y a rien d'autre, je vais retourner dans ma chambre. »

À côté, Léon a marqué un temps d'arrêt, avant de demander spontanément : « Maman, tu ne m'accompagnes pas pour le violon ? »

Autrefois, elle restait toujours près de lui pour le regarder jouer.

Ce soir, non seulement elle n'avait pas préparé le dîner, mais elle avait aussi négligé sa pratique du violon.

Aurélie, en repensant aux commentaires vus sur les tendances en ligne, a esquissé un sourire, « Tu peux le faire tout seul. Je ne comprends pas le violon, ma présence ne ferait que t'embrouiller. »

Elle n'avait pas fini sa phrase que Julien lui a soudainement saisi le poignet. Ses yeux noirs, froids, la fixaient intensément.

Les lèvres pincées, il a dit d'un ton glacial et agacé, « Qu'est-ce que tu as encore ? Pour ce qui est apparu aujourd'hui sur les réseaux, tu devrais savoir que ce n'était qu'un malentendu. Aurélie Marchand, tu t'es donné tant de mal pour entrer dans cette famille. Maintenant, tu devrais d'autant plus assumer ton rôle de Madame Bernard. C'est si difficile que ça de rester avec ton fils pour répéter ? »

Aurélie a soutenu son regard sombre et profond, et l'envie de sourire lui est venue soudainement.

Il la traitait avec froideur depuis sept ans.

Il plaçait une autre femme au centre de son cœur.

Pourtant il lui demandait de tenir son rôle de Madame Bernard.

Choyé par tout le monde, il avait à peu près une audace sans limites.

Aurélie a esquissé un léger sourire et a retiré lentement sa main, « Je pensais être une Madame Bernard tout à fait compétente, » a-t-elle dit en regardant Julien, « Je ne fais pas de scène et je ne me fâche pas pour ce qui s'est passé sur les réseaux. Je n'ai aucun talent musical, et Léon n'a pas besoin que je sois là pour lui dicter quoi faire. »

Son fils aimait Véronique et aspirait à une vie aussi brillante que la sienne.

Elle le laissait faire.

Ils n'aimaient pas ses plats et préféraient les restaurants choisis par Véronique.

Elle les laissait faire aussi.

Autrefois, elle faisait des histoires, mais c'était par attachement obstiné.

À présent, elle leur laissait ce qu'ils voulaient : où était le mal à cela ?

Après ces mots, Aurélie s'est retournée et est partie, tandis que Julien restait immobile.

Il a allumé une cigarette, ses yeux sombres et profonds s'assombrissant encore, insondables.

Ses sourcils se sont pourtant légèrement froncés.

Il semblait qu'elle ne faisait vraiment plus d'histoire à cause de Véronique.

Mais pourquoi son cœur se serrait-il de plus en plus ?

Aurélie est retournée dans sa chambre. Elle avait déjà préparé toutes ses affaires depuis deux jours.

Avant de partir, elle voulait seulement aller voir une dernière fois le professeur Morel.

Le soir venu, Julien, contrairement à son habitude, n'a pas dormi dans la chambre d'amis.

Quand Aurélie est sortie de la salle de bain, elle ne portait qu'une serviette.

Sous la lumière douce, sa peau, plus blanche que la neige, avait l'éclat de porcelaine. Dans son regard, il n'y avait ni dureté ni amertume comme autrefois, mais une douceur paisible qui adoucissait la vivacité de ses traits.

Elle paraissait presque calme et docile.

Bien différente de ce qu'elle était habituellement.

Julien est resté figé, les yeux posés sur elle : sa pomme d'Adam a bougé imperceptiblement.

Dans son esprit a surgi soudainement la phrase de son grand-père : « Ce qu'on craint le plus, c'est d'aimer sans s'en rendre compte… »

L'aimait-il, Aurélie ?

Impossible !