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Chapitre 5

Author: Claire Largier
Julien a eu un moment d’hésitation, son cœur a sauté un battement.

Il a repris ses esprits et s’est avancé pour la soutenir. Puis, avec les sourcils froncés, il a demandé d’une voix légère: « Comment t’es-tu blessée ? »

À côté, Léon, en voyant sa mère dans cet état, repensait à ce qu’il disait tout à l’heure et pinçait les lèvres.

Il ressentait une gêne inexplicable et, en même temps, un certain regret.

Les paroles qu’il avait prononcées tout à l’heure n’étaient pas sincères… Il était seulement fâché parce que, depuis deux jours, sa mère ne lui parlait plus et ne le regardait plus jouer du piano comme avant.

Véronique clignait alors des yeux et esquissait un sourire, sa voix se faisant affectueuse, « Julien, même si je ne savais pas comment Mlle Marchand s’était blessée, il valait mieux laisser le docteur Morin l’examiner. La dernière fois que je me suis blessée, c’était aussi lui qui me soignait. »

Le « docteur Morin » dont parlait Véronique était un ami d’enfance de Julien, prénommé Lucien Morin.

Lucien était considéré comme un pilier de l’hôpital et il était très difficile d’obtenir un rendez-vous avec lui. Sauf pour les proches de Julien, tout le monde devait prendre rendez-vous longtemps à l’avance et attendre en file. Les dernières fois où Véronique s’est blessée, c’était toujours Lucien qui s’en occupait.

Véronique cherchait ainsi à rappeler à Aurélie qu’elle comptait beaucoup pour Julien.

Aurélie, cependant, ne pensait qu’à partir.

Lucien avait un niveau professionnel plus élevé, ce qui permettait une guérison plus rapide, et elle pouvait ainsi partir sans tarder.

« D’accord, » a-t-elle répondu en souriant légèrement, sans refuser.

La blessure était rapidement soignée et, pour éviter le tétanos, Lucien faisait administrer à Aurélie une perfusion.

Véronique, ayant encore des affaires à régler, est partie de bonne heure.

Peut-être que c’était à cause des somnifères contenus dans les médicaments, ou bien parce qu’Aurélie n’avait pas vraiment bien dormi la veille, qu’elle s’assoupissait, la tête encore lourde de sommeil.

« Cette fois, sa blessure n’était pas aussi grave que celle de sa première année en licence. » a remarqué soudain Lucien en tournant les yeux vers Julien.

Julien a demandé en fronçant les sourcils : « De laquelle parles-tu ? »

« Tu ne le sais pas ? » a dit Lucien en arquant un sourcil, « À l’époque, quand tu as pris la défense de Véronique et que certains voulaient t’en faire payer le prix, c’était Aurélie qui est arrivée avec des gardes du corps pour te couvrir. Plus tard, quand ce groupe a voulu s’en prendre à elle pour se venger, elle et Solène ont mis tout le monde à terre, mais elles se sont faites mal. Et malgré ça, elles ont quand même fait savoir qu’ils avaient intérêt à partir et à ne pas te déranger. »

À cette époque-là, la famille Marchand ne connaissait pas encore de revers, et Aurélie restait la grande demoiselle fière et insouciante.

Elle rayonnait de chaleur et de lumière, pleine de talents.

Les prétendants ne manquaient pas.

Mais tout le monde savait qu’au fond de son cœur, il n’avait que Julien Bernard.

Julien marquait un léger temps d’arrêt.

Quand Véronique avait été prise pour cible, il ne supportait pas de rester à l’écart et avait pris sa défense, ce qui avait valu des menaces.

Il croyait alors que c’était l’influence de la famille Bernard qui les avait dissuadés… sans imaginer que c’était grâce à elle.

Une ombre d’amertume passait sur les lèvres de Lucien. Il a donné une tape sur l’épaule de Julien et l’a conseillé : « L’histoire entre Aurélie et toi, à l’époque, dois reposer sur un malentendu. En frère, je te le dis : Aurélie n’est pas quelqu’un qui calculait ainsi. Même si la famille Marchand était acculée, elle n’aurait jamais monté un plan pareil. Parfois, quand on s’accroche trop à ses préjugés, on finit par passer à côté de bien des choses. »

Cela dit, Lucien a quitté la pièce.

Julien a sorti une cigarette. Son regard s’est posé un instant sur l’affichette « interdit de fumer », puis a glissé vers le visage endormi d’Aurélie, sans allumer la cigarette.

Elle ne semblait pas dormir paisiblement. Sa peau, d’une blancheur délicate, laissait deviner un fin duvet. Ses cils, qui avaient légèrement tremblé auparavant, trahissaient une certaine inquiétude.

Même blessée, ses lèvres gardaient un rouge éclatant, et ses traits demeuraient d’une finesse douce.

Tout comme au premier jour où il l’avait vue.

Julien observait cette scène avec un regard assombri.

Depuis le lycée, elle le suivait déjà. Les familles Marchand et Bernard entretenaient des liens étroits, mais il n’avait jamais eu pour cette petite sœur un peu gâtée qu’un sentiment mitigé.

Plus tard, lorsque la famille Marchand avait connu la disgrâce, Aurélie était tombée enceinte et l’avait épousé.

Il pensait que tout cela n’était qu’un complot. Mais si, comme Lucien le disait, tout cela n’était juste un malentendu ?

L’irritation de Julien s’aggravait encore davantage.

Il a détourné le regard et a envoyé un message à son secrétaire : « Vérifiez encore une fois l’affaire où Aurélie m’avait drogué à l’époque. »

À côté, Léon avait les yeux rougis. Il a dit en levant la tête : « Papa, je n’ai pas voulu maudire maman pour qu’elle se blesse… J’étais juste en colère parce qu’elle ne me regardait plus… »

Julien caressait la tête de son fils.

Il posait ses yeux sur Aurélie, son regard s’assombrissait et sa voix devenait grave : « Ce n’est pas grave. Quand maman se réveillera, nous lui présenterons nos excuses. Elle ne t’en voudra pas. »

Si, à l’époque, cette affaire avait vraiment été un accident.

Il lui devait aussi des excuses.

Désormais, il comptait prendre soin d’elle.

Peut-être que son grand-père avait raison : Véronique et lui appartenaient déjà au passé.

Aurélie dormait profondément cette nuit-là.

Les rêves s’entremêlaient.

C’était Julien, à seize ans, vêtu d’une chemise blanche et d’un pantalon noir, qui lui tendait un pliage en papier soigneusement réalisé dans l’après-midi.

« Ne pleure pas. Dis à ton grand frère qui t’a fait du mal. »

La lumière de l’après-midi était douce et chaude.

Le jeune garçon avait dans le regard une froideur singulière, tandis que la fillette de quatorze ans le fixait, un peu hébétée.

Elle venait d’être réprimandée parce qu’elle avait brisé un antique objet appartenant à son père.

Elle clignait des yeux en entendant les paroles du jeune garçon, alors que des larmes restaient accrochées à ses cils.

Elle avait l’air un peu maladroite, mais elle pensait en elle-même que ce grand frère était vraiment stupide : « qui ose me faire du mal ? »

« Où est-ce que ça fait mal ? »

Les images du rêve et de la réalité se mêlaient, et la voix grave de l’homme a tiré Aurélie de son sommeil.

Elle posait son regard sur Julien, désormais mûr et distant, et revenait peu à peu à elle.

« Ce n’est rien. »

Aurélie a secoué la tête, mais elle ressentait une sorte de sérénité et de mélancolie, comme un éveil tardif après un long rêve.

Elle avait commencé à l’aimer à quatorze ans.

Elle avait commencé à poursuivre Julien à dix-sept ans.

Et maintenant, à vingt-six ans, elle avait enfin appris à renoncer.

Sans doute à cause de sa blessure, elle se montrait étrangement docile.

Julien, soudain, s’est souvenu de la première fois où il l’avait vue. Son cœur s’attendrissait, et même son ton devenait inhabituellement doux.

« Monte, nous rentrons à la maison. »

Aurélie restait un instant interdit.

Surprise par la douceur dans la voix de Julien, elle ne protestait pas et se contentait de lui adresser un léger sourire, « D’accord. »

Léon, en voyant l’expression de sa mère, sentait son nez se pincer sous l’émotion et lui a pris docilement la main.

Une fois montés dans la voiture,

Léon se souvenait de ce que son père avait dit. Il a regardé Aurélie avec inquiétude en pinçant légèrement les lèvres, « Maman, pardon… je n’ai pas voulu dire ces choses-là. »

Sa maman n’était peut-être pas aussi bien que Véronique, mais elle restait malgré tout sa maman.

Aurélie restait figée un instant.

C’était la première fois que son fils lui présentait des excuses.

Et pourtant, elle ne ressentait pas la moindre émotion.

En repensant aux paroles de son fils à l’hôpital, son cœur demeurait parfaitement calme.

Elle a répondu avec un souri léger : « Ce n’est rien, maman ne t’en veut pas. »

Mais au fond, elle rendait déjà compte que son enfant ne l’aimait pas vraiment.

Ses excuses étaient seulement dictées par l’éducation qu’il avait reçue depuis toujours, pour lui apprendre à se comporter en « bon enfant ».

Le garçon semblait soulagé, mais sa petite main s’accrochait encore au coin du vêtement de sa mère.

À ce moment-là, Julien qui observait la scène, a lancé soudain : « La semaine prochaine, c’est ton anniversaire. Tu as déjà pensé à la façon dont tu veux le fêter ? »

Aurélie a marqué une pause, puis a pris conscience que le jour de son départ serait aussi le jour de son vingt-sixième anniversaire.
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