Je gardai le carnet noir entre mes mains, les pages frémissant légèrement sous la pression de mes doigts. Chaque seconde qui passait semblait faire naître en moi un poids encore plus lourd, un fardeau qu’il serait difficile de supporter. J’avais fait mon choix. J’avais choisi la justice. Mais désormais, je comprenais que la vérité ne se donnerait pas aussi facilement. Elle ne se laisserait pas découvrir dans la lumière. Elle se tapissait dans les recoins sombres de ce monde, prête à m’engloutir.Carmichael ne disait rien, il me laissait digérer ce que j'avais décidé. Mais son regard ne me quittait pas. Il savait que mon choix n’était qu’une façade. Un masque que je m'étais créé pour faire face à ce qui allait suivre. Dans les profondeurs de ce carnet, il y avait une vérité qu’il fallait apprivoiser. Mais ce que je n’avais pas prévu, c’était que chaque découverte m’amènerait à une décision encore plus difficile.Je jetai un dernier coup d'œil aux dossiers étalés sur la table. Les noms,
Le taxi roula silencieusement à travers les rues, l'humidité de la pluie se répandant sur les vitres, noyant le paysage urbain dans un voile opaque. Le bruit de l’eau frappant la carrosserie et des essuie-glaces en mouvement était le seul son qui parvenait jusqu’à moi. À chaque intersection, la lumière des réverbères se reflétait sur le bitume, créant des éclats d’or qui se déformaient dans l’obscurité. La ville semblait endormie, mais moi, je savais que sous cette façade tranquille, des forces obscures agissaient, prêtes à tout pour garder leurs secrets bien enfouis.Le chauffeur, un homme d'une quarantaine d'années, ne me posa aucune question. Il semblait avoir l’habitude de transporter des passagers discrets. L’atmosphère dans la voiture était tendue, presque suffocante, et mes pensées tournaient en boucle autour de ce que j’allais découvrir une fois arrivé à destination. Chaque seconde me rapprochait du lieu indiqué dans le carnet, mais chaque seconde était aussi un rappel qu’une
L’escalier grincé sous nos pas, chaque marche semblait résonner dans le silence, comme un signal annonçant la profondeur du secret que nous allions toucher. Le sol en béton était froid, presque glacé, et une humidité oppressante s’élevait de chaque recoin, renforçant l'atmosphère claustrophobique de cet endroit. L’air était lourd, saturé d’un parfum de vieux papier et de métal. Je pouvais sentir ma respiration s’accélérer, une combinaison de nervosité et de détermination.Élise marchait devant moi, sa silhouette se dessinant à peine dans la pénombre. Elle avançait avec une assurance tranquille, comme si elle connaissait parfaitement chaque recoin de ce lieu. Elle ne se retournait pas, mais je pouvais sentir son regard sur moi, lourd de sous-entendus. Elle savait que chaque instant me rapprochait un peu plus de la vérité – une vérité qui me terrifiait tout autant qu’elle m’attirait.Nous arrivâmes enfin dans une grande salle souterraine, éclairée par des néons clignotants qui diffusaie
Nous marchâmes à travers un long couloir sombre, chaque pas résonnant dans l'espace clos comme un écho du destin inévitable qui nous attendait. Élise me guidait sans un mot, ses pas légers, presque furtifs. Elle semblait à l’aise dans cet environnement, comme si cet endroit était une extension naturelle d’elle-même. De mon côté, l’air semblait devenir plus dense à chaque seconde, mon esprit en proie à un tourbillon d’émotions contradictoires.Ma tête était remplie de questions, mais aussi de doutes. Chaque réponse que je recevais semblait me mener à plus de confusion. Cette organisation, ces hommes et femmes dont les visages défilaient sur l’écran, étaient-ils les vrais coupables de la mort de mon frère ? Ou était-ce quelque chose de bien plus complexe ? Et surtout, qu’attendait Élise de moi ? Pourquoi m’avait-elle conduit ici ? Était-ce pour m’aider à découvrir la vérité, ou pour m’y plonger davantage ?Elle s'arrêta soudainement devant une porte en métal, le bruit de ses talons s’ét
Le silence s’installa dans la pièce, lourd, pesant. Chaque mot prononcé par Vallon semblait résonner comme un coup de marteau dans ma tête. Un choix. Il n’y avait pas de réponses simples, de solutions claires. Tout ce que je croyais savoir, tout ce que j’avais appris sur mon frère, sur moi-même, se fissurait sous l’intensité de cette réalité. La vérité, cette chose que je croyais être une lumière, se révélait désormais comme un abîme sans fond, un gouffre dans lequel je risquais de tomber à tout jamais.Je fixai Vallon, une colère sourde montant en moi. Comment pouvait-il parler de ce monde, de ce système, comme si tout était un simple jeu de pouvoir ? Alexandre… il avait été un pion, peut-être, mais il avait aussi été un homme de principes. Il avait voulu faire ce qui était juste. Même s’il n’avait pas vu tout le tableau, il croyait encore à la possibilité d’un monde meilleur. Et pourtant, ce monde l’avait broyé.— « Et toi, Vallon ? » demandai-je, ma voix coupant l’air. « Tu te vois
Le silence qui suivit mes paroles semblait éternel, une étendue vide qui m'écrasait sous son poids. Les yeux de Vallon brillaient d’un éclat presque triomphal, tandis qu’Élise, impassible, restait figée à mes côtés. J'avais fait mon choix, mais ce choix m’avait aussi pris une partie de moi-même. Tout ce que je croyais savoir sur moi, sur mon frère, s’était effondré en une fraction de seconde.Je n’avais pas pris cette décision à la légère. Elle me rongeait de l’intérieur, mais je savais que je n’avais pas d’autre option. Je n’avais pas choisi de devenir une pièce dans ce grand échiquier, mais j’étais désormais impliqué, et je devais en accepter les règles. Le pouvoir, l’influence, la vérité — tout cela venait avec un prix. Et ce prix, j’allais devoir le payer.Vallon attendait que je parle à nouveau, un sourire satisfait sur ses lèvres, comme s’il savait déjà ce que j’allais dire. Mais je ne lui donnerai pas cette satisfaction. Je n’allais pas le laisser me dicter la suite. J’avais ma
J'avais pris ma décision. Je n'étais plus le frère de celui qui avait cherché à sauver ce qui restait d'une vérité pure. Je n'étais plus celui qui rêvait de justice, d'un monde meilleur. Non, aujourd'hui, j'étais un homme dans un monde d'ombres, et il était trop tard pour faire marche arrière. L'illusion d'une rédemption, d'un avenir différent, s'était dissipée. À la place, je m'étais engagé dans une guerre silencieuse, où la vérité ne serait jamais plus un idéal, mais une arme à manier avec prudence.Vallon se tenait là, ses yeux fixant les miens avec un calme glacial, presque satisfait de ma soumission. Il avait vu juste, après tout. Il savait que j'allais choisir de m'adapter, de jouer à leur jeu, et pourtant, il n'était pas encore sûr que j'en sortirais gagnant. Parce qu’il y avait une règle fondamentale dans ce jeu de pouvoir : même quand on croit maîtriser chaque mouvement, il y a toujours quelqu'un derrière soi, prêt à frapper.— « Ce n’est pas assez, » dit Vallon, son ton pres
L'air semblait plus lourd, plus étouffant alors que je me préparais à m'effacer. La personne que j'étais, celle qui vivait dans l’ombre de son frère, allait disparaître. Tout ce que j'avais été, tout ce que j'avais cru, allait être noyé dans une mer de faux-semblants. Pour survivre, pour obtenir des réponses, je devais devenir Alexandre. Je devais accepter cette transformation, intérieure comme extérieure.Les heures suivantes furent un tourbillon de préparation. Vallon, toujours aussi méthodique, me guida dans chaque étape. J'étais l’ombre de mon frère, mais un simple reflet dans un miroir ne suffirait pas. Je devais comprendre sa vie dans ses moindres détails, imiter ses gestes, ses décisions, son langage. Chaque aspect de sa personnalité serait mon fardeau, et je devais le porter avec la plus grande des précisions. Je devais être lui, jusqu’à la dernière fibre de mon être.— « Tu dois connaître ses habitudes à la perfection, » me disait Vallon, les yeux fixés sur moi alors que je p
ÉliseJe cours sans réfléchir, portée par la main de Samuel, tirée dans l’ombre d’un homme que je ne connais pas.Et pourtant, quelque chose en lui m’est familier.Son allure.Son silence.Son regard, vu à peine une seconde, qui ne laissait place à aucun doute : cet homme est né de la guerre.La pluie me claque le visage, me noie les pensées, mais je continue.Samuel grogne à chaque pas, il serre les dents pour ne pas hurler — je vois bien qu’il saigne.Mais il ne ralentit pas.Il court, malgré la douleur.Parce qu’il la connaît déjà, cette douleur.Parce qu’elle lui appartient.Nous prenons un virage sec dans une rue plus étroite encore, puis une porte métallique s’ouvre devant nous, poussée par le frère fantôme.Alexandre.Il ne prononce pas un mot.Pas une question.Pas une explication.Il entre.Nous le suivons.Et la porte se referme derrière nous avec un grondement sourd, comme un couperet.L’intérieur est sombre, humide.Une vieille cave ? Un abri ? Un lieu oublié du monde.Je
SamuelJe serre la main d'Élise sous la table.Elle tremble à peine, mais je le sens.Elle aussi a compris.Quelque chose de terrible se prépare.Pas seulement l’attaque.Pas seulement la violence.Autre chose.Quelque chose qui remue l’âme, qui fouille dans les entrailles, qui réveille des souvenirs que je croyais morts et enterrés.Un instinct ancien griffe l'intérieur de mon crâne, hurle que le pire est à venir.Je jette un œil aux clients autour de nous.Ils commencent à paniquer.Certains se lèvent précipitamment, renversant leurs verres, bousculant les chaises.Le serveur crie d’appeler la police.Trop tard.Beaucoup trop tard.Je me lève d'un bond, tirant Élise avec moi.Elle ne pose pas de questions. Elle sait lire l'urgence dans mon regard.On fonce vers l'arrière du restaurant, bousculant une serveuse en larmes, ignorant les protestations paniquées.Mon cœur tambourine dans ma poitrine, battant un rythme frénétique dans mes oreilles.La porte de service.Notre seule issue.M
AlexandreLa pluie commence à tomber au moment où je m’éloigne du café.Des gouttes lourdes, glacées, cognent contre ma capuche. Chaque impact résonne comme un rappel brutal de ce que je m'apprête à faire.Chaque pas claque sur l’asphalte fendu, chaque battement de mon cœur martèle l’évidence : cette fois, je ne peux pas rester spectateur.Pas cette fois.Je glisse dans une ruelle étroite, engloutie par l’ombre. Le téléphone volé vibre dans ma paume.Un message s’affiche."Équipe 2 en place. Fin de mission avant 23h00."Pas minuit.Vingt-trois heures.Ils accélèrent.Ils sentent que quelque chose dérape.Ils vont frapper plus tôt, plus fort, sans subtilité.Et cette fois, ils n’attendront pas poliment devant un vieux café.Je me mets à courir.Pas pour fuir.Pour traquer.Je dois trouver qui tire les ficelles. Couper la tête du serpent avant qu’il ne crache son venin.Avant qu'il ne touche Samuel.Je connais ces jeux.Je les ai joués.Je les ai gagnés.Et j’en ai perdu bien trop.Un c
AlexandreIl ne sait pas que je suis là.Depuis la rue, dissimulé sous ma capuche, je les observe à travers la vitre craquelée du vieux café.Samuel.Mon frère.Mon double.Celui qui m’a cru mort pendant tout ce temps. Celui que j'ai laissé croire au pire, par nécessité... ou par lâcheté.Je vois ses épaules, tendues sous le poids d'un monde qu'il essaie encore de porter seul.Je reconnais sa posture, ce léger tremblement qu'il cache aux autres, cette rage froide qui bout sous sa peau.Et face à lui, la fille.Élise.La faille.Le point où tout en lui se désarme, où ses défenses tombent.Elle ne s’en rend même pas compte, mais elle est en train de le sauver — doucement, silencieusement.Je serre les dents.Ce n’est pas de la jalousie qui me noue les tripes. Ce n’est pas non plus de la haine.C’est pire.C’est ce vide en moi, ce gouffre que Samuel a fui en se raccrochant à une main tendue... pendant que moi, je me laissais engloutir.Je pourrais partir.Tourner les talons.Laisser cett
SamuelJe reste sur ce banc longtemps après son départ, le papier serré dans ma main moite.Le monde continue de tourner autour de moi — les enfants crient, les feuilles bruissent sous le vent d’avril, les conversations flottent dans l’air comme des bulles prêtes à éclater — mais moi, je suis figé.Il n’y a plus que cette adresse, cette minuscule ligne d’encre, qui bat contre ma paume comme un deuxième cœur.Je sais ce que ça signifie.Ce soir, je n’aurai plus d’excuses.Ce soir, je ne serai plus seulement celui qui observe depuis l’ombre, qui prétend avoir le temps.Ce soir, il faudra choisir. Définitivement.Je ferme les yeux un instant, le souffle court.Je suis tellement habitué aux ordres, aux missions, aux manipulations, que le simple fait de devoir faire un choix libre me terrifie plus que n’importe quelle arme pointée sur moi.Mais je le ferai. Pour elle. Pour moi aussi, peut-être.Je me lève, range le papier dans ma poche, et je pars avant que le doute ne me rattrape.---La
SamuelJe relis l’adresse, encore et encore, comme si les lettres pouvaient s’effacer sous mes yeux, comme si ce choix pouvait disparaître s’il me faisait trop peur.Il n’y a que trois rues à traverser pour atteindre ce lieu qu’elle m’a indiqué. Trois rues qui pèsent comme trois continents. Chaque pas est une trahison silencieuse de celui que j’étais censé être. Chaque pas me pousse un peu plus loin de l’ombre où j’ai vécu trop longtemps.Le vent est frais ce soir. Il soulève des odeurs de bitume, de bois mouillé, et de feuilles mortes. L’air a un goût de fin d’été, de promesses épuisées. Mon cœur cogne trop vite contre mes côtes. Je ne devrais pas avoir peur. Je suis censé être l’homme sans attaches, celui qui observe, qui manipule, qui disparaît avant que quiconque ne réclame quoi que ce soit.Mais Élise n’a rien réclamé.Elle a tendu la main.Et je suis celui qui doit prouver que je peux la prendre sans la souiller.Je m’arrête devant une petite maison. Vieille, sans charme particu
ÉliseIl revient.Je le vois de loin, assis sur le même banc, mais aujourd’hui, il est plus proche du bord, comme s’il s’autorisait à frôler ma réalité. Il n’a pas ouvert son livre. Il ne fait même pas semblant de lire. Le simple fait qu’il soit là, à découvert, presque vulnérable, me serre le ventre.Je ne suis pas surprise. Pas vraiment. C’est comme si mon corps, avant même mon esprit, avait su qu’il reviendrait. Comme une de ces douleurs fantômes qu’on apprend à apprivoiser, qu’on cache dans un coin de la poitrine, en espérant qu’elle se taise.Il est là.Et moi, je suis là aussi.Mon fils court devant moi, la joie simple de l’enfance éclatant dans ses pas. Il lance un cri aigu en direction du bac à sable, s’arrête, regarde Samuel et, sans hésiter, lui adresse un petit salut de la main. Samuel répond d’un geste tout aussi doux. Ils se reconnaissent déjà, d’une manière que je n’ai pas encore acceptée.Je m’avance, comme on marche vers une frontière.— T’es revenu, je murmure, presqu
ÉliseIl y a quelque chose dans ses silences qui me trouble plus que mille paroles.Samuel.Ce nom tourne dans ma tête comme un écho qu’on n’arrive pas à faire taire. Je le regarde, chaque matin, assis sur ce banc. Il ne parle pas beaucoup. Il lit. Il écoute. Il me répond parfois avec un sourire doux, presque maladroit. Comme s’il avait peur que je le devine.Et pourtant, je sens bien qu’il cache quelque chose.Personne ne choisit ce banc par hasard. Pas à cette heure, pas chaque matin. Personne ne s’attarde dans le parc d’un quartier aussi gris sans raison. Et surtout, personne ne me regarde comme lui le fait… avec cette espèce de mélancolie retenue, comme s’il s’excusait d’avance de ce qu’il allait me faire.Je suis fatiguée de fuir. Fatiguée de deviner.Alors demain, je lui poserai la vraie question.Celle qui ne se camoufle plus derrière la politesse.Celle qui dit : “Qui es-tu vraiment, Samuel ?”---SamuelElle est venue plus tôt ce matin.Son fils tenait sa main, comme toujours
Élise Mais s’il est comme moi…S’il est juste un autre cœur blessé sous une autre peau brisée…Alors peut-être qu’on pourra, ensemble,changer les règles.Ou au moinsarrêter de se mentir.Ralentir le temps.Laisser nos silences se parler.Parce qu’à force de survivre,j’ai oublié ce que c’étaitd’être simplement en vie.Et si lui aussi l’a oublié…Alors peut-êtrequ’on peut se rappeler ensemble.— SamuelIl y a quelque chose dans sa manière de se tenir.Raide mais fragile.Comme une tour qu’on aurait reconstruite trop vite après un séisme.Elle me regarde comme si j’étais un fantôme.Ou pire : comme si elle m’attendait depuis toujours sans en avoir conscience.Et moi, je reste là.Assis sur ce banc que je n’ai pas choisi par hasard.À prétendre lire un livre que je connais par cœur depuis des années.Elle pense que je suis tombé sur elle par hasard.Mais rien, avec elle, ne sera jamais dû au hasard.---Je m’appelle Samuel.Enfin, ici, c’est le nom que j’utilise.Il y en a eu d’autr