Chapitre Troisième

Quand mes lourdes paupières s'ouvrirent de nouveau, je ne reconnu pas l'endroit où je m'éveillais. Il faisait sombre et le temps que ma vision s'adapte à mon nouvel environnement, je ne pus rien discerner de plus que l'obscurité. J'inspirais profondément, cherchant à renifler la présence d'ennemis aux alentours. Il n'y avait personne. Pourtant, mon ouïe m'indiquait que c'était faux. Au loin, au-delà des murs qui semblaient m'entourer, il y avait au moins quatre personnes qui échangeaient quelques paroles indistinctes.

Mes yeux s'étant habitués à la lumière, je remarquais que j'étais allongée sur un simple matelas, à même le sol. Une sorte de long tee-shirt blanc unisexe attendait plié près de ma couche. Apparemment, quelqu'un s'attendait à me voir sous forme humaine. Un grognement s'échappa de ma gorge, écho à mon mécontentement. Cela faisait si longtemps que je n'avais pas repris ma forme d'origine que je me sentais vulnérable d'être contrainte à le faire. La seule chose qui me poussa à obtempérer fut la douce odeur sucrée qui s'échappait du vêtement près de moi.

La transformation fut plus douloureuse que jamais. Était-ce parce que plus d'une année s'était écoulée depuis ma dernière transformation ? Ou parce que mon corps n'était pas encore guéri de ses récentes blessures ? Mes os craquaient, mes cartilages éclataient sous la violence de l'acte. J'avais la sensation que mes organes implosaient. Si désagréable. Et lorsque mon corps de jeune femme apparu sous mon pelage lupin, je sus que j'étais à la mercie de mes adversaires. 

J'eus à peine le temps de revêtir le tee-shirt long, qui ressemblait d'avantage à une robe sur moi, que la lumière éclaira la pièce. Éblouie, je remarquai à peine les intrus entrer. Je fus surtout étourdie de surprise en voyant les murs de verre qui m'entouraient. Une cage en verre, je n'en avais encore jamais vu. Elle semblait posée aléatoirement dans une pièce sombre à peine plus grande. Cela me tendit, on aurait dit ces salles où aucun son ne pouvait en sortir. 

L'odeur familière revint, j'appréciais étrangement sa présence. Malheureusement accompagnée par trois autres odeurs fortes. Je croisai à peine mon regard avec celui ambré d'un homme brun, qu'un rire tonitruant résonna dans la pièce. C'était un homme d'une soixantaine d'années, les cheveux grisonnant, qui riait à en perdre haleine. Un vieux loup, siffla mon esprit agacé.

"C'est elle !" S'exclama-t-il entre deux éclats de rire "Cette fichue louve !"

Il continua à rire sous le regard désapprobateur de ses deux compagnons, deux hommes du même âge que le premier.

"Cette salope est encore une enfant !" Continua la premier, toujours en riant "Une enfant !"

Mon loup appréciait que l'on me sous-estime, cela me donnait l'envie de lui démontrer ma férocité. D'un autre côté, l'envie irrésistible de lui arracher la tête avec mes dents me taquinait de plus en plus. Car bien évidemment, je n'étais plus une enfant depuis longtemps.

Il cessa subitement de rire, comme s'il avait lu le danger en moi. Il s'éclaircit la gorge et reprit :

"Ainsi, voici la louve dont toutes les meutes parlent."

Oui, c'était décidé, cet homme finirait sous mes crocs un jour ou l'autre. Il avait cet air suffisant et insupportable que possédaient les hommes de pouvoir, ceux-là même qui n'avaient rien fait pour mérité ce qu'ils avaient. Il se tourna vers l'homme aux cheveux de geai et au regard d'ambre. Il ne devait pas avoir plus de quelques années que moi.

"Félicitations mon garçon, ton père va être si fier de toi."

L'alpha ne prononça pas un mot. Son visage semblait sculpté dans le marbre, indéchiffrable. Il semblait froid, sans aucun sentiment apparent. Le vieux loup se racla de nouveau la gorge, mal-à-l'aise cette fois. Il se tourna de nouveau vers moi, et pour la première fois, il s'adressa à moi directement.

"Grey Castle va être pris d'assaut cette nuit, ta meute est finie. Dis-nous où est Syrius."

Un sourire carnassier se dessina sur mon visage. Décidément, l'idée de le dévorer ne me quittait plus. Pensait-il que j'allais trahir mon propre clan ? Quand bien même Syrius était un beau connard, jamais je ne trahirais les miens. Pire, sa suffisance oubliait que malgré mon rang... je menais mes hommes, telle une alpha. 

"Attaque de Grey Castle prévue ce soir." Soufflai-je par lien mental à mes hommes.

Le lien était faible, presque éteint par la distance. Il était aussi déchiré, car trop peu de mes hommes avaient survécu à la bataille. Un pincement au coeur raviva mes peurs secrètes que peu d'entre eux ne soit parvenu à rentrer. Je crus percevoir des bribes de pensées de Ryan, mais je n'en étais pas certaine. 

L'alpha me regarda étrangement et je décidai de couper la communication avec mes hommes. C'était un alpha, il savait probablement ce que je venais de faire. Lui-même émettait régulièrement des ondes qui me laissaient croire qu'il communiquait à distance avec les siens. 

"Parle !" Aboya le vieux loup.

"Cela suffit." 

La voix calme et sensuelle du brun me transcenda. Il s'agissait de l'ordre d'un alpha, et mon âme voulait s'y plier. Le vieillard se soumit avec un couinement pittoresque. 

"Laissez-moi seul avec la louve."