Le liquide chaud, presque brûlant, coulait à travers ma gueule pour se déverser sur ma poitrine, poisseux, puant. Le goût du sang me rendait nauséeuse. C'était presque insoutenable de sentir les pulsations du cœur de ma victime s'éteindre sous mes crocs. C'était pourtant mon quotidien depuis près de six ans. Je ne connaissais mon loup que sous sa forme de guerrier. Et il me semblait que ma forme humaine n'était que secondaire depuis tout ce temps.
Je relâchai ma victime, la laissant tomber mollement sur le sol, tandis que je m'extirpais à temps d'une attaque ennemie. Des griffes frôlèrent ma fourrure, arrachant ici et là quelques uns de mes poils gris. Je l'évitai, mon corps lupin se mouvant sans même que je n'eusse à y penser. Il s'agissait d'un instinct animal précieux. Un loup guerrier imposant, au pelage ondoyant d'or, attaqua mon ennemi au flanc, le déchirant avec ses crocs acérés. Son dernier souffle se perdit au milieu des gémissements et grognements environnant. Les yeux verts du guerrier se posèrent sur moi, un semblant d'humour flottait sur son visage.
"Vous êtes distraite, cheffe ?" Me dit-il dans un lien télépathique.
Du tout, aurais-je aimé répondre. Pourtant, il avait raison. Ryan me connaissait bien. Il était mon presque-frère depuis l'école d'entraînement, nous avions vécu toutes ces horreurs ensemble, et bien plus encore. Nous étions même plus proches que je ne l'étais avec ma propre sœur de sang. Ainsi, je ne pouvais lui cacher mes réelles émotions.
Depuis que nous avions pénétré dans la West Forêt, un sentiment étrange m'avait envahie. C'était différent de cet étranglement quotidien qui s'entremêlait à mes entrailles. Ici, cette drôle de sensation naissait juste à l'endroit même de mon nombril et semblait tirer dans une direction précise au-delà de la forêt. La dernière fois que c'était arrivé, cela m'avait tellement perturbée que j'avais échoué à ma mission première, ce qui m'avait coûté plusieurs mois d'hospitalisation. J'espérais que ce soit différent cette fois.
Comme s'il avait lu dans mon esprit, Ryan s'approcha de moi, et me donna un coup de tête affectueux. C'était comme s'il me disait qu'il était à mes côtés, quoi qu'il puisse se passer. Comme il l'avait toujours été.
"Cheffe " m'interpella-t-on par lien mental "Secteur nettoyé. Nous nous sommes regroupés à la lisière de la forêt. Ils nous attendent."
Une partie à l'arrière de mon esprit était consacré à mes hommes, j'entendais comme un fond sonore continue toutes leurs pensées informes. Nous avions perdu quelques hommes, l'effet de surprise ayant contribué à réduire nos pertes.
Je me dirigeai à l'endroit indiqué par Nelson, le guerrier qui m'avait interpellé. Ryan et lui étaient mes bras droits, les plus hauts placés dans la hiérarchie de notre groupe. Tous deux fils de grands alphas, ils étaient très respectés.
Toujours cachés par l'ombre des arbres, nous observâmes les plaines verdoyantes qui s'étalaient autour de nous. Nos regards perçants apercevaient au loin une colline sur laquelle nous surplombait une gigantesque meute de loups. Peut-être trois fois plus grande que la nôtre.
Certains loups glapirent à mes côtés, la peur étreignant leur âme. Je ne pouvais les blâmer, quelque part, profondément enfouie, la terreur était là aussi et pouvait me rendre folle à tout moment. Puis, afin de calmer tout le monde, je poussais un grognement d'encouragement. Mes poils se dressèrent sur mon corps, une sensation de puissance grandissant dans tout mon être et me poussant à avancer. Je canalisai toutes leurs pensées en une seule : éradiquer l'ennemi.
Comme un seul loup, nos pattes foulèrent le sol. L'odeur de la terre, de l'herbe verte et celle délicate des rayons du soleil nous enivrait. Nos adversaires piétinaient, ils grognaient d'impatience, ils se retenaient à peine en attendant leurs ordres. Puis, ils s'élancèrent vers nous à en perdre haleine. Je zigzaguai entre eux, sachant que Nelson et Ryan ne feraient qu'une bouchée d'eux afin de me laisser atteindre mon objectif. Tuer l'alpha à leur tête. Mais ce fut à cet instant que tout bascula.
C'était comme cette fois-là, mon esprit se coupa des autres et je fus plongée dans un silence le plus total. J'étais comme sourde, coupée de ce sens primaire si important. Et cette sensation dans mon nombril était plus puissante que jamais. Elle me clouait sur place, me traversant à présent de toute part. C'était à la fois la sensation la plus désagréable et la plus agréable que je n'avais jamais ressentie. C'était un impératif que je ne pouvais contrer. Et ce fut à cet instant précis que je le vis.
*-*-* ERI *-*-*L'eau était glacée sur mon corps. Mordante, blessante. Chaque goutte semblait percée ma peau. Mes doigts bleuissaient depuis une bonne heure déjà. Pourtant, rien y faisait. Je semblais être en feu. Tout mon corps semblait prisonnier d'un feu que rien ne pouvait combler. Presque rien. Mon esprit n'avait de cesse de me montrer les images sexy d'Ulrys qu'il avait en réserve. Son torse, les muscles de son dos, les gouttes de sueur qui roulaient sur sa peau parfaite, son regard empli de désir... Mon poing s'abattit contre le mur carrelé de la douche, si durement qu'un sinistre craquement m'apprit que je venais sans doute de me casser un doigt. Je ne ressentis aucune douleur à la main, le reste me faisant bien trop souffrir. Je gémis. Je n'avais jamais eu de chaleurs aussi violentes. Peut-être était-ce dû au fait que je ne les assouvissais pas, ou par l
*-*-* Point de vue ULRYS *-*-*J'étais repu. Pour la première fois de toute ma vie, un sentiment de plénitude m'envahissait pleinement. Enfin, peut-être que mon pénis n'était pas de cet avis. Il palpitait dans mon pantalon, furieux que je ne l'ai pas laissé entrer dans la grotte réconfortante de notre compagne. Mais tout le reste de mon corps semblait devenir plus léger qu'un nuage. Elle avait joui dans ma bouche. J'avais réussi à la satisfaire, l'une de mes plus grandes fiertés. C'était stupide, certes, mais pour quelqu'un qui n'avait jamais touché une femme, cela équivalait à de l'or. Et mieux encore, elle m'avait dit son nom.Eri. Dans une langue ancienne et perdue, cela signifiait éclat de lune. Et elle l'était. Un morceau de lumière de la lune, enfin mise sur ma route.Dans ce m
Ulrys était en grande conversation au téléphone avec le Bêta Ralph, n'ayant pas l'intention de l'interrompre, je retournai silencieusement dans la chambre. J'étais convaincue que cette vie, les dîners et tout, n'était pas pour moi. J'étais faite pour les champs de bataille pas pour les négociations.La chambre était impeccablement rangée, pas comme le matin-même où Mary avait étalé partout ses œuvres vestimentaires. Sans ménagement, je jetai mes escarpins au loin afin de me masser les pieds, j'enlevai aussi quelques épingles de ma tête afin de libérer mes cheveux, puis je vins m'allonger sur le lit, le regard tourné vers le plafond. J'avais ce sentiment de creux, de vide qui ne pouvait être comblé par la présence de mon compagnon. Avec un sourire, j'accueillis Ulrys qui entrait dans la chambre. Il ne m'avait pas rejoin
J'avais une dizaine d'années la première fois que j'avais rencontré le Prince Blanc. Il était le même qu'aujourd'hui. Paré de blanc, dentelles à ses manches, et longs cheveux roux. Oui, exactement le même. Ces mêmes yeux troublants, d'un rouge profond, posés sur moi."Toi, tu n'es pas ordinaire." avait-il déclaré lorsqu'il était allé se servir sur le buffet vers lequel je me cachais.Le buffet était majestueux, royal, et préparé spécialement pour sa venue. La venue du fils de l'Alpha Abraham II. Je savais qu'un traité était en jeu pour nous aider à prendre un avantage dans cette guerre. C'était là toutes les victuailles d'une année pour cent des nôtres. Je n'avais jamais vu autant de nourriture, de richesse que ce jour-là. Je fis une mou
Je n'avais pas pensé à Owen depuis longtemps, ni à son visage suppliant. Ni à Ryan hurlant de détresse de ne pas avoir été là pour nous protéger. Toutes ses images, j'aurais aimé les oublier définitivement. Je les repoussai néanmoins, m'obligeant à me concentrer sur l'instant présent, car il était bien trop important pour que je sois déconnectée de cette réalité. Le Prince Blanc était sur le point de débarquer. Ulrys était à mes côtés, une main dans la mienne. Il semblait un poil tendu, comme si tout cela l'agaçait. Mais ses doigts entrelacés aux miens étaient d'une douceur incomparable. Je n'avais qu'une envie, s'était d'être enlacée en sécurité dans ses bras chauds. J'étais heureuse de porter la belle robe de Mary et qu'elle ait offert de dompter ma tignasse en un joli chignon comme elle savait les faire, cela m'avait offert le plaisir de voir un regard brillant de désir de la part d'Ulrys.Pour la vingtième fois au moins, Ralph annonça que le Prince Blanc allait arriver, qu'il ne
J'étais si près du but. J'étais désormais parmi les plus proches combattants de Syrius. J'avais fait de nombreux choix sans doute discutables tout au long de ces années d'horreurs pour parvenir à mon rang actuel. Mais tout semblait figé depuis ma rencontre avec Urlys. Je ne pouvais pas me dérober à l'impératif du lien et peut-être devais-je accepter qu'il s'agissait du chemin à emprunter pour me mener à mon destin.Toute la surface de la chambre était occupée par des dizaines et des dizaines de robes en tout genre. Pas un seul uniforme noir à l'horizon, mais des froufrous, de la tulle et de la dentelle, si. Mary, la vieille styliste, farfouillait dans son bazar habituel tout en m'enjoignant d'en revêtir une. Chose que je me refusais de faire. "Dépêche-toi un peu, t'as pas toute la journée !" râla la petite femme dans sa tenue couleur pêche.Je poussai un grognement de protestation, elle se retourna vivement en me fusillant du regard. Il était toujours hors de question de que mette ce
Ryan ne m'embêta plus autant par la suite. D'ailleurs, je finis même par gagner sa confiance, voire même son respect. Cela ne se fit pas en un jour, mais plutôt en plusieurs semaines, voire en plusieurs mois. La faible petite oméga que j'étais à ses yeux, relevait tous les défis imbéciles qu'il me lançait. Le dépasser à la course ? Le mettre à terre lors d'un combat d’entraînement ? Grimper sur le mur d'escalade plus haut que lui ? Je tentais à chaque fois ma chance. Parfois je réussissais, parfois je me ridiculisais. Il arrivait même que nous finissions par courir des heures après le coucher du soleil pour tenter de gagner une course improvisée l'un contre l'autre. C'était grâce à lui si j'évoluai aussi bien malgré mes faibles capacités.Durant toute cette
Propre, mes cheveux et mes dents brossés, je retournai dans la chambre vêtue d'un peignoir confortable. Je ne savais combien de temps cela m'avait pris mais assez pour qu'Ulrys s'endorme profondément. Même lorsque je revins m'installer auprès de lui, il ne broncha pas d'un millimètre. Ce n'était pas dans mes habitudes de m'allonger près d'une personne que je ne connaissais pas, néanmoins, j'avais confiance en lui. Je rabattis les couvertures sur Ulrys en premier, tentant de les soustraire à son poids, puis sur moi-même alors que je prenais une place confortable. Instinctivement, je me plaçai au plus proche d'Ulrys, me logeant contre lui. En levant les yeux vers lui, je pouvais voir son visage et je fus étonnée par ce que j'y voyais. Il avait des traits juvéniles et détendus. On aurait dit un tout jeune homme, dénué des soucis ou des obligations liés &agra
Couper aussi brusquement le lien entre Ryan et moi me déclencha une brusque migraine. Autant que le regard blessé d'Ulrys. Il était assis sur le rebord de mon lit, les poings serrés et tremblants. ça ne faisait aucun doute qu'il était aussi en colère que troublé. "Alors... Tu leur as dit." déclara-t-il d'une voix morne.Je mis quelques secondes avant de rassembler mes pensées, entre les nouvelles informations communiquées par Ryan et mes propres sentiments troublés par la présence de mon compagnon."Non." répondis-je calmement en me redressant dans le lit.Plus rapidement que je ne pus réellement le voir. Ulrys se retrouva sur moi, me maintenant fermement sur le dos."Ne me mens pas." souffla-t-il, son visage transfiguré par la douleur que cette idée ouvrait en lui. Cela me désarçonna. J'avais envie de prendre son visage dans mes mains, de le caresser, de le soulager de toutes ses peines. Un instinct que je n'avais jamais eu. Alors, d'une voix rassurante, je lui expliquai :"Je n'ai