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Chapitre 3

Une semaine passa et ma vie devint paisiblement monotone. Tous les jours à 5 heures je rejoignais les cuisines et y restais jusqu'à 20-21 heures pour aider Missy à tout nettoyer. Suite à cela je passais tous les soirs dans la chambre d'Audrey avant d'aller me coucher.

Je passais la voir le plus souvent possible et mangeais même mes repas avec elle quand j'avais le temps pour ne pas qu'elle se sente seule. Le docteur passait la voir souvent pour vérifier son état et malgré ses protestations une jeune femme l'aidait à se baigner.

Nous ne nous fîmes pas fouetter ou frapper une seule fois et nos cicatrices commençaient enfin à cicatriser en paix. Les seuls fois où je me faisais frapper à présent était dans mes rêves et quand ces derniers me réveillaient je faisais un tour dans le château endormi. Audrey faisait aussi des cauchemars et je lui avais fais promettre de m'appeler si jamais cela arrivait. Pour se faire j'avais demandé un beeper à Cédric et quand ce dernier faisait du bruit j'accourais pour rester auprès d'Audrey le temps qu'elle se rendorme.

Parfois quand le sommeil ne venait pas je me contentais de rester assis sur mon lit le regard perdu dans l'obscurité. Dans ces moments mon esprit se mettait à vagabonder et je n'arrêtais pas de penser à toutes les personnes que j'avais pu rencontrer au cours de ma vie. Jeremy, ma famille... Je me demandais ce qu'ils pouvaient bien-être entrain de faire et j'espérais qu'ils allaient bien.

Ça me rendait malade d'être tranquillement logé tandis que eux vivaient peut-être un véritable cauchemar. Je voulais les retrouver, les prendre et m'enfuir loin avec eux mais pour l'instant je devais rester auprès d'Audrey. Je devais me rendre a l'évidence. Nous étions impuissants et ça me rendait malade. Mais je ne comptais pas rester impuissant toute ma vie.

Cédric avait dis vrai nous ne voyions jamais la duchesse. Du moins sous sa forme d'iceberg. Elle passait nuits et jours dans son bureau enfermée mais tout de suite après le repas apparaissait dans la cuisine dans son costume de jeune membre du personnel. Sa tâche variait de temps en temps mais la plupart du temps elle se contentait de passer le balais et la serpillère en chantonnant.

Elle était tellement absorbée par son travail qu'elle en oubliait presque le monde qui l'entourait. Cela m'arrangeait parce que je n'avais pas l'intention de lui parler. Cela faisait donc sept jours que je ne lui avais pas adressée un seul mot. J'avais hésité à lui faire remarquer que son travail laissait à désirer une fois mais je ne l'avais pas fais car cela aurait été mentir. Cette duchesse pouvait avoir tous les défauts du monde mais elle était appliquée.

Après son passage il ne restait pas une miette, pas une tâche, rien. Le sol brillait de propreté et la duchesse admirait son travail les yeux brillants.

De ce que j'avais pu observer durant cette semaine, seul le peu de personnes qui étaient tout le temps dans la cuisine jusqu'à 21 heures qui savaient que cette jeune femme était là duchesse. Étrangement même si les mots courent vite ici ce secret n'avait pas fuité. Je m'étais dis que la duchesse le leur avait sûrement ordonné mais je me rendis compte en discutant plus avec le personnel que ce n'était autre que Missy qui avait donné cet ordre sans que la duchesse n'en exprime la nécessité.

Ce détail me perturbait mais je décidais de ne pas trop y penser. Après tout ce n'était qu'un détail sans importance. De plus la duchesse aurait bien pu ordonner à Missy en secret d'interdire au personnel de parler de ses apparitions en cuisine.

De toute façon je n'avais pas énormément de temps pour penser en cuisine et mes nuits commençaient petit à petit elles aussi à devenir de plus en plus longues à cause de la fatigue accumulée.

Ma routine me fatiguait déjà telle qu'elle était quand la duchesse décida d'organiser un immense bal pour lequel il fallait préparer énormément de nourriture. Parmi ces derniers cinq gâteaux à plusieurs étages avec des ornements en pâte d'amande. Missy m'assigna donc auprès de Jean pour que je l'aide à faire les centaines de fausses perles décoratives. Tout cela en plus des repas quotidiens évidemment.

Ce soir là la duchesse apparut plus tôt que prévu dans la cuisine. En la voyant Missy fit mine de lever la main sur elle ce qui fit timidement rire la duchesse.

"Je suis vraiment désolée je sais que les bals demandent énormément de travail mais je promets de vous aider le plus possible. Je suis même prête à faire une nuit blanche s'il le faut!"

Missy secoua la tête.

"Allez viens tu vas aider avec la pâte d'amande."

En entendant cela je me crispais espérant de tout cœur qu'elle n'allait pas venir à notre table. Mais malheureusement j'entendais leurs pas s'approcher de plus en plus.

Jean qui n'était pas sans savoir qui était là jeune femme leva la tête à leur arrivée à notre hauteur et afficha le sourire le plus radieux dont il était capable.

"C'est très gentil de vouloir nous aider mais..."

Un regard de la part de Missy le fit taire immédiatement.

"Nous avons besoin de toutes les mains disponibles alors il n'y a pas de mais possible."

J'avais remarqué que Missy traitait en cuisine la duchesse de la même manière qu'elle nous traitait nous autre mais il y avait quand même une douceur inhabituelle dans sa voix quand elle s'adressait à l'iceberg. Malheureusement personne ne travaillait ici depuis assez longtemps pour me renseigner d'avantage sur la relation entre Missy et la duchesse et je n'avais pas osé en parler directement avec Missy suite à notre première conversation au sujet de la duchesse Léonord.

L'intéressée se laissa tomber sur la seule chaise de libre à ma gauche et après avoir détaillé la pâte se lança dans la fabrication de perles. Je m'attendais à ce qu'elle fasse un travail immaculé en fredonnant ou même en discutant avec Jean comme si je n'étais pas là mais il n'en fut rien. Son silence m'interpella et je levais les yeux vers elle. Je me rendais compte que cela faisait aussi sept jours que je ne l'avais pas regardée une seule fois lui tournant constamment le dos exprès.

Ses longues mèches brunes avaient été accrochées dans un chignon chaotique qui avait pourtant l'air d'avoir été finement étudié et ses lèvres étaient pincées. Elle tenait la pâte à deux mains et se concentrait de toutes ses forces pour faire des perles dignes de ce nom sans grand succès. Qui aurait cru que ce serait possible de rater des perles. Tout ce qu'elle avait à faire était de faire des boules.

Je fronçais les sourcils dépité devant tant de manque de talent mais même ça la duchesse ne le remarqua pas. Elle qui d'habitude arrivait à lire dans ma tête et me regardait fixement dans les yeux sans ciller, à présent c'était comme si je n'existais même pas et ça m'énerva immédiatement.

C'était moi qui avais décidé de l'ignorer. Elle n'avait aucun droit de faire de même. Je savais pertinemment que je me comportais comme un enfant mais c'était le manque de sommeil qui parlait ainsi que la frustration. Les journées passées dans ce château étaient trop calmes. Je n'aimais pas ça. Tout le monde savait qu'après le calme venait la tempête et je comptais être prêt quand elle allait arriver.

J'étais prêt à critiquer sa majesté quand je me renfrognais. Cela faisais une semaine que je ne lui avais pas parlée et je comptais continuer sur ma lancée. D'un autre côté je n'allais jamais arriver à rien si je restais calmement dans mon coin. J'allais simplement devenir un membre du personnel comme les autres et oublier mes semblables. Ce n'était pas envisageable. Si je restais silencieux à ses côtés à faire des perles la duchesse allait croire que j'avais renoncé. Je devais lui faire comprendre que ce n'était pas le cas.

"Ce sont sensé être des perles?"

Les mots avaient de nouveau traversé mes lèvres sans mon consentement mais je ne comptais pas les retenir dans tous les cas. La duchesse releva la tête d'un coup vers moi comme si elle venait de remarquer que j'étais là. Ce regard surpris eut le don de m'énerver. N'étais-je pas assez important pour qu'elle remarque ma présence? Un esclave n'était-il pas digne de cela à ses yeux?

Soudain le visage concentré de la duchesse se fendit d'un sourire en coin.

"J'admets que je ne sais moi-même pas ce que je fais.

-Vous détruisez notre travail et nous en créez encore plus derrière. Nous allons devoir refaire toutes les perles que vous avez ratées."

Jean ne savait pas où se mettre dans cette conversation et il essaya de dissiper le malaise tant bien que mal:

"Moi je pense que vos perles sont très réussies.

-Merci Jean c'est très gentil mais je ne suis pas de cet avis malheureusement. Mais je vous en faites pas je vais rester ici tant que mes perles ne seront pas parfaites.

-Vous resterez toute la nuit alors.

-Eh bien soit."

Sur ce elle replongea la tête dans son travail. Un coup de coude de la part de Jean me poussa à tourner la tête vers ce dernier. Il me lança un regard réprobateur que je me contentais d'ignorer.

Jean finit en premier son cotat de perles et proposa à la duchesse de l'aider mais cette dernière lui dit d'aller se coucher avec le sourire.

La duchesse continuait à m'ignorer et j'avais décidé que c'était mieux ainsi. À présent que ma fatigue était retombée je n'avais qu'une envie: aller me coucher. Je finis donc les perles au plus vite et sortais sans rien dire pour me glisser dans mon lit douillet.

Je pensais que j'allais enfin avoir une nuit complète sans cauchemars mais je fus réveillé bien assez tôt par mes souvenirs douloureux. Ne supportant plus de revivre ces violences encore et encore tous les soirs je décidais de faire un tour dans le château.

Je ne regardais pas vraiment où j'allais. Je me contentais simplement de marcher en observant les peintures sur le mur. Ce n'étaient pas des portraits de famille ou des peintures de la duchesse elle-même mais des peintures d'impressionnistes très célèbres. Je n'avais pas eu l'occasion dans ma vie d'être une personne très cultivée en terme d'art ce fut donc grâce à Jean que j'avais appris ce qu'étaient ces peintures.

Il y en avait cependant une que j'avais reconnue sans l'aide de Jean. Un des esclaves sur le même bateau que moi avait tellement parle de cette œuvre durant le trajet que j'aurais été capable de la redessiner les yeux fermés.

L'eau et le ciel se confondant avec leurs couleurs clairs et pourtant agitées, un soleil d'un orange aspirant, des bateaux disparaissant dans le brouillard... Il n'y avait pas de doute possible c'était Impression, soleil levant de Monet. Quand j'avais découvert cette peinture lors d'une de mes balades elle m'avait hypnotisé. J'étais resté à la regarder des heures et c'était comme si le soleil fluorescent absorbait mes inquiétudes.

La duchesse avait beau avoir des defauts elle avait de bons goûts en terme de peinture. À en juger par les murs de son château elle était particulièrement fane de Van Gogh et de Monet mais nous pouvions aussi trouver quelques exceptions comme des Manet, des Renoir ou des Degas.

Ces peintures commençaient elles aussi à jouer un rôle dans mes courtes nuits à cause de leur beauté irrésistible. Je finissais cependant toujours par retourner dans ma chambre. Ces peintures avaient beau être les plus belles du monde je me sentais coupable de les admirer tandis que celui qui m'en avait parlé n'allait sûrement jamais avoir la chance de ne serait-ce qu'y jeter un coup d'oeil. Et je ne parlais même pas de la noblesse qui pouvait passer ses journées à être assis devant ces peintures à ne rien faire.

Quoi que j'étais persuadé que ces personnes ne prenaient même pas le temps d'admirer leurs peintures. Elles ne devaient même pas s'y connaître et se contentaient d'acheter les peintures les plus chers pour s'en vanter auprès de leurs amis. La duchesse devait sûrement faire partie de cette catégorie. Elle passait sa vie dans son bureau elle s'en fichait donc des peintures.

Personnellement si j'avais la chance d'avoir ne serait-ce qu'une de ces peintures je la regarderais tous les soirs avant de m'endormir. Je secouais la tête. Qu'est-ce que je racontais. Je devais être fatigué. Moi avoir une peinture d'une valeur inestimable ? Impossible.

De nouveau empli de culpabilité ainsi que de colère je prenais la route de ma chambre mais en passant devant la cuisine je remarquais la lumière qui filtrait de l'intérieur. Je regardais l'horloge surpris. Il était trois heures du matin personne n'avait rien à faire dans la cuisine de si tôt.

J'ouvrais donc la porte me disant que quelqu'un avait peut-être oublié d'éteindre la lumière quand soudain je vis une silhouette. Une personne était assise à une des tables en bois. Pas n'importe qui. La duchesse. Elle tenait la pâte d'amande à deux mains et avait presque le nez collé dedans tellement elle se concentrait.

Devant elle se trouvaient des centaines de perles dont la moitié étaient encore assez étranges. Elle n'avait donc pas menti. Elle allait rester réveiller temps qu'elle n'avait pas réussi à faire de toutes ses perles des boules parfaites. Je soufflais amusé. Décidément cette duchesse était vraiment étrange. C'était un euphémisme de dire qu'elle était mystérieuse.

Cela faisait plusieurs secondes que je l'observais ne sachant quoi faire. Ce spectacle allait totalement à l'encontre de l'image que j'avais de la duchesse et en même temps ça avait le don de m'effrayer. Je n'avais jamais vu personne d'aussi têtu cela devait être des plus dangereux. Mais la scène était bien trop comique pour que je sois intimider.

Une part de moi se dit que je devais peut-être l'aider. Je riais intérieurement pour avoir pu penser cela mais j'hésitais quand même. Vu la quantité de perles qu'elle avait devant elle, elle n'allait jamais se coucher. Je secouais la tête. Non, c'était le duchesse. Je n'allais pas venir en aide à celle qui avait cru qu'elle pouvait m'acheter.

Alors pourquoi est-ce que je me suis assis à ses côtés et que je me suis mis à formes les boules? Toute la colère que j'avais enfoui au fond de moi avait disparue en voyant la scène et travailler me permettait de ne pas penser. Je me convainquais que je faisais ça pour moi et pas pour elle.

La duchesse me fixa tellement longtemps après mon arrivée que je ne pus m'empêcher de la regarder. Je n'avais encore jamais remarqué les traits noirs sous ses yeux interrogateurs. Elles la vieillissaient de plusieurs années et soudain son chignon qui avait l'air si méticuleux avant semblait lui aussi fatigué laissant les mèches tomber n'ayant la force de les retenir.

Et même ainsi les yeux de la duchesse brillaient de vie et de détermination. Je sentais qu'elle aurait été capable de rester debout pendant plusieurs nuits et jours d'affilé.

Comme elle avait repris sa mauvaise habitude de sonder mon âme avec ses yeux brillants je soufflais.

"Vous comptez me laisser tout le travail ou vous allez vous y remettre?"

Sur ce elle se replongea dans son monde et nous travaillâmes en silence. Enfin je croyais qu'elle n'allait pas parler mais elle finit par briser le silence:

"Tu es né où?"

Je me crispais à l'entente de cette question beaucoup trop personnelle à mon goût.

"Ça ne vous regarde pas.

-Très bien. Alors c'est quoi votre nom de famille?

-Pourquoi?

-Simple curiosité.

-Je n'aime pas assouvir la curiosité des gens.

-Je vois. C'est bien dommage."

Elle ne parlait pas de la même manière avec moi qu'avec les autres membres du personnel. Avec ces derniers elle avait un ton léger et désinvolte limite rieur tandis qu'avec moi elle était beaucoup plus sérieuse. Elle était certes loin de l'iceberg qu'elle avait été au début mais je ressentis tout de même un frisson. Comment était-ce possible pour une si petite personne d'être si imposante ?

Soudain je me rendis compte d'une chose. Nous étions seuls en plein milieu de la nuit avec tout le château endormi. Si je voulais me débarrasser de la duchesse c'était le moment adéquat. Je cherchais des yeux un couteau qui traînait sans succès. Tout était toujours bien rangé. Je haussais les épaules. Je n'avais pas besoin d'un couteau pour la vaincre. J'étais bien plus musclé qu'elle j'allais la tuer de mes propres mains.

Je n'avais encore jamais tué personne mais j'en avais de plus en plus envie. La duchesse faisait partie de ces nobles à qui la vie avait souri pendant que nous autres étions contraints aux fouets. Elle n'avait certes pas choisi de naître ainsi mais ce n'était pas une excuse car elle ne faisait rien pour nous sauver et elle achetait même des esclaves contribuant au régime. Je devais l'anéantir.

La duchesse avait dû sentir la colère émanant de moi car elle s'était arrêtée de fixer ses perles et me pénétrait à mon tour de ses yeux brûlants. Elle avait beau être imposante, ce regard ne faisait que me provoquer encore plus.

"Tu es rongé par la colère depuis ton arrivée mais il ne faudrait pas que tu laisses cette dernière te donner de faux espoirs.

-Pardon?

-Par exemple croire que tu pourrais me tuer sans la moindre arme."

Je serrais la mâchoire irrité. Comme je ne répondais pas la duchesse se leva et me fit signe de faire de même. Je refusais de lui obéir alors elle me dévisagea comme si j'étais un enfant stupide.

"Comment veux-tu me tuer de ton siège? Approche."

Je ne supportais plus de la voir. La colère prenait de plus en plus de place et la voir si sûre d'elle n'aidait pas. Je sautais donc de ma chaise d'un coup faisant tomber cette dernière dans un fracas monstre.

Je n'attendais pas qu'elle me provoque de nouveau et lui sautais à la gorge. Une seconde après j'étais au sol avec une immense douleur au ventre et ne comprenant pas ce qui venait de se passer.

La duchesse se tourna vers moi toujours avec son air supérieur. Je ne voulais plus qu'une chose. La voir souffrir. Je sautais sur mes pieds et retentais mon coup sans succès. Je me retrouvais de nouveau à terre avec cette fois ci une douleur au bras droit. Je tenais mon bras en grimaçant mais je n'étais pas prêt à abandonner. Je me lançais donc encore et encore sur la duchesse jusqu'à être à bout de souffle.

J'avais perdu le compte de mes essaies mais je n'avais même pas réussi à la fatiguer. Je ne m'étais jamais senti aussi impuissant même avec mes chaînes et j'en bouais de rage. Je n'arrivais plus à penser clair et me lançais encore et encore sur elle.

La duchesse finit par en avoir marre car mon endurance était plus importante que prévue et elle me cloua au sol en m'y maintenant avec une clef de bras qui me fit serrer les dents.

"Maintenant que nous avons vu qui de nous deux est le plus fort j'aimerais retourner à mes perles."

Sa voix semblait ennuyée j'en devenais fou. Je n'avais réussi qu'à l'ennuyer tandis que j'avais mal partout. Toute cette rage et cette frustration me poussa à me relever d'un coup en faisant perdre son équilibre à la duchesse. Je profitais de cet instant de surprise pour lui faucher le pieds ce qui la fit tomber directement sur le dos et lui coupa le souffle.

Tandis qu'elle toussait je m'assis à califourchon sur elle et plaçais mes mains autour de son cou. J'attendais cependant avant d'appuyer. Je voulais savourer. Je voulais l'entendre paniquer.

Les toussotements finirent par se calmer et la duchesse me regarda de nouveau droit dans les yeux. Elle n'affichait aucune émotion à part la curiosité. J'appuyais sur son cou et aucun muscle de son visage ne se contracta. Ce fut comme si elle ne ressentait rien du tout.

Surpris j'appuyais encore plus et elle toussa enfin. Je l'entendais respirer difficilement mais elle n'avait toujours pas peur. Je commençais moi-même à paniquer.

"Je peux vous tuer là."

Elle ne bougea pas et ne prit même pas la peine de poser ses mains sur les miennes. J'ignorais à présent ce que je devais faire. J'avais été idiot de m'être laissé aveugler par la peur.

"Je vais vous étrangler."

Qu'est-ce que j'allais bien pouvoir faire après sa mort? J'allais moi-même me faire tuer.

"Réagissez bon sang!"

Encore pire j'allais peut-être mettre Audrey en danger. Je n'avais nul part où fuir. J'étais persuadé que j'aurais pu trouver un travail et vivre en me faisant tout petit mais qu'en était-il d'Audrey? Je ne pouvais pas l'abandonner.

Je serrais de plus en plus mais la duchesse ne se débattait toujours pas. Elle se contentait de me fixer droit dans les yeux tout en ayant visiblement du mal que respirer.

Je lâchais la duchesse d'un coup et reculais aussi loin que possible. La duchesse se mit à tousser sévèrement et maintenant que mes mains n'étaient plus autour de son cou je vis la marque rouge. J'avais serré très fort.

En remarquant les marques je repérais aussi le métal brillant dans la main de la duchesse. J'ignorais quand est-ce qu'elle avait trouvé un couteau mais elle ne m'avait pas planté alors qu'elle était sur le point de s'étouffer.

Cette femme ne pouvait pas être humaine. C'était impossible. Personne ne pouvait rester si calme devant la mort.

Je la dévisageais apeuré tandis qu'elle se levait doucement et arrangeait ses cheveux.

"Vous n'avez pas peur de la mort?"

Elle haussa les épaules avec une grâce inhumaine.

"Je finirai par mourir que j'ai peur ou non.

-Mais pourquoi... Pourquoi?

-Je ne t'ai pas tué parce que tu ne le méritais pas."

Je frappais la table la plus proche de moi de toutes les forces.

"J'en ai marre! Vous me regardez comme si je n'étais qu'un cafard! Je ne le méritais pas? Parce que je ne suis qu'un vulgaire esclave je ne mérite même pas de mourir?"

Tandis que je hurlais la duchesse ferma les yeux et soupira. Elle avait l'air plus fatiguée que jamais.

"Arrête de jouer la victime."

Je me pris ces mots tel un uppercut dans le ventre.

"Tu ne mérite pas de mourir parce que personne ne mérite de mourir."

Je restais figé devant elle perplexe.

"Tu crois que je te vois différemment parce que tu étais un esclave mais la vérité est que tu n'as rien d'exceptionnel à mes yeux. Ici tu n'es qu'une personne parmis tant d'autres."

Je ne sus quoi répondre pour la première fois de ma vie. J'avais toujours trouvé quelque chose à répliquer mais cette fois je restais silencieux. Je ne comprenais rien. J'étais une personne parmi tant d'autres ? Mais j'étais un esclave. Elle m'avait acheté. Comment est-ce que je pouvais être pareil que le reste du personnel?

Le duchesse sentit mon questionnement intérieur.

"Je n'ai jamais dis que tu étais mon esclave."

Sur ce elle regarda l'heure et sans plus tarder continua à réparer ses perles en étant aussi appliquée que possible. Quant à moi je restais au sol hébété. Je n'étais pas son esclave? Mais alors qui étais-je et pourquoi m'avait-elle acheté ?

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