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chapitre 03

last update Last Updated: 2025-10-20 03:26:31

Un sursaut brutal le réveilla. Son souffle était court, son front trempé de sueur froide. Il ouvrit les yeux brusquement, comme s’il échappait à un cauchemar… mais ce n’était pas un cauchemar, au contraire. C’était un rêve. Un rêve trop réel. Trop cruel.

Dans ce rêve, Sandra était là, souriante, tendre, vivante. Il la tenait, il l’embrassait, il sentait même son parfum. Mais la douleur le rattrapa à son réveil : elle n’était plus là. Et elle ne le serait plus jamais.

À cause de quoi ? À cause de son sexe. De son libido indomptable. D’un moment de plaisir qui lui a coûté sa femme, ses enfants… sa vie.

Une larme solitaire roula lentement sur sa joue. Il l’essuya du revers de la main, presque avec colère. Il tenta de redresser son cou endolori par la mauvaise position dans laquelle il avait dormi. Une douleur sourde s’étira le long de sa nuque.

Son camion, c’était devenu sa prison. Sa cellule. Son lit. Sa maison. Son purgatoire.

Il avait choisi cette vie rude volontairement. Il voulait que son corps souffre, autant que son cœur. Il se répétait souvent, les dents serrées :

— "Si j’avais été fidèle… Sandra serait encore là. Et nos deux petits riraient dans notre salon."

Alors il refusait le confort. Il dormait assis, mangeait mal, se lavait à la va-vite… comme un homme en quête de rédemption dans un désert sans fin.

Après avoir étiré ses muscles engourdis, il descendit du camion. Saisit une bouteille d’eau tiède et une brosse à dents, et fit sa toilette buccale au bord de la route, comme à son habitude.

Puis, il remonta dans sa cabine, fit ronronner le moteur, et reprit la route, direction une rivière qu’il connaissait bien. Là, il se lava, revêtit des habits propres… et reprit le volant.

Sans destination précise.

Sans but, si ce n’est fuir.

Fuir ses souvenirs. Fuir sa douleur.

Fuir lui-même.

Cela faisait partie de son rituel quotidien, presque religieux. Venir se baigner dans cette rivière isolée, acheter plusieurs bouteilles d’eau — pour sa toilette buccale, pour se désaltérer — et ensuite, arpenter les rues à la recherche d’opportunités.

Pas n’importe lesquelles. Il ne livrait que dans des camions-citernes, et uniquement des produits liés au pétrole. C’était sa pénitence et sa zone de confort à la fois.

Ce jour-là, après avoir fait le tour de quelques points de livraison, il s’arrêta devant une petite supérette qui faisait aussi du take-away. Il s’approcha du comptoir, affamé :

— Bonjour, monsieur. Je peux avoir un plat de frites au fromage, s’il vous plaît ?

— Bonjour, ça vient tout de suite, répondit le boutiquier avec entrain.

Quelques minutes plus tard, le plat fumant était prêt.

— Vous mangez sur place ou c’est à emporter ?

— À emporter, merci, dit-il en prenant la barquette.

Avant de tourner les talons, Xavier s’autorisa une question :

— Dites-moi… vous savez où je pourrais trouver une entreprise pétrolière dans le coin ? Qui recrute des camionneurs ?

Le boutiquier fronça légèrement les sourcils, réfléchit une seconde :

— Hmm… allez plus vers le nord. Il paraît qu’une nouvelle boîte vient d’ouvrir là-bas. Ils cherchent du monde, surtout des conducteurs.

— Merci, vieux, répondit Xavier avec un signe de tête.

Sans perdre de temps, il grimpa dans son camion et prit la direction indiquée. Deux, presque trois heures de route plus tard, il se retrouva devant une imposante bâtisse industrielle : Petro-Ongles, inscrit en lettres dorées sur le portail d’entrée.

Il descendit du camion, réajusta sa casquette poussiéreuse et entra d’un pas assuré.

À peine avait-il franchi le hall qu’il se retrouva nez à nez avec une jeune femme, assise derrière un grand bureau.

— Bonjour, mademoiselle…

— Madame, corrigea-t-elle sans détour, ses yeux toujours rivés sur son écran.

— Oh, pardon. Pourrais-je parler à votre supérieur, s’il vous plaît ?

— Vous avez un rendez-vous ?

— Malheureusement non.

— Alors ce ne sera pas possible, monsieur, dit-elle sèchement, sans même lever les yeux.

Xavier inspira calmement, refusant de se vexer. Il tendit la main avec un sourire maîtrisé :

— Je suis de passage. J’ai vu que vous aviez affiché une annonce de recrutement. Je suis camionneur, spécialisé en transport de pétrole. Je voulais proposer mes services.

La réceptionniste releva finalement les yeux. Pendant une fraction de seconde, elle resta figée, surprise par le regard intense de cet inconnu… un mélange de force, de douleur et de mystère dans ses traits fatigués.

Elle se reprit vite.

— Allez voir la DRH. Troisième étage, bureau à droite.

— Merci, madame, répondit-il, cette fois avec un clin d’œil discret, avant de s’éloigner vers l’ascenseur.

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