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Chapitre 5 — Ce que l’on réveille

Penulis: L'invincible
last update Terakhir Diperbarui: 2025-05-06 19:22:26

Aelya

Le vent hurle dans les branches comme un chœur d’âmes perdues.

Il chante pour les morts. Pour ceux qui n’ont jamais eu de tombe. Pour ceux que l’on a oubliés.

Je marche dans la forêt depuis des heures. Pieds nus. Le sol est glacé, couvert d’aiguilles, de pierres, de souvenirs tranchants. Le sang séché colle à mes talons, trace un chemin que personne ne devrait suivre.

Mais lui le suivra.

Je le sens.

Il est comme moi.

Instinct.

Souvenir.

Quelque chose de plus fort que la raison.

Quelque chose d’ancien. De dangereux.

La brume s’épaissit entre les troncs. Elle s’enroule autour de moi comme des doigts invisibles, murmure des noms oubliés à mes oreilles. Mon cœur bat lentement, trop lentement, comme s’il savait déjà que ce qui m’attendait n’était pas fait pour vivre.

Je m’arrête au bord du précipice.

La vallée s’étend sous mes yeux.

Grise. Immobile.

L’ancienne frontière.

Le lieu où notre monde s’effondre, à chaque génération, à chaque trahison. Là où les légendes sont mortes. Là où mon frère est tombé.

Je serre le pendentif autour de mon cou.

Une écaille noire. Brûlante, même maintenant.

Une relique. Ou un avertissement. Ou peut-être… un souvenir.

Il appartenait à Lys.

Celle dont on ne parle plus.

Celle dont les flammes ont été volées.

Celle qu’on a sacrifiée pour que les autres vivent.

— Tu étais là, murmuré-je à la nuit. Et tu l’as laissé faire.

Le silence répond. Mais je sais qu’il m’écoute.

Le vent frémit, chargé d’une énergie qui ne m’appartient pas.

Le lien s’est réveillé.

Je l’ai vu dans ses yeux.

Kael.

Un vampire.

Un traître.

Un survivant.

Et pourtant, ce que j’ai vu en lui n’était pas un ennemi. C’était un miroir.

Brisé.

Tranchant.

Mais familier.

Je revois ses gestes.

La tension dans ses épaules. La façon dont ses doigts ont effleuré ma lame au lieu de l’éviter.

Ce n’était pas une erreur. Ce n’était pas une provocation.

C’était une offrande.

Un instant suspendu.

Un battement de cœur entre deux morts possibles.

Il aurait pu fuir. Il aurait dû fuir.

Mais il est resté.

Et moi…

Je ne l’ai pas tué.

Je recule. Mes jambes tremblent. Je m’assois contre le tronc d’un vieux chêne. Le bois est rugueux dans mon dos. Mes doigts cherchent la terre, la fouillent comme pour y trouver un souvenir, une réponse, une voix. Mais tout est froid. Tout est mort. Même les esprits ont déserté ces terres.

Même eux nous ont abandonnés.

— Aelya, souffle une voix derrière moi.

Je ne me retourne pas.

Je n’ai pas besoin de voir son visage pour savoir.

Je reconnais ce ton. Ce calme rugueux. Cette douleur rentrée.

Orion.

Le Gardien.

Il s’assoit à mes côtés. Il ne dit rien pendant un long moment. Il n’en a pas besoin.

Il sent ce qui change en moi. Ce qui m’écorche. Ce qui me transforme.

Il l’a toujours su.

— Tu sais ce que ça signifie, dit-il enfin.

Sa voix est grave. Fatiguée.

Il a trop vu. Trop porté.

Comme moi.

— Je sais.

— Alors pourquoi tu ne pars pas ? Pourquoi tu ne le détruis pas ?

Je tourne lentement la tête vers lui.

Ses yeux dorés me fixent. Brûlent d’un feu ancien, celui que l’on ne transmet qu’aux chefs de meute. Celui qui protège. Celui qui juge.

— Parce qu’il est comme moi, dis-je.

Orion fronce les sourcils. Son regard s’assombrit.

— Non. Il est pire.

Je souris. Sans joie.

Sans lumière.

— Peut-être. Mais ça ne m’empêche pas de vouloir savoir pourquoi je me suis arrêtée devant lui, au lieu de l’abattre. Pourquoi je n’ai pas tremblé. Pourquoi mon cœur a battu plus fort.

Il se lève. Brusquement.

Agacé. Bousculé.

Il ne comprend pas. Ou il ne veut pas comprendre.

Il croit encore que tout peut être simple.

Meute ou solitude.

Loi ou chaos.

Mais moi, je suis née entre les deux.

Entre le sang et le feu.

Entre les choix qu’on n’a jamais eus.

— Il est lié à elle, tu le sais, dit Orion. C’est pour ça que tu le sens. Ce n’est pas ton lien. C’est celui de Lys.

Je baisse les yeux.

Puis je relève le menton.

— Et si c’était les deux ?

Orion me fixe. Longuement.

Puis il s’éloigne, sans un mot.

Il n’a pas de réponse.

Moi non plus.

Mais je sais ce que je dois faire.

Je sais ce que mon corps réclame.

Ce que mon sang appelle.

Je dois le revoir.

Pas pour l’aimer.

Pas pour le sauver.

Mais pour comprendre. Pour savoir ce que le monde a brisé en lui… et ce qu’il brisera en moi.

Je me lève.

Le vent gifle mon visage.

La nuit s’épaissit autour de moi, dense, vivante, vibrante.

Je tends la main vers l’obscurité.

Et je l’appelle.

— Kael.

Quelque part, je sais qu’il m’entend.

Pas avec ses oreilles.

Avec sa peau. Avec son cœur. Avec le lien.

Je descends du plateau.

Ma silhouette se fond dans les ombres.

Les racines craquent sous mes pas.

Les arbres plient.

Les feuilles se tordent.

Les esprits s’éveillent.

Car je ne suis plus seule.

Et lui non plus.

Il m’attend.

Il brûle.

Et ce que nous réveillons ensemble… pourrait bien détruire tout ce qui nous reste.

Ou tout recréer.

Dans le feu.

Dans le sang.

Dans le lien.

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