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Chapitre 4

Author: Perrine Béliveau
Le lendemain, dans le bureau présidentiel du groupe FS, Florian a jeté un dossier sur son bureau en pianotant nerveusement. « Séverine n'est toujours pas revenue ? » a-t-il demandé d'un ton impatient.

Lucas a baissé la tête : « Non. Cela fait trois jours qu'elle n'a pas paru à l'entreprise... »

Les sourcils de Florian se sont froncés davantage.

Sans le sou, comment avait-elle survécu ces derniers jours ? La faim ? La rue ? Recroquevillée dans un coin comme un chat errant ?

Ces images le taraudaient. Il l'avait trop gâtée, voilà le problème, au point qu'elle préférait souffrir plutôt que de plier.

Il s'est massé les tempes, une lassitude dans la voix : « Trouve-moi où elle se cache. J'irai la chercher. »

À cet instant, la porte de son bureau s'est ouverte brusquement. Thaïs, le ventre arrondi de sept mois, est entrée précipitamment, une bague étincelante au creux de sa paume. « Florian ! En faisant du shopping, j'ai vu cette bague au doigt d'une femme. Je l'ai tout de suite reconnue : votre alliance, celle que tu avais fait créer sur mesure ! Elle est unique au monde. »

« J'ai demandé à cette femme où elle l'avait eue... » Elle a feint un moment d'hésitation, le visage gêné, « Elle a dit... l'avoir achetée en bijouterie. D'occasion. »

Avec un « CRAC » sec, le stylo de luxe s'est brisé net entre les doigts de Florian.

Livide, une veine battant à sa tempe, il a grondé : « Séverine... Tu as vraiment franchi la ligne. » Chaque mot semblait arraché entre ses dents.

Lui qui s'inquiétait de la savoir sans ressources, et elle osait vendre le symbole de leur union ?

« Florian, c'est de ma faute... Sans moi, vous ne seriez pas dans cette situation... » Thaïs a essuyé des larmes factices, « Une alliance représente l'amour... La vendre, est-ce sa manière de te quitter ? »

« Me quitter ? » Florian en a eu un ricanement amer.

Il a poussé un rire bref, son regard obscurci par une tempête menaçante : « Elle m'aime à la folie. Me quitter ? Ce serait lui arracher le cœur. Elle n'en serait jamais capable. Elle joue simplement les divas pour me provoquer en vendant cette bague. Je peux tolérer ses caprices, mais un héritier des Battier engage ma lignée. Elle se berce d'illusions si elle croit me faire plier par ces pitreries. »

« Il est temps de lui donner une leçon. Elle devrait retrouver la raison », a-t-il conclu d'un ton implacable.

Au même moment, au Domaine de la Crête Nuageuse, André s'est enquis avec déférence : « Madame, seriez-vous disponible aujourd'hui ? Tout est organisé. Vous pourriez rencontrer l'équipe chargée du mariage au salon privé du Saint-Honoré. »

« Cet après-midi, oui », a répondu Séverine en se massant les tempes, « j'ai un contrat à signer ce midi. »

Ce projet, elle y travaillait depuis trois mois. Toutes les négociations étaient finalisées, il ne manquait que les signatures. C'était son dernier projet pour le groupe FS et elle tenait à boucler cette page correctement. Surtout, la commission s'élevait à deux millions d'euros. Cet argent lui était dû.

Après cette signature, elle réglerait les prud'hommes avec son avocat, récupérerait ses arriérés de salaire, et tournerait définitivement la page.

« Où se fera la signature ? J'enverrai la voiture vous chercher ensuite. »

« Inutile, cela se passe justement au Saint-Honoré. »

...

À midi pile, Séverine est arrivée au lieu convenu. En poussant la porte, elle a découvert deux silhouettes inattendues : Florian, et Thaïs, radieuse, en train de signer le contrat à sa place.

En apercevant Séverine sur le seuil, Thaïs a souri, victorieuse, son regard chargé de défi.

« Tiens, Séverine ! Désolée, j'ai oublié de t'informer : Florian a estimé que le département méritait une direction plus compétente. Je viens d'être nommée directrice, ta supérieure hiérarchique. Du coup… »

Elle a agité le document sous son nez : « J'ai signé pour toi. »

Une femme enceinte de sept mois, sur le point de prendre son congé maternité, promue directrice ? C'était lui voler sa commission et son mérite, sans même le cacher !

Pour Séverine, ce n'était plus de la provocation, mais une humiliation pure et délibérée.

La fureur lui a embrasé le sang. Elle a fixé l'instigateur, les dents serrées : « Florian, j'ai porté ce projet pendant trois mois. Les nuits blanches, les efforts, tu les sais mieux que personne. Et tu oses le confier à Thaïs ? De quel droit ? »

Le regard de l'homme se rivait à son visage, plus sombre encore que le sien. Il s'est levé, s'approchant en quelques pas. « Et toi, comment as-tu pu vendre notre alliance ? Séverine, m'as-tu seulement aimé ? » Sa voix, chargée d'orage, portait l'accusation habituelle.

Séverine en a eu un rire amer. Elle s'attendait à sa mesquinerie, mais pas à ce mélange insensé du professionnel et du personnel.

« Ceci n'est qu'un avertissement. Que cette bague ne quitte plus ton doigt, ou je te licencie. »

Il lui a attrapé la main, serrant si fort que les os ont craqué, et a fait glisser l'anneau glacé sur son annulaire. La douceur feinte de sa voix a caché mal la menace : « Séverine, regarde la réalité en face. Tout ce que tu as, y compris ta vie confortable et ta carrière, c'est par moi. Sans moi, tu n'es rien. Je ne veux pas être cruel, mais connais ta place. Arrête ces enfantillages, rentre à la maison, accepte cet enfant. J'oublierai tout et te chérirai comme avant. »

Ses yeux avaient retrouvé leur tendresse passée, mais ses paroles soulevaient le cœur de Séverine.

C'était cela, son « amour » : la récompense pour sa soumission, et la punition pour sa rébellion. Retirer ses « dons », la piétiner par la menace et le mépris.

Pour qui se prenait-il ? Se croyait-il donc indispensable ?

À sa sortie d'études, elle avait reçu plusieurs offres globales prestigieuses, y compris du Groupe G-Renouveau, leader mondial, qui l'avait invitée à diriger leur département R&D en IA. Mais pour la demande de Florian, « J'ai besoin de toi », elle avait tout refusé et plongé tête baissée dans son entreprise pour développer ce secteur depuis zéro.

Durant trois ans, elle avait porté à bout de bras le département R&D en IA de la société, traçant sa voie dans un domaine ultra-concurrentiel. Le projet d'interaction émotionnelle IA, dont le lancement était imminent et qu'elle dirigeait, propulserait FS au sommet de l'industrie.

La menacer de licenciement ? Était-ce une intimidation… ou se couper lui-même l'herbe sous le pied ? Sans elle, le département IA, fierté de FS, ne serait qu'une coquille vide !

« Me licencier ? » Séverine a éclaté d'un rire froid, « J'espère que vous tiendrez parole, M. Battier. N'oubliez pas l'indemnité de six mois, ni le salaire de ces trois années. »

Puis, se tournant vers le partenaire présent, Thierry, elle a affiché un sourire poli : « M. Tanguy, vous venez d'entendre : M. Battier me licencie. L'optimisation technique promise avec ce contrat… ne sera pas livrée. »

Sur ce, elle a tourné les talons sans hésitation.

Derrière elle, la colère de Thierry a éclaté : « C'est une mascarade ? Ce contrat est rompu ! »

Florian, le regard fixé sur le contrat déchiré puis sur la silhouette qui s'éloignait, a senti une angoisse inconnue lui étreindre le cœur.

Auparavant, peu importaient leurs disputes, Séverine avait toujours, in fine, préservé ses intérêts et ceux de l'entreprise, avalant ses rancœurs.

Pourquoi pas cette fois ? Elle n'avait jamais été aussi intraitable…

Était-ce donc sérieux ?
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