Le soleil de Douala filtrait à travers les grandes baies vitrées du bureau de coordination du projet Nova. Les rayons chauds de la fin de matinée illuminaient les plans étalés sur la table et faisaient danser les reflets sur le béton poli. Naïla entra, le dossier sous le bras, consciente que cette première rencontre serait déterminante. Ses pas résonnèrent légèrement sur le sol, chaque cliquetis de talons résonnant comme un avertissement silencieux. L’atmosphère semblait déjà vibrer d’une énergie nouvelle, presque électrique, comme si le lieu lui-même savait qu’un affrontement, ou une rencontre marquante, allait se produire.
À l’autre bout de la pièce, un homme était déjà là. Il leva les yeux de son ordinateur portable au moment exact où elle franchissait le seuil : Malik Adeyemi Osaro. Son costume parfaitement ajusté soulignait ses larges épaules, sa posture droite témoignait d’une discipline implacable, et ses yeux noirs profonds captèrent immédiatement l’attention de Naïla. Elle sentit un frisson inattendu parcourir son dos, une réaction qu’elle n’avait jamais connue face à un inconnu. Ce n’était pas seulement son physique, c’était l’aura de contrôle, de calme et de certitude absolue qu’il dégageait.
Naïla (pensée) : Il est… impressionnant. Trop calme, trop parfait. Et ce regard… il scrute tout, jusqu’à ce que je sente presque mon cœur sous sa loupe.
Malik se leva, mais ne sourit pas. Juste une inclinaison de tête stricte et professionnelle. Ses gestes étaient mesurés, calculés, précis.
Malik : « Naïla Sefora Ayémé. Je suppose que tu es aussi passionnée par ce projet que moi par la rentabilité. »
Naïla esquissa un sourire ironique, légèrement narquois.
Naïla : « Et vous, vous êtes passionné par… les chiffres ? Je me trompe ? »
Un silence rapide s’installa. Malik haussa un sourcil, intrigué par son audace.
Malik : « Peut-être. Mais je sais aussi reconnaître une vision qui ne se limite pas aux murs et aux briques. »
Naïla se raidit légèrement. La justesse du compliment, voilée mais perceptible, la surprit. Elle répliqua avec un ton piquant, pour masquer son trouble :
Naïla : « Ah, vous savez donc lire entre les lignes… intéressant. »
Un courant électrique semblait passer entre eux, subtil mais puissant, assez pour troubler Naïla malgré elle.
Pendant quelques secondes, le silence du bureau fut uniquement rythmé par le bruit lointain d’un marteau-piqueur sur le chantier voisin et le froissement des feuilles sur la table. Naïla s’assit, feuilletant son dossier avec soin, mais ses yeux ne pouvaient s’empêcher de revenir sur Malik.
Naïla (pensée) : Pourquoi est-ce que je me sens… observée ? Comme si chaque erreur que je pourrais faire était déjà anticipée.
Assise face à Malik, Naïla le scrutait tandis qu’il manipulait les documents et annotait des chiffres avec une précision chirurgicale. Chaque geste était calculé, élégant, et révélait une rigueur qui contrastait avec son propre approche intuitive et passionnée.
Naïla (pensée) : Il est froid… mais il y a quelque chose derrière cette glace. Quelque chose que je ne devrais pas trouver… charmant ? Non, impossible. Je ne peux pas…
Elle remarqua comment il se penchait légèrement vers ses plans, les yeux plissés, étudiant chaque détail. Malik ne souriait pas, mais sa présence semblait amplifier l’intensité de la pièce, rendant l’air presque plus dense.
Elle leva légèrement le regard pour croiser le sien un instant. Le contact fut bref, mais suffisant pour que son cœur s’emballe.
Naïla (à voix basse, pour elle-même) : « Pourquoi est-ce que je me sens… à la fois menacée et curieuse ? »
Malik, de son côté, observait chaque mouvement de Naïla avec une attention silencieuse.
Malik (pensée) : Elle est tout le contraire de moi. Impulsive, passionnée… et je dois l’avouer, fascinante. Elle pourrait compliquer mes plans… mais je ne peux m’empêcher de vouloir comprendre ce feu qui brûle en elle.
Le bureau était parsemé d’outils, de maquettes et de plans, et le cliquetis d’un crayon sur le papier se mêlait aux bruits sourds du chantier. Chaque détail, chaque petit geste, renforçait la tension subtile qui s’était installée entre eux.
Madame Ndema fit son entrée, suivie de deux chefs de chantier locaux. Son sourire chaleureux contrastait avec la rigidité du duo.
Madame Ndema : « Bonjour à tous. Naïla, Malik, voici les équipes et le lieu exact du chantier. Je veux que vous travailliez ensemble pour aligner vos visions. »
Les plans furent rapidement étalés sur la grande table, et la discussion s’ouvrit sur le choix des bâtiments à réhabiliter. Très vite, un désaccord surgit.
Naïla : « Si nous démolissons cette vieille maison pour élargir la rue, nous effacerons une partie de l’histoire du quartier. Je propose de l’intégrer au projet. »
Malik : « Intégrer ? Cela réduira l’espace utile et impactera le rendement financier. Nous parlons d’investissement, pas d’un musée. »
Naïla ne put retenir un sourire ironique.
Naïla : « Et depuis quand le profit doit-il passer avant la vie des habitants et la mémoire du quartier ? »
Malik (calme, incisif) : « Depuis que le monde fonctionne ainsi. On ne peut pas ignorer la réalité économique. »
Leurs regards se croisèrent. Une tension palpable s’installa, mais elle était également chargée de curiosité mutuelle, un mélange subtil de défi et d’attraction.
Naïla (pensée) : Il est arrogant, mais tellement… concentré. Et si derrière cette froideur se cachait autre chose ?
Malik (pensée) : Elle est impulsive, passionnée… et fascinante. Ce feu pourrait compliquer mes plans… mais je veux comprendre pourquoi elle brûle ainsi.
Les échanges devinrent plus rapides, ponctués de répliques piquantes et de gestes involontaires : un doigt effleurant un plan, un regard trop long, une inclinaison de tête qui trahissait l’attention. Chaque interaction renforçait une tension presque électrisante.
À la fin de la réunion, Naïla ramassa ses affaires avec un mélange de frustration et d’attirance involontaire.
Naïla (pensée) : Cet homme… je ne devrais pas me sentir ainsi. Et pourtant…
Malik, restant derrière, l’observa s’éloigner. Son poing se serra légèrement, mais ses yeux reflétaient une fascination qu’il refusait de reconnaître.
Malik (pensée) : Elle est le chaos que je pensais maîtriser… et pourtant, elle me trouble. Danger. L’attachement est dangereux.
Même en quittant le bureau, chacun était hanté par l’image de l’autre. Naïla s’allongea sur son canapé, laissant la musique de jazz emplir l’appartement. Elle repensa à son regard noir et à l’aura mystérieuse qui l’entourait.
Naïla (pensée) : Il est froid… mais ce regard… il cache quelque chose. Je dois comprendre ce qu’il voit dans ces murs.
Malik, de son côté, seul dans son bureau avec vue sur Douala, ouvrit son carnet de cuir et laissa ses pensées s’écouler en poésie.
Malik (pensée écrite) :
Elle voit des âmes dans les murs, je ne vois que des chiffres, que des pertes.Elle est chaos, flamme de vie… je suis ordre, ombre…Et pourtant, ses yeux me distraient…Il referma le carnet, mêlant agacement et fascination. Ce projet allait être un défi plus personnel qu’il ne l’avait anticipé. Naïla représentait l’imprévisible, l’humain, l’émotion, tout ce qu’il avait appris à contrôler.
Le soleil se couchait sur Douala, teignant les immeubles de nuances orangées et pourpres. Le quartier de New Bell semblait attendre leurs décisions, silencieux mais vivant, porteur d’histoires et d’avenir. Deux mondes, deux visions, deux personnalités. Et au cœur de cette tension, une alchimie naissante, silencieuse mais déjà électrique.
Le projet Nova ne serait pas seulement un défi architectural ou financier : il serait le théâtre de convictions opposées, de passions intérieures, et peut-être, du début d’une connexion que ni l’un ni l’autre n’aurait pu prévoir.
Le soleil de Douala, brûlant et impitoyable, écrasait le chantier de New Bell d'une chaleur moite. Le bruit des marteaux, des scies et des engins lourds créait une symphonie cacophonique de progrès et de chaos. Naïla, le visage strié de sueur, scrutait les plans du troisième étage. Une anxiété grandissante la rongeait depuis plusieurs jours. Quelque chose n'allait pas. Le design d'une poutre de soutien principale lui semblait erroné, un détail technique qui, s'il était ignoré, pourrait compromettre la solidité de toute la structure.Elle avait essayé d'en discuter avec le chef de chantier, un homme loyal aux ordres stricts de Malik, qui l'avait repoussée poliment. C'était un homme de règles, incapable de s'écarter d'un plan pré-approuvé. Frustrée, Naïla savait qu'elle n'avait qu'une seule option : confronter directement Malik. Sa fierté, son professionnalisme et son besoin de voir ce projet réussir étaient plus forts que sa peur de l'affronter.Elle le trouva au rez-de-chaussée, l'air
Depuis le matin où il avait découvert le post-it de Naïla, l’ordre méticuleux qui régissait la vie de Malik s’était effrité, remplacé par un tumulte de pensées qu’il ne parvenait plus à contenir. Le bureau, son sanctuaire de logique et de contrôle, était devenu un champ de bataille pour son esprit. Il se retrouvait pris au piège de pensées obsessionnelles, se surprenant à revivre en boucle chaque instant de sa rencontre avec Naïla. Les lignes de ses plans d'architecture se transformaient en courbes du visage de Naïla, le cliquetis de son stylo sur le papier sonnait comme l'écho de sa voix chantant. Il travaillait, mais sa productivité avait chuté de façon alarmante. Ses employés, habitués à son efficacité robotique, le regardaient d’un œil curieux, le voyant se perdre dans des rêveries, un sourire fugace aux lèvres. C'était la première fois qu'il n'était pas entièrement maître de ses émotions. Ce sentiment nouveau le rendait vulnérable, et cette vulnérabilité l’inquiétait plus que tou
Le silence de l'appartement de Malik était lourd, un vide amplifié par le chaos qu'il avait laissé derrière lui dans sa voiture. Assis à son bureau minimaliste, il essayait de se concentrer sur les chiffres et les plans du projet de New Bell, mais chaque ligne qu'il lisait se transformait en notes de musique. La voix de Naïla résonnait dans sa tête, un écho persistant qui refusait de s'effacer. Il se sentait à la fois déstabilisé et étrangement inspiré. Cette mélodie, cette vulnérabilité brute qu'elle avait partagée sans le savoir, avait fait voler en éclats le mur de logique qu'il avait passé des années à construire autour de lui.Il prit une grande inspiration, se leva et marcha jusqu'à la fenêtre. Le Douala nocturne s'étendait devant lui, un océan de lumières scintillantes et de bruits lointains. C'était un spectacle qu'il avait vu des centaines de fois, mais ce soir, il le voyait différemment. Il ne voyait plus un plan directeur, une opportunité d'investissement, mais un tableau v
Le soleil de fin d’après-midi teignait le ciel de Yaoundé en nuances d'orange et de pourpre, jetant une douce lumière dorée sur les rues animées. Le bruit de la ville, un murmure constant et lointain, servait de toile de fond au calme de son appartement. Naïla, de retour chez elle après une longue journée, se sentait étrangement légère. La tension et la frustration qui l'avaient accompagnée sur le chantier s'étaient dissipées, remplacées par une énergie créative bouillonnante. Elle avait encore en tête l'image de Malik, à genoux devant elle, le regard empli d'une inquiétude qu'il s'efforçait de cacher sous son masque d'homme d'affaires imperturbable. Ce moment de vulnérabilité, aussi fugace fut-il, avait fait vibrer une corde inattendue en elle. C'était la première fois qu'elle le voyait, ne serait-ce que pendant une seconde, laisser tomber sa garde. Et cela avait eu un effet puissant sur elle.Dans le calme de son appartement, l'air embaumait une douce odeur de café fraîchement moulu
Le chantier de New Bell était une véritable symphonie chaotique, une partition brute et dissonante où chaque note, chaque son, avait sa propre place. L’air était épais, saturé d’une poussière rousse qui s’accrochait aux poumons, rendant chaque respiration un peu plus lourde. Le vrombissement incessant des engins de construction résonnait dans l'air, une pulsation tellurique qui faisait vibrer le sol sous leurs pieds. Des bulldozers rugissaient comme des bêtes en colère, leurs chenilles broyant le sol sous leur poids colossal, transformant la terre en un tapis de gravats. Des marteaux-piqueurs martelaient le béton avec une violence sourde, et le cliquetis métallique des pelles et des barres d'acier s’entremêlait aux cris et aux sifflets des travailleurs, qui s'appelaient les uns les autres dans une langue faite d’urgence et d’instructions précises.C'était un monde de force brute et de logique pure, à l'opposé de l'ordre créatif et serein de l'atelier de Naïla, où chaque ligne tracée s
L'air de la salle de conférence était lourd, saturé d’attentes et d'enjeux. Les lumières vives et le bourdonnement des conversations étouffées ajoutaient à la pression. Naïla et Malik se tenaient côte à côte devant un jury composé d'élus locaux, d'experts en urbanisme et d'investisseurs potentiels, leurs visages éclairés par l'écran de projection. Le projet Nova n’était plus seulement un plan sur le papier, mais une proposition concrète qu’ils devaient défendre. La tension entre eux, un mélange de respect et de rivalité, se répercutait dans l’atmosphère. Ils n'étaient plus dans le confort du bureau de Naïla, mais sur une scène, sous les regards perçants d'un public qui attendait de voir lequel des deux esprits l’emporterait.Naïla commença. Sa voix, claire et assurée, décrivait la vision du projet, insistant sur l'importance de préserver la maison historique. Elle ne parlait pas d'argent ou de chiffres, mais d'âme, d'identité et de l'histoire du quartier. Elle parlait avec éloquence d